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Les Apôtres
Galilée
Nº 781
Ier siècle

Saint Simon le Zélote, apôtre et martyr

Simon, surnommé le Cananéen ou le Zélote, ce qui signifie en hébreu « le zélé », est, des douze apôtres, le moins connu. Comme les autres, il est choisi par Jésus-Christ pour porter sa parole à toutes les nations. Il est mort martyr, probablement en Perse. Les reliques de l’apôtre Simon se trouvent à la basilique Saint-Pierre, à Rome.


Les raisons d'y croire

  • Dans les listes qu’ils établissent des douze apôtres qui ont entouré le Christ, les évangélistes saint Matthieu ( Mt 10,4 ) et saint Marc ( Mc 3,18 ) donnent à Simon le surnom de « Cananéen » pour le distinguer de Simon Pierre. Saint Luc, quant à lui, l’appelle le « Zélote » dans son Évangile ( Lc 6,15 ). Il fait de même dans les Actes des Apôtres ( Ac 1,13 ), chronique des actions des apôtres, qui commence après que le Christ les a quittés le jour de l’Ascension pour remonter auprès de son Père. Ces témoignages établissent bien l’existence historique de l’apôtre Simon.

  • Le nom de Simon figure aussi au canon de la messe, dans la première liste des apôtres, après le Memento des vivants. Le canon a été composé à partir des traditions antiques, vers le IVe siècle. « Unis dans une même communion, nous vénérons d’abord la mémoire de la glorieuse Marie toujours vierge, mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, puis celle [...] de vos bienheureux apôtres et martyrs [...] Simon... »

  • Simon accepte de laisser sa vie derrière lui pour suivre Jésus dans sa vie publique. Ce basculement radical suggère que Simon a vu en Jésus plus qu’un simple maître spirituel : plutôt le Messie véritable. Le zèle que l’apôtre Simon développait à l’égard de la Loi se substitue, après sa rencontre avec le Sauveur, en une profonde piété et un très grand dévouement envers l’Homme-Dieu, montrant ainsi que la Loi mosaïque trouve son accomplissement en Jésus-Christ.

  • Notons que Jésus a su convaincre par la vérité de son message non seulement Simon, mais également les onze autres apôtres. Or, il s’agit d’hommes issus d’horizons très divers, qui pourtant ont tous reconnu en lui le Christ, le Fils du Dieu vivant ( Mt 16,15-16 ).

  • Des sources orales ainsi que des monuments liturgiques orientaux (églises dédiées à saint Simon et cultes avérés) témoignent que saint Simon a quitté la Galilée et la Judée pour prêcher l’Évangile jusqu’aux extrémités du monde connu : en Égypte, en Mésopotamie… Puis il poursuivit son apostolat jusqu’en Perse, porteur d’un message universel de salut.

  • Enfin, il témoigne de la divinité du Sauveur par son propre sang. Son martyre est le fruit d’une conviction inébranlable : Simon est mort pour un homme qu’il avait vu vivre, enseigner, mourir, puis ressusciter. On ne meurt pas pour une idée qu’on sait fausse. La fidélité de Simon, comme celle des autres apôtres, atteste qu’ils croyaient de manière absolue à la résurrection du Christ, et pour cause : ils en avaient fait l’expérience directe.

  • La force morale, c’est-à-dire le courage aussi bien intellectuel que pratique, est la vertu dont saint Simon montre particulièrement l’exemple. Benoît XVI, dans la catéchèse qu’il consacre à cet apôtre, souligne que Simon le Cananéen est un modèle pour « redécouvrir toujours à nouveau et à vivre inlassablement la beauté de la foi chrétienne, en sachant en donner un témoignage à la fois fort et serein ».


En savoir plus

Le nom « Simon le Cananéen » pourrait indiquer sa ville d’origine : Cana, en Galilée. Mais qu’en est-il du second surnom que lui attribue saint Luc : « Simon, le Zélote » ?

L’épithète « Zélote » pourrait marquer l’appartenance de Simon au parti des zélotes, qui s’efforçaient de conserver pures de tout mélange les traditions juives. Ce « zèle » religieux en faisait des justiciers farouches qui n’hésitaient pas à punir, voire à assassiner les juifs infidèles. Les zélotes n’étaient pas opposés au pouvoir romain puisque les Juifs pouvaient, au moins depuis Jules César, vivre selon leurs propres lois. Les partisans d’un autre mouvement, peut-être nommés « sicaires », mouvement fondé en l’an 6 de notre ère par Judas le Galiléen et appelé « la quatrième philosophie », cherchaient plutôt à conquérir la liberté face à l’occupant romain et aux Juifs qui collaboraient avec lui. Ils recouraient plus encore à la force des armes pour servir leur lutte politique. Les deux mouvements ne coïncidaient pas. Simon n’était donc pas un sicaire, et probablement pas non plus un zélote, car le mouvement des zélotes n’avait que peu de force durant le premier tiers du Ier siècle.

