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Les grands témoins de la foi
France et Papouasie-Nouvelle-Guinée
Nº 787
1870 – 1953

Alain de Boismenu, missionnaire au pays des cannibales

Bien que la Papouasie-Nouvelle-Guinée ne soit pas une colonie française, ce sont des missionnaires français qui ont gagné ces terres au Christ au XIXe siècle. Le prêtre breton Alain de Boismenu, né en 1870, est l’un d’entre eux, parti aux antipodes sans espoir d’en revenir jamais, au risque de sa vie. Il a écrit l’une des dernières grandes pages de la glorieuse histoire des missions.


Les raisons d'y croire

  • L’évangélisation de l’Océanie n’a débuté que dans les années 1830. Elle s’avérera l’une des plus difficiles de l’histoire de l’Église, tant il est long d’accéder à ces îles, délicat d’y toucher les cœurs, et pénible d’y vivre dans une solitude spirituelle totale, pour des résultats trop souvent décevants. De nombreux prêtres meurent à la tâche, parfois martyrs, ce qui, étrangement, suscite des vocations au lieu de les décourager.

  • Parmi ces terres, la Papouasie, encore largement inexplorée, fascine autant qu’elle effraie car on la dit peuplée de féroces anthropophages aux mœurs spécialement belliqueuses et cruelles. Il faut une foi profonde et un très grand amour du Christ pour aller porter l’Évangile à ceux que l’on dit être de terribles sauvages sanguinaires.

  • C’est le cas du Malouin Alain-Marie Guyot de Boismenu, qui va partir pour la Papouasie en 1898. Sûr de sa vocation missionnaire, il met le salut des âmes au-dessus de tout, même de sa propre existence.

  • S’il a choisi d’entrer chez les Missionnaires du Sacré-Cœur d’Issoudun en 1888, c’est parce que cette mission est vouée à la mission océanienne, entre autres. Pourtant, quand ses supérieurs lui confient pour premier poste une tâche d’enseignant qui ne correspond pas à ses attentes, il obéit car il essaie de faire la volonté de Dieu, et non la sienne.

  • Boismenu va découvrir, quand il partira enfin, que les populations accueillent plutôt favorablement le message chrétien, car l’Évangile les délivre des guerres perpétuelles entre tribus, devenues une sorte d’art de vivre. Ainsi, le père Verjus, arrivé dix ans avant Boismenu, créera-t-il des villages de « la paix de Jésus », où les convertis ne sont plus obligés de s’entretuer. Alain de Boismenu convertira de nombreux indigènes.

  • Il n’opère qu’un unique retour en France, en 1900, pour être consacré évêque, et ne reviendra jamais plus, tout donné au pays qu’il évangélise. C’est un sacrifice qu’il ne faut pas sous-estimer.

  • Il se donne pour but, en dépit des préjugés de l’époque, de former un clergé autochtone, et ose, aidé par une collaboratrice d’exception, mère Marie-Thérèse Noblet, la première congrégation féminine papoue, les Ancelles de Notre-Seigneur. Ainsi montre-t-il que le Christ et l’Église ne font exception de personne, et que le salut est pour toutes les langues et toutes les nations.

  • Voyant dans le catholicisme un vecteur d’influence étrangère, voire une menace politique, les Japonais, qui occupent le pays durant la Seconde Guerre mondiale, tentent de le déraciner du pays et de ramener les populations aux usages ancestraux. Boismenu aurait pu fuir l’occupation militaire et la persécution religieuse, mais il reste ferme à son poste. Sa fidélité et sa charité pastorale sont celles du « Bon Pasteur » de la Bible ( Jn 10,11 ).

  • Lorsqu’il meurt à Kubuna, le 5 novembre 1953, Alain de Boismenu laisse derrière lui cinquante-quatre années au service du peuple papou. Par sa vie donnée, il rend visible l’œuvre du Christ, capable de faire naître une véritable fraternité entre des hommes de cultures, de langues et de mondes si éloignés.


En savoir plus

Aux côtés d’Henri Verjus, originaire de Savoie, et du père Jean-Baptiste Bourjade (ancien pilote de chasse de la Grande Guerre devenu missionnaire), Mgr de Boismenu appartient à ce trio héroïque qui fit connaître le Christ aux populations réputées cannibales de Papouasie.

Né à Saint-Malo le 27 décembre 1870, descendant d’une vieille famille bretonne d’armateurs et de marins, Alain-Marie de Boismenu rêve dès l’enfance de devenir missionnaire. Il entre chez les Missionnaires du Sacré-Cœur d’Issoudun en 1888. Puis il est ordonné prêtre à Bourges le 10 février 1895. Après quelques années d’enseignement, il part pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1898. Malgré quelques frayeurs, les conversions se font assez aisément, à condition de vivre soi-même des préceptes de l’Évangile, ce qui est le cas de Boismenu.

En 1899, Alain de Boismenu prend la tête de la mission locale, assumant la responsabilité de guider les premiers chrétiens de Papouasie. Peu après, il devient coadjuteur du premier vicaire apostolique du pays, Mgr Navarre, évêque de Gabala. Lors de son unique retour en France, le 18 mars 1900, il est consacré à Montmartre évêque de Bereina. En 1912, il reçoit la nomination de vicaire apostolique du pape Léon XIII : il se voit confier la tâche de semer l’Évangile en Papouasie et de préparer l’implantation durable de l’Église, future structure diocésaine. Sa vie sera entièrement dédiée à la mission.

S’inscrivant dans le courant romain désireux d’instituer un clergé local et de favoriser les vocations autochtones, il peut se donner à ce but. En 1937, il a la joie d’ordonner le premier prêtre papou, Louis Vangeke, qui deviendra ensuite évêque de Culusi, en Papouasie.

Mgr Boismenu a déjà passé plus de quarante ans en Papouasie lorsqu’arrive la fin de la guerre. Il attendait le retour de la paix en 1945 pour démissionner de ses fonctions épiscopales. Il ne retourne pas pour autant en France et va finir sa vie chez les Ancelles, à Kubuna, où il continue de prier, conseiller, et encourager les missionnaires. Il meurt le 5 novembre 1953, toujours à Kubuna, où il est enterré. Sa cause de béatification a été ouverte en 2014.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

André Dupeyrat, Papouasie : Histoire de la mission (1885-1935), Dillen, 1935.


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