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Guérisons miraculeuses
Los Angeles
Nº 683
Novembre 2017

Depuis le Ciel, Pier Giorgio Frassati guérit un séminariste

Juan Manuel Gutierrez est un jeune séminariste mexicain, émigré aux États-Unis. Fin septembre 2017, alors qu’il joue au basket avec ses amis à Los Angeles, il ressent une forte douleur à la cheville. Il choisit de confier sa rupture du tendon d’Achille dans la prière au bienheureux Pier Giorgio Frassati , jeune italien mort le 4 juillet 1925. La cheville est immédiatement, complètement et définitivement guérie, sans explications scientifiques. À la suite d’une enquête approfondie et rigoureuse sur les étonnantes circonstances de cette guérison, le pape François a reconnu en celle-ci un miracle obtenu par l’intercession de Pier Giorgio Frassati, qui sera reconnu saint de l’Église catholique le 7 septembre 2025.


Les raisons d'y croire

  • Pendant le premier examen médical, en septembre 2017, la radiographie ne révèle aucune fracture. Pensant à une élongation musculaire, le médecin prescrit simplement à Gutierrez des analgésiques. Mais l’état de la cheville se détériore dans les semaines suivantes et le séminariste, perclus de douleurs, retourne à l’hôpital fin octobre réaliser une IRM : la rupture du tendon d’Achille est alors diagnostiquée.

  • Après avoir passé une nuit angoissée, Gutierrez décide de demander l’aide de Dieu en effectuant une neuvaine à un saint catholique. Il a l’intuition soudaine de demander par la prière l’intercession de Pier Giorgio Frassati, qu’il ne connaît pourtant pas très bien. Une deuxième inspiration lui vient : compléter sa prière par la déclaration suivante : « et je promets que, si quelque chose d’inhabituel se produit, je le signalerai à qui de droit. »

  • Quelques jours plus tard, agenouillé dans la chapelle, priant sa neuvaine, Gutierrez ressent une grande chaleur au niveau de sa cheville et constate qu’il a été guéri. À partir de ce jour, Gutierrez n’a plus besoin d’utiliser l’attelle qu’il portait pour immobiliser son pied droit.

  • Mi-novembre, lors de la consultation préopératoire, le chirurgien orthopédique effectue le test de Thompson. Ce test permet d’évaluer, avec un haut degré de fiabilité, si la déchirure musculaire du tendon d’Achille est bien avérée. Le résultat est formel : il n’y a pas de rupture du tendon d’Achille, contrairement à ce que montre l’IRM.

  • Ne comprenant pas, Gutierrez questionne le médecin : est-il possible que la guérison se soit opérée naturellement ? Sceptique, le chirurgien lui répond qu’au contraire, le temps a tendance à aggraver la déchirure plutôt qu’à la guérir. Alors, l’IRM se serait-elle trompée ? Non, impossible, « c’est la technologie la plus avancée dont nous disposons pour des cas comme celui-ci », rétorque le chirurgien.

  • Cette guérison est d’autant plus improbable qu’au vu de son emplacement, la rupture du tendon d’Achille de Gutierrez nécessitait une opération rapidement. Or, en raison du mauvais diagnostic médical initial, Gutierrez a laissé la situation de sa cheville se détériorer, rendant très improbable une guérison complète.

  • Plus grave encore, le comité médical du Vatican, qui est ultérieurement chargé d’enquêter sur la guérison, découvre que l’un des collègues séminaristes de Gutierrez, ancien chiropracteur, se basant lui aussi sur le mauvais diagnostic médical, avait recommandé à son ami d’effectuer certains mouvements avec sa cheville, qui ont eu pour effet d’aggraver considérablement la situation. La guérison spontanée de la cheville de Gutierrez, son caractère immédiat, complet, et définitif n’ont aucune explication médicale et rationnelle.

  • Gutierrez ne s’est pas précipité pour faire valoir ce miracle. Bien au contraire, son inclination personnelle était de rester discret. Réticent à témoigner de sa guérison, le séminariste tombe par hasard, quelques semaines après sa guérison, sur une photo de Pier Giorgio Frassati, avec une carte de prière accompagnée d’une adresse électronique invitant à y transmettre les éventuels récits de faveurs reçues. Gutierrez se souvient alors de la promesse qu’il faisait lors de sa neuvaine : « Si quelque chose d’inhabituel se produit, je le signalerai à la bonne personne. » Le jeune homme rédige donc son témoignage et l’envoie par courrier électronique.

  • En automne 2020, nouvelle coïncidence étonnante : Gutierrez a pour professeur Mgr Robert Sarno, retraité du Dicastère pour la cause des saints, au Vatican. Lorsque le professeur aborde la manière dont l’Église enquête sur les guérisons potentiellement miraculeuses, Gutierrez se sent poussé à témoigner de son histoire auprès de l’évêque Sarno, qui sera moteur pour lancer les premières étapes de l’enquête sur la guérison de Gutierrez.

  • Dans un décret du 25 novembre 2024, à l’issue d’une enquête longue et rigoureuse, le pape François reconnaît la guérison miraculeuse de Gutierrez, par l’intercession de Frassati.