Saint Jérôme (vers 347 – 419/420), le grand traducteur des livres bibliques et pour cette raison fin connaisseur de l’histoire de la fondation de l’Église, évoque le personnage de « Simon le Cananéen ». Ce surnom, écrit-il, signifie le « zélote » car « cana » peut désigner le zèle en hébreu (Commentaire de l’Évangile de saint Matthieu, I, l. 1519 de l’édition CPL 0590 de LLT). Ce trait de caractère l’apparente à l’apôtre Jude Thaddée, que l’Église commémore avec lui. Dans son Commentaire de l’Épître aux Galates, saint Jérôme note que « l’apôtre Judas – qui n’est pas le traître » a pris le nom de Zélote « en vertu de son zèle insigne » (II, 4, 18) pour défendre la gloire de Dieu. Le surnom de « Zélote » de l’apôtre Simon désigne donc bien plus probablement un trait de caractère et des vertus remarquables chez lui.

Les évangélistes Matthieu ( Mt 13,55 ) et Marc ( Mc 6,3 ) présentent « Jacques [le Mineur], Joseph, Simon et Jude [Thaddée] » comme les « frères », c’est-à-dire les cousins, de Jésus-Christ. Leur père, Alphée (Cléophas), est en effet le frère de saint Joseph. Mais ce Simon, dont parle l’évêque Eusèbe de Césarée, qui deviendra évêque de Jérusalem à la suite de saint Jacques le Mineur (cf. Histoire ecclésiastique, III, 11 et 22 ; III, 32, 4 ; IV, 22, 4) et mourra martyr (ibid., III, 32, 2, 6 ; III, 32, 4, 6), n’est pas l’apôtre.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au delà

Benoît XVI fait remarquer, dans la catéchèse que nous avons déjà mentionnée, que le zèle de saint Simon pour son Dieu, son peuple et la Loi divine, place cet apôtre aux antipodes de l’évangéliste saint Matthieu, qui est un publicain, c’est-à-dire un collecteur d’impôts pour le compte du pouvoir d’occupation romain polythéiste, et dont l’action est donc particulièrement odieuse aux yeux des juifs fidèles. Pourtant le Christ les choisit tous deux pour devenir ses apôtres : « C’est le signe évident que Jésus appelle ses disciples et ses collaborateurs des horizons sociaux et religieux les plus divers, sans aucun préjugé. Ce sont les personnes qui l’intéressent, pas les catégories sociales ou les étiquettes ! Et il est beau de voir que dans le groupe de ses fidèles, tous, bien que différents, coexistaient ensemble, surmontant les difficultés imaginables : en effet, Jésus lui-même était le motif de cohésion, dans lequel tous se retrouvaient unis. »

Benoît XVI en tire une conclusion pratique dont la portée vaut aussi pour notre époque : « Cela constitue clairement une leçon pour nous, souvent enclins à souligner les différences, voire les oppositions, oubliant qu’en Jésus-Christ, nous a été donnée la force pour concilier nos différences. Rappelons-nous également que le groupe des Douze est la préfiguration de l’Église, dans laquelle doivent trouver place tous les charismes, les peuples, les races, toutes les qualités humaines, qui trouvent leur composition et leur unité dans la communion avec Jésus. » Il est donc clair que Jésus-Christ est le lien qui unit jadis les douze apôtres et unit toujours aujourd’hui les membres de son Église – l’Église catholique – qui sont fidèles à leur Maître.


Aller plus loin

Alfred Morin, P.S.S., « Les deux derniers des Douze : Simon le Zélote et Judas Iskariôth », Revue biblique, Peeters, 1973, vol. 80 (3), p. 332-358.


En complément

  • Benoît XVI, « Audience générale du 11 octobre 2006 ». En ligne sur le site du Saint-Siège.

  • Christophe Mézange, « Simon le Zélote était-il un révolutionnaire ? », Biblica, Peeters, 2000, vol. 81, n. 4, p. 489-506.

  • Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, trad. A. Pelletier, Paris, Les Belles Lettres, 1975-1982. L’auteur raconte la lutte menée par les Juifs contre le pouvoir romain de 175 avant Jésus-Christ (répression d’Antiochus IV en Judée) à 74 de notre ère (chute de Massada). Voir par exemple la traduction d’Arnaud d’Andilly publiée à Bar-le-Duc chez Constant-Laguerre, en 1878. Cette édition a le mérite d’être en un seul volume et peut être consulté en ligne .

  • Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, Paris, Cerf, Sources chrétiennes no 31, 2001, tome I : Livres I-IV, 440 p. Le texte de l’ouvrage est disponible en ligne dans la traduction d’Émile Grapin.

  • The Uncanonical Gospels and Other Writings, Referring to the First Ages of Christianity in the Original Languages, Collected Together from the Editions of Fabricius, Thilo and Others, John A. Giles (éd.), I, London, D. Nutt, 1852. La Passion de Simon et Jude (en latin) se trouve p. 375 à 393 (livre VI). Cette Passio est un apocryphe (c’est-à-dire un récit inauthentique) rédigé à l’époque de saint Grégoire de Tours (538 – 594). Le livre est disponible en ligne .

  • Annarita Magri, « La Passion de Simon et Jude du Pseudo-Abdias et les Écritures juives », dans La Littérature apocryphe chrétienne et les Écritures juives, Rémi Gounelle et Benoît Mounier (éd.), Prahins (Suisse), Éditions du Zèbre, 2015, 507 p. Le chapitre concerné est disponible en ligne .

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