
Saint Guillaume Pinchon, un évêque selon l’Évangile
Guillaume Pinchon, qui fut évêque de Saint-Brieuc au XIIIe siècle, mourut en odeur de sainteté et fut crédité de nombreux miracles. Connu pour sa droiture et sa défense courageuse des droits de l’Église face au duc Pierre Mauclerc, il fut exilé pour avoir résisté aux ingérences politiques. Modèle de chasteté, il demeura fidèle à sa mission pastorale, vivant pauvrement et aidant les plus démunis. Mgr Guillaume Pinchon est le premier saint breton officiellement canonisé.
Les raisons d'y croire
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Guillaume Pinchon est l’un des premiers saints, et en tout cas le premier Breton, à avoir été canonisé dans les règles à Rome, à une époque où la papauté ne voulait plus se contenter des acclamations populaires – la fameuse vox populi – pour porter quelqu’un sur les autels, et tenait même désormais à contrôler le déroulé du procès diocésain de canonisation et à en vérifier les actes.
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Lorsqu’on ouvre sa tombe, dix ans après sa mort, son corps est retrouvé intact et souple, dégageant une suave odeur de sainteté. La résurrection d’un enfant qui s’était noyé et qui revient à la vie après avoir été posé sur la tombe de l’évêque conduit Innocent IV à le canoniser.
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Comme le pape avait personnellement connu Mgr Pinchon, avec lequel il a entretenu des liens d’amitié, nous sommes assurés du grand sérieux de la procédure et de la véracité des faits rapportés, encore tout récents puisque Mgr Pinchon est mort le 29 juillet 1234 et qu’il a été canonisé en 1247.
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La première chose que Guillaume Pinchon fait en devenant évêque de Saint-Brieuc, en 1220 – il a 35 ans –, est de se dépouiller de tout ce qu’il possède pour en faire don aux pauvres. Au grand étonnement de son clergé, il fait même installer une soupe populaire dans la cour du palais épiscopal. Ainsi, il ne se contente pas d’enseigner la charité : il la vit pleinement en portant secours aux pauvres et en partageant leur condition. Son comportement rejoint celui du Christ lui-même, qui s’est fait proche des petits. Ces actes de charité concrète crédibilisent le message chrétien et montrent que l’Église, fidèle à l’Évangile, porte des fruits visibles de justice, de solidarité et de paix.
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Guillaume Pinchon, joli garçon, est aussi connu pour avoir été en butte aux assauts de femmes qui n’hésitaient pas à faire des avances à un prêtre. Il les a toujours repoussées avec véhémence. Il ne vit pas son vœu de chasteté comme un renoncement triste, mais comme un choix libre d’orienter toute sa capacité d’aimer vers Dieu et vers les âmes qu’il sert dans son ministère. La fidélité joyeuse de Guillaume Pinchon montre la beauté d’une vie centrée sur le Christ.
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À partir de 1218, le nouveau duc Pierre de Dreux met en place de nouvelles taxes qui remettent en cause des droits ecclésiaux. Guillaume ose s’y opposer frontalement et défendre les droits de l’Église face aux empiétements du pouvoir civil. Il sait pourtant que certains puissants n’hésitent pas à s’en prendre aux évêques qui leur résistent, et l’assassinat de Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, en 1170, est encore dans tous les esprits. Il faut beaucoup de courage pour demeurer ferme en ces circonstances et risquer sa vie.
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Il ne change pas d’attitude quand, en 1226, Pierre Mauclerc, qui ne lui pardonne ni sa résistance ni le fait d’avoir fédéré contre lui tout l’épiscopat breton, le fait exiler hors du duché. Son indépendance morale face aux vexations graves et à l’exil illustre que le témoignage chrétien ne cherche pas l’intérêt personnel, mais la vérité.
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L’attitude de Guillaume Pinchon en exil est aussi un témoignage de l’espérance chrétienne : les souffrances du temps présent sont secondaires par rapport à la fidélité à Dieu et à l’Évangile.
