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© Shutterstock/Sergey Kamshylin
Les moines
Russie
Nº 770
Vers 1080 – 1143

Nicolas de Tchernigov, un prince aux cuisines

Né vers 1080 près de Kiev, le prince Sviastoslav est l’un des petits-fils du Tsar et l’un de ses successeurs potentiels, avenir somme toutes plutôt enviable. Pourtant, à vingt ans, le jeune homme va y renoncer pour entrer, sous le nom de frère Nicolas, comme simple moine au monastère de Kiev. Malgré les objurgations de sa famille qui veut absolument le faire revenir sur sa décision, il ne trahira jamais sa vocation, choisissant même, afin de réfréner son orgueil princier, les tâches les plus humbles.


Les raisons d'y croire

  • Même si saint Vladimir a fait la Russie chrétienne près d’un siècle auparavant, personne de sa famille n’a jamais depuis choisi la vie religieuse, jugée inadaptée pour une noble naissance. Le choix de Sviatoslav va donc choquer les siens, voire les indigner. Son frère Iziaslav estime qu’il déshonore toute sa lignée. Il faut une grande force d’âme et une vocation inébranlable pour surmonter le désaveu des siens. Frère Nicolas va en faire montre avec ténacité.

  • Redoutant sans doute d’être inférieur à l’attente de Dieu, et plus encore de rester trop orgueilleux de son rang, Nicolas choisit systématiquement les tâches jugées inférieures par les autres et que, dans le monde, on laisse aux domestiques de bas niveau. Ainsi pendant des décennies se cantonnera-t-il au rôle de portier ou de cuisinier du monastère, ce qui ne semble guère gratifiant mais Nicolas sait par l’Évangile que l’on peut très sûrement se sanctifier dans les tâches humbles.

  • Sa famille, ulcérée de le voir humilier et loin des hautes fonctions monastiques, vient régulièrement au monastère lui reprocher la vie qu’il mène et le conjurer de revenir. En particulier, l’un de ses frères aînés, Iziaslav, veut à toutes forces l’arracher à la vie monastique, le harcelant et le menaçant. Non seulement Nicolas résiste à de telles pressions, mais il redouble de prières pour celui qui le persécute.

  • Frère Nicolas est autorisé à devenir ermite, une vocation qui n’est pas permise à tous tant elle est difficile et sujette aux attaques démoniaques. Il les combat par le jeûne et les pénitences.

  • Sa réputation de sainteté est grande quand il rend l’âme le 14 octobre 1143. Il est resté fidèle jusqu’au bout à la vie qu’il avait choisie. À peine est-il mort qu’il se révèle thaumaturge ; son premier et plus retentissant miracle, il l’accomplit d’ailleurs en faveur de son frère Iziaslav qui, reconnaissant et repentant, fera construire un splendide sanctuaire sur la tombe de son cadet à Tchernigov.


En savoir plus

Petit-fils du tsar de Russie, le prince Sviatoslav renonce aux honneurs du monde pour entrer jeune à la laure de Kiev où il passera presque un demi-siècle dans la prière et le renoncement, le silence et l’abaissement, ce que ses proches tiennent pour une insulte faite à son lignage.

Trouvant son quotidien trop doux, il renchérit dans les austérités, dépassant ce que demande la règle, pourtant fort austère. Ainsi s’astreint-il à un jeûne rigoureux et de nombreuses pénitences. Son austérité est tellement remarquable que les supérieurs l’autorisent finalement à mener la vie érémitique au sein de la laure, n’ayant plus aucun contact avec l’extérieur, vivant reclus dans la prière.

À son lit de mort, le 14 octobre 1143, on lui retire sa tunique de crin pour l’ensevelir. Peu après, son frère Iziaslav qui l’a persécuté des années durant dans l’espoir de le voir réintégrer la cour tombe très malade. Repentant, et songeant à la réputation de sainteté de Nicolas, il réunit ses dernières forces pour se rendre au monastère où il implore son cadet de lui obtenir sa guérison. L’higoumène lui conseille alors de revêtir un instant la tunique de crin de son cadet et d’aller s’abreuver à la source proche de l’ermitage où Nicolas puisait son eau. Iziaslav obéit ; il est aussitôt guéri et manifestera princièrement sa reconnaissance.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

Sur le site de Codex Dei, l’article « La tunique miraculeuse de saint Nicolas de Tchernigov ».


En complément

  • Le synaxaire de la Laure de Kiev‑Petchersk comporte un article sur Nicolas Sviatosha.

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