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Guérisons miraculeuses
Lourdes
Nº 701
1923

Paralysies, épilepsies… et puis Lourdes

Originaire de Liverpool, John Jack Traynor est grièvement blessé pendant la Première Guerre mondiale, et les conséquences sur sa santé sont dramatiques. Son état se dégrade beaucoup au début de l’été 1923 : le verdict tombe, il doit renoncer à la possibilité de guérir. Mais son espérance renaît lorsque son diocèse organise un pèlerinage à Lourdes. Alors que son invalidité est extrême, la Sainte Vierge le guérit totalement et de façon spectaculaire à la grotte. Il est un miraculé de Lourdes dont la guérison est officiellement reconnue par l’Église catholique en décembre 2024, un siècle après les faits.


Les raisons d'y croire

  • Le cas de John Traynor est bien documenté pour l’époque : de nombreux témoignages et rapports médicaux, conservés dans les archives du Bureau des constatations médicales de Lourdes, certifient l’état de John à son arrivée à Lourdes : paralysie complète et invalidante du bras droit, crises d’épilepsie fréquentes et sévères, paraplégie partielle (mobilité des jambes très réduite).

  • En plus des témoignages des trois médecins qui accompagnent le pèlerinage, avant et après la guérison, dix médecins attestent de l’incapacité totale de John à marcher seul à la suite de ses blessures. Il a vécu dans cet état d’invalidité sévère pendant environ huit ans avant son départ pour Lourdes. Son handicap sévère n’est donc pas feint.

  • Les archives militaires recensent également des informations quant à la gravité et l’irréversibilité de ses blessures : il est déclaré « définitivement inapte » avec une pension d’invalidité à 80 % confirmée par un conseil médical le 5 août 1916, puis réévaluée à 100 % à partir de septembre 1917, puisqu’il ne peut plus du tout se servir de son bras.

  • Lorsqu’il part pour Lourdes, son admission à l’hospice des incurables est programmée pour son retour, fin juillet 1923.

  • Le dossier a été étudié à nouveau à l’époque moderne, avec toutes les connaissances médicales récentes. On sollicite des experts contemporains sur la base des données médicales de l’époque afin d’évaluer leur exactitude et d’écarter toute incertitude concernant la gravité du cas.

  • John Jack Traynor adopte une réelle démarche de pèlerin fervent. Il se rend à Lourdes plein d’espérance, dans une attitude de prière et de confiance en la Vierge Marie. On le voit participer à tout ce qui est proposé pendant le pèlerinage.

  • Lors d’une procession eucharistique, au passage du saint sacrement devant lui, il ressent « un bien-être immense s’emparer de lui » et il se met à bouger son bras amorphe et à récupérer toutes les fonctions motrices de ses jambes. À partir de ce moment, ses crises d’épilepsie cessent totalement et même l’état de sa fracture crânienne, issue de la trépanation, s’améliore en se refermant progressivement.

  • Cette guérison spectaculaire est relatée en détail dans un rapport, signé le 2 octobre 1926 par le docteur Auguste Vallet, président du Bureau, qui conclut que cette guérison est « absolument au-dessus et en dehors des forces de la nature ».

  • En signe de gratitude, John Traynor revient dès l’année suivante à Lourdes, et il sert ensuite comme brancardier chaque année jusqu’en 1939 au sein de l’Association des brancardiers de l’Hospitalité de Liverpool. Cela permet également de suivre l’évolution de sa santé, confirmant la permanence de sa guérison initiale.

  • Il décède sous le signe de la protection mariale, un 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, en l’année 1943.


En savoir plus

John Traynor semble une personne particulièrement courageuse au regard de son histoire : pendant la Première Guerre mondiale, au sein de la Royal Navy, il est blessé une première fois le 8 octobre 1914 près d’Anvers (Belgique). Un peu plus tard, le 8 mai 1915, il est de nouveau grièvement blessé par des tirs de mitrailleuse lors de la bataille de Gallipoli, en Turquie actuelle. Ces blessures lui font perdre l’usage de son bras droit et lui causent de sévères crises d’épilepsie. On lui propose d’amputer son bras, mais il refuse fermement. En 1920, une trépanation tentée par un chirurgien de Liverpool pour guérir son épilepsie entraîne une cécité et une paralysie partielle de ses deux jambes. Dans les archives militaires, l’état de John est décrit comme étant « grave, avec paralysie, des crises d’épilepsie, une cécité partielle et un corps marqué par de nombreuses opérations chirurgicales infructueuses, toutes conséquences de ses blessures de guerre ».

