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Témoignages de rencontres avec le Christ
Toscane (Italie)
Nº 690
Vers 995 – 1073

Jean Gualbert rencontre le Christ en voulant venger son frère assassiné

Dans un val ombragé, au milieu des bois, s’installe définitivement un nouvel ordre monastique né quelques années plus tôt, en 1036. Le lieu prendra le nom de Vallombreuse (Toscane, Italie). Jean Gualbert en est l’initiateur. Voyant les abus et la corruption dans certains milieux ecclésiastiques, il se dresse pour réformer la vie monastique et combattre la simonie (pratique qui consiste à vendre des biens surnaturels). Ses efforts courageux et persévérants sont tels qu’à sa mort, ce vice est entièrement éradiqué dans toute la Toscane. Il dénonce le péché mais se montre miséricordieux envers ceux qui veulent sincèrement revenir à Dieu. Il meurt le 12 juillet 1073 et est canonisé vingt ans plus tard par le pape Célestin III. Sa vie montre la force transformatrice de la foi chrétienne.


Les raisons d'y croire

  • Quand, adolescent, Jean atteint l’âge où il découvre le monde, l’amour des plaisirs sensibles l’emporte en lui sur les maximes chrétiennes de dévouement et de charité qu’il avait reçues jusqu’alors. Ce qui lui paraissait naguère répréhensible lui semble à présent légitime et innocent… Mais Dieu a ménagé des circonstances pour lui ouvrir les yeux et le tirer de l’hédonisme égoïste dans lequel il s’est installé.

  • Lorsque son frère, Ugo, est assassiné, l’honneur veut que Jean venge sa mort en tuant le coupable. Sa vengeance pourrait être consommée devant la porte San Miniato, à Florence, lorsque Jean, escorté de ses gens en armes, rencontre le meurtrier, qui est seul et sans défense. Il s’apprête à le percer de son épée quand ce dernier se jette à ses pieds et, agenouillé et les bras en croix, implore son pardon pour l’amour de Jésus crucifié. C’est Vendredi saint, ce jour-là. Jean se rappelle la parole d’amour de l’Évangile et jette son arme. Puis, comme un frère, il presse contre lui l’assassin de son frère et lui demande de prier que Dieu lui pardonne ses péchés. Ce geste de miséricorde héroïque dépasse la justice humaine stricte pour rejoindre l’amour divin ; il est permis par grâce.

  • Juste après, Jean se dirige vers l’église du monastère voisin, San Miniato, sur les hauteurs de Florence ; il se jette lui-même aux pieds d’un crucifix, et y prie avec une très grande ferveur afin d’obtenir le pardon pour ses propres fautes. C’est alors que le crucifix devant lequel il prie baisse la tête et s’incline vers lui, comme pour le remercier du pardon qu’il a généreusement accordé par amour pour Dieu, et en lui faisant ainsi connaître que sa prière est exaucée. Ce crucifix en bois est toujours visible aujourd’hui dans l’église San Miniato al Monte, à Florence.

  • Touché davantage encore par la grâce divine, il entre comme moine en cette abbaye et y reçoit l’habit monastique. Il renonce au monde, à ses biens, à la vengeance et à sa position sociale pour chercher à suivre le Christ dans la prière, la pauvreté, l’humilité et l’obéissance de la vie monastique. Cette décision montre que la foi chrétienne n’est pas une adhésion superficielle à des rites, mais une transformation radicale de l’être : Jean change de vie, en profondeur.

  • Changé en un homme nouveau, il devient au fil du temps un religieux si fervent qu’à la mort de l’abbé, tous les suffrages se portent sur lui. Jean décline humblement la dignité qu’on lui offre, aspirant à une vie humble et cachée aux hommes.

  • Les récits des miracles de l’abbé Gualbert sont nombreux. Les biographes de saint Jean Gualbert rapportent par exemple que, par un temps de disette, l’abbé demande aux moines qu’on le mène au grenier, qui est presque vide. À sa prière, le blé se multiplie au point qu’il peut en distribuer à tous ses couvents et à tous les pauvres qui se présentent.


En savoir plus

Jean, fils de Gualbert, naît probablement à Florence ou, selon d’autres sources, au château de Petroio, dans la vallée de la rivière Pesa (Val di Pesa), quelques années avant l’an mil, au sein de la famille noble des Visdomini. Jean est élevé avec soin dans la piété et instruit dans l’étude des lettres.

La simonie règne alors partout en Italie. Ce vice engendre de graves désordres, puisque les charges ne sont pas attribuées en raison des compétences des demandeurs, ni les récompenses octroyées pour récompenser des mérites, mais pour d’autres raisons. C’est par la fermeté et l’éloquence de l’abbé Jean Gualbert que l’Étrurie (approximativement la Toscane actuelle) recouvre l’intégrité de la foi et des mœurs. C’est pourquoi, à la mort de l’abbé, on écrit sur sa tombe : « À Jean Gualbert, citoyen de Florence, libérateur de l’Italie. » La lutte commence lorsqu’il est simple moine, à San Miniato, contre son abbé, Oberto. Puis contre l’évêque lui-même, Pietro Mezzabarba, tous deux accusés de simonie. L’évêque aurait acheté sa charge. Or, le frère Jean Gualbert est d’un naturel entier et donc peu enclin au compromis : parce qu’il ne peut obtenir leur départ, il se retire lui-même dans la solitude avec quelques compagnons, tous moines. En 1036, après plusieurs pérégrinations, tous parviennent à Vallombreuse, vallée alors connue sous le nom d’Acquabella.

