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© Unsplash/Serafima Lazarenko
Des miracles étonnants
Près de Lesneven (Bretagne, France)
Nº 784
1310 – 1358

Salaün Folgoët et le miracle du lys

Le 1er novembre 1358, un pauvre hère meurt, en bordure de forêt, près d’une fontaine, non loin de Lesneven (Bretagne, France). Cet homme simple, que l’on appelait « le fou » – « Salaün ar Foll » –, était connu pour mendier son pain et répéter, inlassablement et à longueur de journée, « Ave Maria ». Enterré sur place, sans égard et dans l’indifférence, il aurait dû être vite oublié. Mais, sur sa sépulture et malgré le temps glacial, surgit quelques jours plus tard un lys blanc extraordinaire : un signe qui bouleverse les habitants.


Les raisons d'y croire

  • L’histoire de Salaün est mentionnée par écrit dès la fin du XIVe siècle. La source première est Histoire du bienheureux Salaün, écrit par Jean de Langouesnou, qui fut abbé de Landévennec entre 1344 et 1362. Ce contemporain de Salaün relate le miracle du lys, en mettant l’accent sur les faits dont il a lui-même été témoin. À la fin, l’auteur réaffirme la vérité de ce qu’il a vu de ses propres yeux, en dédiant son œuvre à la Vierge Marie.

  • Ce récit n’est ni anonyme ni tardif. Le document originel existait encore en 1580, lorsqu’il fut transmis à René Benoist et Pascal Robin pour la constitution d’une collection sur les saints. Ils en firent une paraphrase et en traduisirent certains passages.

  • La fontaine du Folgoët, lieu près duquel le Folgoët a vécu et est mort, est aussi attestée, de façon indépendante, depuis le Moyen Âge.

  • Le récit de Salaün ne contient aucun message politique ou idéologique direct. Il s’agit d’un pauvre homme, considéré fou, qui prie humblement. Il n’est pas du tout une figure héroïque. Cette sobriété renforce l’authenticité de l’histoire.

  • Le lys qui pousse miraculeusement sur la tombe de Salaün montre que la grandeur spirituelle ne se mesure pas aux apparences, à l’instruction ou au prestige, mais à la fidélité du cœur. Salaün a prié simplement « Ave Maria » toute sa vie durant, avec amour. Cet enseignement est aussi dans l’Évangile : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » ( Mt 11,25 ).

  • Les recherches historiques montrent que la tombe de Salaün était identifiée localement, et les pèlerinages y commencèrent immédiatement après sa mort, en 1358. Six ans après, en 1364, la première pierre de l’église du Folgoët est posée. Le miracle du lys n’est donc pas un récit inventé a posteriori pour justifier la légitimité du sanctuaire ou en faire la publicité. Au contraire, c’est bien le signe surnaturel et le culte populaire autour de la tombe qui sont la raison originelle de sa construction.

  • Les archives de l’évêché de Quimper conservent le document qui relate la consécration de l’église en 1419. C’est-à-dire qu’à l’époque où elle a été édifiée, les contemporains de Salaün, ou leurs enfants, vivaient : ceux qui lui avaient donné l’aumône à Lesneven, ceux qui l’avaient enterré près de la fontaine, ceux qui avaient pu voir le lys… Ils auraient bien sûr protesté si quelqu’un avait voulu répandre une histoire mensongère.

  • Peut-on penser qu’on aurait bâti cet important et coûteux monument dans un coin désert, au milieu des bois, si le miracle n’avait été éclatant, constaté et attesté par des témoins dignes de foi ?

  • Les documents d’archives du Finistère attestent qu’un très fort mouvement de piété s’est porté vers cet endroit et que la construction a bénéficié de dizaines de donations. La construction de la basilique Notre-Dame du Folgoët a aussi été largement financée par la cour ducale, ce qui n’aurait pas été envisagé si tout cela reposait sur une pure fable. Le fait était donc perçu comme crédible par les élites autant que par le peuple.