En savoir plus
« Au vol ! au vol ! » : une nuit, au début du XIIIe siècle, tous les clients d’une auberge bretonne sont réveillés en sursaut par des hurlements affolés qui se font entendre dans la chambre d’un jeune prêtre de passage. Tout le monde se précipite à sa rescousse, non sans étonnement, néanmoins, car, à l’évidence, le clerc n’est pas riche et l’on ne sait trop ce qu’un malveillant aurait bien pu vouloir lui dérober. Et voilà que la porte de la chambre s’ouvre à la volée et qu’en jaillit une fille à demi nue qui s’enfuit sans demander son reste : la servante de la maison qui, trouvant le client à son goût et faisant fi de son état sacerdotal, a tenté de se glisser dans son lit… Au patron, éberlué, qui demande de quel larcin la fille s’est rendue coupable, le jeune prêtre répond gravement qu’elle a tenté de lui dérober son bien le plus précieux : sa virginité. La mésaventure révèle toute la personnalité de Guillaume Pinchon, futur évêque de Saint-Brieuc, qui prendra toujours très au sérieux l’exercice par le clergé des vertus chrétiennes.
Guillaume Pinchon, ou plus probablement Pichon, forme plus usitée en Haute-Bretagne, naît en 1184 à Saint-Alban, dans le diocèse de Saint-Brieuc. Ses parents, Olivier et Jeanne, aisés, lui offrent des études à l’école épiscopale. L’évêque y remarque cet étudiant intelligent, travailleur, chaste, pieux et charitable, exemplaire, dont il envisage déjà de faire son successeur. Prêtre à vingt-trois ans, avocat canoniste, Pinchon devient évêque à trente-cinq ans. Parvenu aux plus hautes fonctions, il demeure aussi exemplaire que lorsqu’il n’était qu’un simple clerc.
Pinchon pratique héroïquement les vertus, à commencer par la chasteté. Il semble que les avances de la servante d’auberge n’aient pas été les seules qu’il ait dû repousser dans sa jeunesse et, par la suite, même devenu évêque, encore jeune et séduisant, il fera l’objet de propositions non équivoques de la part de dames qui essaient de monnayer leurs charmes à l’occasion de procès qui les opposent à l’Église. On se souviendra du jour où, avocat canoniste de Saint-Brieuc, il jette dehors en la traitant de « tison d’enfer » celle qui s’est dévêtue devant lui pour gagner son procès. À la longue, l’on comprendra que Guillaume est incorruptible et imperméable aux tentations de la chair. Pourtant, il n’est pas insensible, comme le prouve l’incident de l’auberge, car, s’il appelle au secours sans crainte du ridicule, c’est qu’il craint de succomber. Sa chasteté est d’autant plus admirable qu’elle est peu partagée par le clergé. Il se veut donc exemplaire en un domaine auquel les autres attachent peu d’importance.
Pinchon se veut pareillement exemplaire concernant le mépris des biens matériels. On rapporte qu’au cours d’une tournée épiscopale, ayant distribué aux pauvres tout l’argent qu’il avait emporté, il s’aperçoit au moment de régler la note de sa chambre d’auberge qu’il n’a plus de quoi payer et qu’il est obligé d’aller emprunter la somme à l’un de ses amis d’enfance qui vit à proximité. Ce refus de paraître et de briller aux yeux des autres, ce mépris de ses aises et de son confort, cette charité et cette générosité montrent à quel point il prend au sérieux les commandements évangéliques.
Il n’est pas moins ferme quand il s’agit de défendre les droits de l’Église face aux empiétements du pouvoir civil. Ainsi ose-t-il s’opposer frontalement à la politique du nouveau duc, Pierre de Dreux, qui vient d’épouser Alix de Bretagne, quand celui-ci décide de supprimer d’anciennes taxes, qu’il juge abusives, sur les héritages et les mariages, mais dont le produit est versé à l’Église. Cette résistance lui vaut en 1226 d’être exilé en France, à Poitiers. Il ne regagnera Saint-Brieuc qu’en 1230, lorsque le duc, brouillé avec le roi de France, ne pourra plus se permettre de persécuter les prélats, dont le soutien lui est devenu nécessaire.
À son retour, reprenant sa charge pastorale, Guillaume entreprend d’achever le chantier de sa cathédrale. Il n’en aura pas le temps puisqu’il meurt en 1234, n’ayant pu finir que la chapelle Saint-Mathurin.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.
Aller plus loin
L. Grumet de la Devison, La Vie, les miracles et les éminentes vertus de saint Brieuc, Guillaume Doublet, 1874.
En complément
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Jules-Henri Geslin de Bourgogne et Antoine de Barthélemy, Anciens évêchés de Bretagne. Diocèse de Saint-Brieuc, 1864.
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Joseph Chardronnet, Le Livre d’or des saints de Bretagne, Armor-éditeur, 1977.
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Le récit d’un miracle de Mgr Guillaume Pinchon, de son vivant : « Saint Guillaume Pinchon († 1234) guérit une femme ».
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Un dossier hagiographique complet est disponible en ligne.