Jean devient abbé et, malgré son attrait pour la solitude, il choisit de conserver le mode de vie cénobitique, c’est-à-dire la vie en commun. Vallombreuse devient ainsi le berceau d’un nouvel ordre, où la règle de saint Benoît est suivie dans toute sa rigueur. Ascèse et obéissance sont deux traits de la vie monastique qu’il y organise. Les religieux sont vêtus d’une étoffe grise, si bien qu’on les a appelés couramment les « moines gris » pendant les quatre premiers siècles de leur établissement. Les religieux de Vallombreuse ont aussi été les premiers de l’ordre de Saint-Benoît à admettre des frères convers.

Puisque la préoccupation du moment est la lutte contre la simonie et le nicolaïsme (concubinage des clercs), la prière des moines sera dirigée dans ce but. Le parti réformateur présent à Florence les soutient contre l’évêque. L’abbé prêche ouvertement contre l’évêque dans l’église San Michele in San Salvi, alors prieuré de l’ordre vallombrosain, et située à une demi-heure de marche des murs de la cité. L’évêque menace les moines d’employer contre eux les hommes d’armes. Le conflit s’envenime : livré aux soldats, le monastère est pillé et des moines sont tués. Moines et partisans de la réforme d’une part et soutien de l’évêque d’autre part se rencontrent ensuite près de l’abbaye San Salvatore e San Lorenzo (également appelée la Badia a Settimo, à Scandicci). La foule présente exige qu’un moine de Vallombreuse, pour démontrer la sainteté des raisons de son parti, subisse l’épreuve de l’ordalie, aussi appelée « jugement de Dieu ». L’abbé Jean Gualbert tente de s’y opposer mais rien n’y fait, et le frère Pietro Aldobrandeschi subit l’épreuve du feu. Il en sort indemne, ce qui lui vaut désormais le surnom de « Pietro igneo » (« Pierre l’igné »). À la suite de cet événement, l’évêque Mezzabarba est déposé et l’abbé Gualbert peut enfin entamer l’œuvre de réforme spirituelle de la ville.

Pietro Mezzabarba ne demeure pas dans le ressentiment : il demande l’asile aux Vallombrosains, qui lui pardonnent les persécutions passées et l’accueillent comme moine.

En 1073, l’abbé Jean Gualbert se rend à Passignano, au bord du lac Trasimène, pour visiter le monastère qui s’y trouve et qui a auparavant accepté sa règle. Il y tombe malade et meurt le 12 juillet. Il avait auparavant proposé que Rodolphe, abbé de Moscheto, lui succède ; les religieux suivent son souhait et c’est celui-ci qui obtient du pape Grégoire VII, à peine élu, la confirmation de l’ordre. Les reliques de l’abbé Gualbert sont conservées à l’église (la Badia), dans un magnifique sarcophage sculpté par Benedetto da Rovezzano. En 1193, le pape Célestin III l’élève au rang des saints.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Au delà

On juge un arbre à ses fruits, lit-on dans l’Évangile ( Mt 7,17-20 ) : les Vallombrosains connaissent une période de grande croissance après l’approbation pontificale. En effet, dès le premier siècle de sa création, l’ordre compte plus de cinquante abbayes. En 1225, la communauté compte soixante-dix-neuf abbayes, vingt-neuf prieurés, neuf couvents féminins et dix-sept hôpitaux. Aujourd’hui, les Vallombrosains comptent sept monastères et figurent parmi les vingt et une congrégations bénédictines que comprend la confédération de l’ordre de Saint-Benoît.


Aller plus loin

Giovanni Spinelli et Giustino Rossi, Alle origini di Vallombrosa. Giovanni Gualberto nella societa dell’XI secolo, Jaca Book / Novara, Europia, 1984. Ce corpus de sources contemporaines (du XIe siècle) sur Jean Gualbert est accompagné de commentaires et d’une présentation comparée des récits, montrant ce qui relève de réinterprétations médiévales.


En complément

  • R. N. Vasaturo, G. Morozzi, G. Marchini et U. Baldini, Vallombrosa. Nel IX centenario della morte del fondatorei Giovanni Gualberto, 12 luglio 1073, Florence, Giorgi & Gambi Editori, 1973. Il s’agit d’une présentation historique, artistique et forestière du site de Vallombrosa, et de la façon dont il s’est développé autour de la personne du fondateur depuis mille ans.

  • André de Strumi, auteur de la première Vita, datée d’environ une vingtaine d’années après la mort de Jean Gualbert.

  • Jérôme de Radiolo, Miracula, rédigé à la fin du XIe siècle, relate les événements miraculeux survenus après la mort du saint, témoignant de sa puissance d’intercession.

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