Alexandre Sauli, l’évêque corse qui toucha les cœurs
Alexandre Sauli (1534 – 1592), prêtre barnabite italien, est une figure marquante de la réforme catholique de l’après concile de Trente. Supérieur général de sa congrégation, puis évêque d’Aléria, en Corse, il s’attache à la formation du clergé, à la réconciliation des communautés et à l’évangélisation, au point d’être surnommé « l’apôtre de la Corse ». Il meurt le 11 octobre 1592 et est canonisé en 1904. Sa vie témoigne d’une foi chrétienne incarnée, lumineuse, capable de transformer les cœurs et les sociétés.
Les raisons d'y croire
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Alexandre Sauli, homme de grande intelligence et de haute naissance, aurait pu suivre une carrière paisible et pleine d’honneurs. Il a pourtant choisi la pauvreté, l’austérité, le service des autres, et le renoncement à lui-même. Ce renversement de valeurs ne suit pas une logique humaine, mais évangélique : « Celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » ( Mt 10,39 ). Alexandre Sauli est réellement transformé par sa foi en Christ.
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Cette transformation porte des fruits extrêmement bénéfiques, visibles et durables. Dans une Corse divisée, violente et spirituellement abandonnée, il se donne sans compter, sans chercher ni gloire, ni pouvoir, ni profit. Partout où il a exercé son ministère, Alexandre Sauli permet une transformation : renouveau spirituel, paix sociale, élévation morale du clergé… Une foi qui porte de tels fruits ne peut venir d’une illusion ou d’un mensonge.
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Ce travail missionnaire, conduit dans la fidélité à l’Église et sans recherche de prestige, constitue un signe discret mais profond de la fécondité de la foi chrétienne lorsqu’elle est vécue dans toute sa cohérence.
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Alexandre Sauli ne se contente pas de parler du Christ : il vit comme le Christ, pauvre parmi les pauvres, artisan de paix, témoin de la miséricorde. Sa vie n’a rien de spectaculaire au sens médiatique, mais elle est radicalement évangélique : prière, service, humilité, fidélité. Il ne cherche pas à briller, mais à servir Dieu et les hommes. La vérité du christianisme se manifeste dans la cohérence entre sa foi et sa vie.
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Alors qu’il est évêque d’Aléria, en mission pastorale à Bastia, Alexandre Sauli rencontre un jeune garçon muet de naissance. Après avoir prié pour lui en lui imposant les mains et avoir tracé sur sa bouche un signe de croix, l’enfant recouvre soudainement la parole, à la stupeur des témoins présents. Ce miracle a été rapporté par plusieurs personnes et est mentionné dans les documents officiels du procès canonique. C’est un signe manifeste de l’action de Dieu à travers lui.
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Alexandre, dans un moment de grande fatigue morale, face aux difficultés de son ministère, prie la Vierge Marie avec ferveur. Elle lui apparaît et lui dit simplement : « Courage, mon fils ! » Il parla de cette vision avec beaucoup de discrétion, seulement à certains proches, mais plusieurs témoins rapportèrent un changement visible dans son attitude après cet événement : plus de sérénité, plus de force. Cette anecdote a marqué la mémoire de ceux qui l’ont connu.
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Après sa mort, le 11 octobre 1592, il est aussi fait mention de nombreuses guérisons obtenues par son intercession, en particulier à Pavie, où son corps repose. Pendant plusieurs jours, un afflux important de fidèles vient le voir, le prier, le toucher, ou simplement le contempler. Beaucoup témoignent alors de grâces de guérison physique ou spirituelle. Après avoir enquêté, l’Église a reconnu officiellement plusieurs de ces miracles pour sa béatification en 1741 et sa canonisation en 1904.
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On rapporte de plus que son corps semble intact plusieurs jours après la mort, ce qui impressionne beaucoup ses contemporains : pas de décomposition apparente, ni d’odeur, la peau gardant sa souplesse et sa couleur, comme s’il dormait, ce qui, sans les soins classiques de conservation modernes, est inexplicable. Cela a contribué à la réputation de sainteté d’Alexandre Sauli, qui s’est répandue rapidement autour de lui. La conservation de son corps après la mort, même partielle ou temporaire, peut être interprétée comme un signe extérieur d’une vie intérieure profondément unie à Dieu.