Malgré tout cela, il n’hésite pas à partir en pèlerinage. L’archidiocèse de Liverpool en organise un pour la première fois à Lourdes. John ne souhaite pas manquer cette occasion de déposer son fardeau à la grotte. Nous ne sommes que soixante et un ans après la reconnaissance des apparitions de Lourdes. Le 25 juillet 1923, il participe à la procession eucharistique et à la bénédiction des malades. Le 24, des médecins du sanctuaire et ses médecins de Liverpool, qui participent au pèlerinage – les docteurs Azurdia, Finn et Marley –, constatent par écrit son état physique. Le lendemain, les mêmes médecins écrivent : « Le 25 juillet, après la procession du saint sacrement, il dit qu’il peut marcher. Nous trouvons qu’il a recouvré l’usage volontaire de ses jambes, les réflexes existent. Congestion veineuse intense de deux pieds, qui sont très douloureux. Le malade peut marcher avec difficulté. Un nouvel examen est pratiqué deux jours après. » Les docteurs consignent leurs observations en ces termes : « Nous examinons Traynor à nouveau, dans la matinée du 27 juillet, et nous trouvons qu’il peut marcher parfaitement ; qu’il a recouvré l’usage et l’action de son bras droit, qu’il a recouvré la sensibilité de ses membres inférieurs, que l’orifice crânien a beaucoup diminué en largeur ; aucune pulsation n’est perceptible ; le malade a retiré sa plaque protectrice. Aucune crise d’épilepsie. »

John Traynor quitte Lourdes le 27 juillet car le pèlerinage prend fin : il ne peut donc pas se rendre au Bureau des constatations médicales. Dès 1924, il revient à la grotte en tant que brancardier pour remercier la Sainte Vierge. Le 7 juillet 1926, il effectue sa première déclaration officielle de guérison. Le Bureau des constatations médicales de Lourdes réexamine le cas Traynor et publie un rapport officiel en 1926, qui atteste de son état. De plus, les témoignages des trois médecins avant et après sa guérison sont conservés dans les archives de Lourdes. Dix médecins attestent de l’incapacité totale de John à marcher seul en raison de ses blessures. Il a vécu dans cet état d’invalidité sévère pendant environ huit ans avant son pèlerinage à Lourdes. Plus tard, en 2023, son dossier médical est de nouveau examiné par le docteur Kieran Moriarty, membre du Comité médical international de Lourdes, ce qui permet de rouvrir le dossier et de confirmer le caractère miraculeux de sa guérison.

De retour à Liverpool, John devient une figure populaire, surtout au Royaume-Uni. Cependant, après son décès en 1943 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, son dossier tombe dans l’oubli. Plusieurs facteurs y contribuent : le chaos de la guerre et ses bouleversements, qui ont détourné l’attention des institutions, la nationalité de Traynor (car les communications et le suivi transfrontalier des dossiers sont plus complexes à l’époque), l’absence de relance active de la part des proches... Ce n’est qu’en 1993 que des initiatives, souvent venues de la presse anglaise, tentent de rouvrir son dossier. Toutefois, ces efforts n’aboutissent pas immédiatement. Il faut attendre le centenaire de sa guérison en 2023 et l’impulsion décisive du docteur Alessandro de Franciscis, l’actuel président du Bureau des constatations médicales de Lourdes, pour que le dossier soit véritablement remis sur les rails. C’est à ce moment-là qu’une commission canonique est constituée par le diocèse de Liverpool pour reprendre le processus d’enquête, qui aboutit à la reconnaissance officielle du miracle.

Le 8 décembre 2024, l’archevêque de Liverpool, Malcolm McMahon, déclare officiellement miraculeuse la guérison de John Jack Traynor. C’est le soixante et onzième miracle reconnu officiellement et le premier concernant un catholique britannique.

Élisabeth de Sansal, diplômée de bioéthique à l’université pontificale Regina Apostolorum, à Rome.


Au delà

Il est intéressant de rappeler combien est exigeant le parcours de reconnaissance d’un miracle. Sur 7 500 dossiers déposés avec déclaration et constatations médicales, seuls 71 cas ont reçu l’approbation pour être reconnus comme des miracles, c’est-à-dire qu’une « guérison complète, immédiate, durable, inexplicable et sans rechute » est survenue.

Un processus en plusieurs étapes est mis en œuvre au sein du Bureau des constatations médicales de Lourdes (BCML) et du Comité médical international de Lourdes (CMIL).

  • Lorsqu’une personne guérie se présente au BCML, le médecin examine le cas et collecte les informations initiales.

  • Si le cas semble prometteur, tous les examens médicaux, notes et tests effectués avant et après la guérison sont examinés minutieusement. La plupart des dossiers sont rapidement écartés.

  • Pour les cas les plus sérieux, un nouveau comité, le CMIL, est formé. Il est composé d’experts internationaux. Un médecin rapporteur est nommé pour approfondir l’examen du dossier, consulter d’autres confrères et s’assurer qu’aucune explication scientifique n’est possible. Ce processus peut prendre des années, voire des décennies, car il implique de croiser de nombreuses données et de s’assurer de l’absence de toute explication rationnelle.

  • Une fois que le CMIL déclare une guérison « inexplicable dans l’état actuel des connaissances médicales », le dossier est transmis à l’évêque du diocèse dans lequel réside la personne guérie.

  • C’est l’évêque qui, après une nouvelle enquête approfondie sur les aspects spirituels du cas (la foi de la personne, les circonstances de la guérison, etc.), peut prononcer officiellement la reconnaissance du miracle. Cette enquête, elle aussi, peut être longue et complexe.


Aller plus loin

Il n’existe pas d’ouvrage à proprement parler sur la vie de John Traynor, mais il est possible d’obtenir plus de détails au sujet de sa guérison sur le Portail des archives et du patrimoine du sanctuaire de Lourdes .


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