  • Depuis plus de six cents ans, génération après génération, pèlerins et fidèles continuent d’y affluer. Une telle pérennité s’explique par la réalité des grâces reçues en ce lieu sous le regard de Notre Dame du Folgoët.


En savoir plus

Vers le milieu du XIVe siècle vivait, au cœur d’une clairière bretonne, un homme simple d’esprit nommé Salaün. Les habitants du pays de Lesneven l’appelaient familièrement « Salaün ar Foll », « Salaün le Fou », ou encore « le Fou du Bois ». Il passait pour un imbécile, innocent, un être sans malice. Né à Kerbriand en 1310, dans la paroisse d’Elestrec, de parents pauvres, il avait fréquenté un peu l’école, mais n’y avait retenu que les deux premiers mots de la prière mariale : « Ave Maria. » Après la mort de ses parents, il quitta son village et vint s’établir près d’une fontaine, à la lisière du bois. Il vivait très pauvrement. Chaque matin, il assistait à la messe à Lesneven, puis allait mendier, le sourire aux lèvres et murmurant sa courte prière : « Ave Maria ! Salaün mangerait bien un morceau de pain ! »

Ainsi s’écoulèrent quarante années d’une existence humble et paisible. Le 1er novembre 1358, on le trouva mort au pied d’un arbre, près de la fontaine où il trempait son pain. Jugeant inutile de le transporter jusqu’au cimetière, situé à une lieue, on l’enterra sommairement sur place, « comme une bête », sans prêtre ni cérémonie.

Mais, quelques jours plus tard, les habitants furent frappés de constater un prodige : sur sa tombe, au cœur d’un mois de novembre glacial, avait poussé un lys odorant magnifique. Sur les pétales d’une blancheur éclatante étaientinscrits les mots « Ave Maria ». Le miracle bouleversa la région : prêtres, seigneurs et paysans accoururent pour voir cette merveille. On décida rapidement qu’il fallait élever sur ce lieu béni une chapelle en l’honneur de la Vierge. Le lieu fut bientôt appelé « Notre-Dame du Folgoët », c’est-à-dire « Notre-Dame du Bois du Fou ».

Les travaux de la construction débutèrent vers 1364 et s’achevèrent en 1419, sous la bénédiction de monseigneur de La Rue, évêque de Léon. Quelques années plus tard, en 1423, le duc Jean V érigea l’église en collégiale.

La collégiale du Folgoët, chef-d’œuvre du gothique breton, devint rapidement un haut lieu de dévotion mariale, attirant des foules venues de toute la Bretagne. La reine Anne de Bretagne y vint à plusieurs reprises : en 1491, à la veille de son mariage avec Charles VIII, puis en 1499 et 1505, pour confier ses prières à Notre Dame. Plus tard, en 1636, Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, s’y recommanda également.

Au fil des siècles, malgré les guerres et la Révolution, la ferveur populaire ne s’éteignit jamais. Restaurée au XIXe siècle, la basilique fut couronnée en 1888, consacrant officiellement la dévotion à Notre Dame du Folgoët. Aujourd’hui encore, le grand pardon du Folgoët rassemble chaque premier dimanche de septembre des milliers de pèlerins, perpétuant une tradition ininterrompue depuis plus de six cents ans.

Solveig Parent


Au delà

La naissance du sanctuaire Notre-Dame de Folgoët repose donc sur un personnage historique réel et sur une tradition ancienne, documentée précocement : la trace d’une tombe honorée, la rapidité de la ferveur populaire et l’appui du pouvoir ducal témoignent indéniablement d’un fait marquant survenu en ce lieu. Cette base historique est indéniable ; que la mémoire collective ait enrichi le récit au fil des siècles n’enlève rien à la vérité spirituelle et à la puissance du signe initial et des grâces obtenues.


Aller plus loin

Joseph Le Jollec, Histoire miraculeuse contenant le mystère de Notre-Dame du Folgoët, essai critique, Roz-Avel, 1949. Disponible en ligne .


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