En savoir plus
Né à Milan le 15 février 1534 dans une famille noble d’origine corse, il entre dès l’âge de dix-sept ans chez les Clercs réguliers de Saint-Paul, plus connus sous le nom de Barnabites, une congrégation fondée depuis peu dans le sillage du concile de Trente. Ordonné prêtre en 1556, il enseigne la théologie à Pavie tout en assurant la formation des jeunes religieux.
En 1565, à seulement trente et un ans, il est élu supérieur général de sa congrégation. Il y fait preuve d’un rare équilibre, entre rigueur doctrinale et charité pastorale, marquant durablement la spiritualité barnabite par sa douceur et son exigence. Cette capacité à unir vérité et miséricorde est une beauté fondamentale du christianisme.
En 1570, le pape Pie V le nomme évêque d’Aléria, en Corse. L’île, à cette époque, souffre de nombreux maux : clergé peu formé, insécurité, divisions entre familles, pauvreté spirituelle… Lors de son arrivée en Corse, en 1570, Alexandre Sauli trouve un clergé désorganisé et un peuple souvent méfiant envers l’autorité ecclésiastique. Une des premières fois qu’il prêche dans une église de village, des hommes armés sont présents, redoutant que le nouvel évêque vienne imposer des réformes brutales. Mais il parle avec une telle humilité, une telle fermeté bienveillante, que l’atmosphère change : à la fin de la messe, plusieurs des chefs de clan viennent l’embrasser en signe de paix.
Alexandre Sauli entreprend alors une œuvre de réforme aussi patiente que profonde. Il visite les paroisses les plus reculées, fonde des séminaires, rétablit la paix entre clans rivaux, et encourage les fidèles à renouer avec les sacrements. Il exerce son ministère avec une ferveur paisible, sans éclats, mais avec une constance admirable. Il gagne le cœur des Corses, non par l’autorité mais par la charité, car sa présence porte des fruits remarquables ; en quelques années, le diocèse change de visage. Il est surnommé « l’apôtre de la Corse », tant pour sa charité que pour l’effet pacificateur de son action.
Alexandre parcourt à pied ou à dos de mule des kilomètres de chemins escarpés pour visiter les villages de son diocèse de Corse, parfois isolés dans la montagne. Il refuse les logements luxueux, préférant dormir chez les plus pauvres. Un jour, ses compagnons de route lui suggèrent de se reposer dans une maison mieux équipée. Il répond simplement : « Ce n’est pas dans le confort qu’on trouve les âmes. »
En 1591, malgré son âge et sa santé affaiblie, Alexandre est appelé par le pape Grégoire XIV à devenir évêque de Pavie, dans le nord de l’Italie. Il y apporte la même ardeur : réforme du clergé, prédications et œuvres de charité.
En 1592, il part en visite pastorale à Calosso, un petit village de son nouveau diocèse de Pavie. En arrivant, il célèbre la messe, prêche, confesse… Puis, dans la nuit, le 11 octobre 1592, alors qu’il prie, il s’effondre et rend l’âme. On raconte que ses dernières paroles sont : « Seigneur, je remets mon âme entre tes mains. » Sa mort, en mission, est un sceau posé sur sa vie entière, celle d’un pasteur donné, jusqu’au bout.
Son corps, transféré à Pavie, fut vénéré très tôt, et il fut canonisé par saint Pie X en 1904.
Solveig Parent
Aller plus loin
Giacinto Sigismondo Gerdil, Vie du bienheureux Alexandre Sauli, barnabite, évêque d’Aléria et de Pavie, apôtre de la Corse, Typographia Vaticana, 1772. Peut être partiellement lu en ligne . Ouvrage de référence, écrit par un cardinal théologien, contemporain des premiers procès de sa canonisation.
En complément
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Albert Dubois, Le Bienheureux Alexandre Sauli, barnabite, évêque d’Aleria, Corse, puis de Pavie, 1922, Paris, Hachette / Bibliothèque nationale de France (réédition en 2017). Peut être partiellement lu en ligne .
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Sur le site Internet Academic, la page « Alexandre Sauli » propose un résumé de sa biographie.
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L’article universitaire de Mauro Regazzoni, « L’eroicità delle virtu nei processi apostolici di beatificazione e di canonizzazione di Sant’Alessandro Sauli. I documenti dell’Archivio Storico Romano », 2015, dans Barnabiti Studi, vol. 32, p. 231 348. Mentionne les preuves, les critères et les documents qu’a examinés l’Église dans le cadre du procès de canonisation.