En savoir plus

Né en 1986 à Texcoco, une ville de la banlieue de Mexico, Juan Manuel Gutierrez émigre aux États-Unis à l’âge de dix-neuf ans pour rejoindre son père à Omaha, dans le Nebraska. Revenant à la foi catholique de sa jeunesse, dont il s’était éloigné, Gutierrez entre au séminaire San Juan de Los Angeles. Le 25 septembre 2017, comme tous les lundis, Gutierrez se rend au terrain de basket-ball, avec tous les séminaristes de San Juan.

Quelques minutes après le début du match, Gutierrez entend un craquement, accompagné de la sensation que quelqu’un frappe sa cheville droite : « Quand j’ai entendu ce bruit, j’ai regardé autour de moi et j’ai vu qu’il n’y avait personne », se souvient Gutierrez. Incapable de marcher normalement, Gutierrez ne peut achever le match : on le ramène au séminaire de San Juan en voiture. Cette nuit-là, la douleur que le jeune homme commence à ressentir l’empêche de dormir. Pensant sa blessure « pas si grave », Gutierrez continue d’assister aux cours et de prendre part aux temps de prières du séminaire, jusqu’à ce qu’il ne puisse différer davantage un examen médical. Pourtant, à l’hôpital, la radiographie ne révèle aucune fracture. Diagnostiquant une probable élongation musculaire, le médecin prescrit simplement à Gutierrez des analgésiques. De retour au séminaire, l’un des camarades de classe de Gutierrez, René Haarpaintner ancien chiropracteur dans un cabinet médical, suggère au jeune homme de marcher avec des béquilles afin de permettre à son muscle blessé de guérir. « Il avait l’air très mal en point », dira plus tard Haarpaintner, ordonné prêtre en 2023, un an après Gutierrez. « Sa jambe était enflée de partout et on ne pouvait pas vraiment le palper parce que l’enflure était si importante que sa peau était toute bleue. » Sur les conseils de Haarpaintner, Gutierrez exécute également quelques étirements. Cependant, la douleur ne fait qu’augmenter. Haarpaintner suspecte une lésion ligamentaire, mais une IRM est nécessaire pour le confirmer. Le rendez-vous est fixé trois semaines plus tard, au 31 octobre. Pendant ce temps, Gutierrez porte une attelle de fortune.

Le matin du 31 octobre, Gutierrez se rend au centre de radiologie pour passer une IRM. Quelques heures plus tard, son téléphone sonne : c’est le médecin. Gutierrez décroche le téléphone et demande : « C’est grave, n’est-ce pas ? » Ce dernier lui répond : « Vous avez une déchirure du tendon d’Achille. » Gutierrez a le ligament croisé antérieur déchiré, et l’intervention chirurgicale est la meilleure option pour espérer guérir. Gutierrez doit prendre rendez-vous avec un chirurgien orthopédique. Une bouffée d’angoisse envahit le séminariste. Comment payer l’opération ? Celle-ci n’entraînera-t-elle pas une période de convalescence longue et douloureuse ? Comment ses résultats scolaires pourraient-ils ne pas en pâtir ? Durant la nuit, les images et les récits d’infections associées à la chirurgie du tendon d’Achille, que Gutierrez a lus sur Google, ne font qu’accroître son angoisse.

Le lendemain, après la messe de la Toussaint, Gutierrez, rongé par l’inquiétude, s’attarde dans la chapelle du séminaire : « J’étais là, en train de prier, et soudain je suis arrivé à une conclusion : je pense que j’ai besoin de l’aide d’en haut », se souvient-il. Alors, une idée lui vient à l’esprit : « Pourquoi ne pas faire une neuvaine ? » Oui, mais à quel saint se vouer ? « Une petite voix dans ma tête m’a dit : "Pourquoi ne pas prier le bienheureux Pier Giorgio Frassati ?" » Il se souvient avoir alors pensé : « Ah ! oui, c’est une bonne idée », d’autant plus étrange, cependant, que Gutierrez n’a pas de dévotion particulière pour Frassati, qu’il ne connaît qu’à travers des vidéos sur YouTube. Devant le saint sacrement, Gutierrez commence alors sa neuvaine de prière : « Seigneur, par l’intercession du bienheureux Pier Georgio Frassati, je te demande ton aide pour ma blessure. » C’est alors que l’inspiration lui vient de compléter cette prière par la déclaration suivante : « et je promets que, si quelque chose d’inhabituel se produit, je le signalerai à qui de droit. »

Quelques jours plus tard, alors qu’il s’agenouille dans la chapelle pour prier sa neuvaine, Gutierrez commence à sentir une sensation de chaleur autour de sa blessure : « C’était une sensation délicate », témoignera Gutierrez. « Mais la chaleur augmentait et, à un moment donné, j’ai cru qu’une prise électrique était en feu… Je me souviens avoir regardé ma cheville en me disant que c’était bizarre parce que je sentais cette chaleur. » C’est alors que Gutierrez se souvient que la chaleur est parfois un symptôme associé à la guérison de Dieu. Ému aux larmes, Gutierrez tourne son regard vers le tabernacle contenant le saint sacrement et dit au Seigneur : « Ce n’est pas possible. Non pas parce que tu n’as pas le pouvoir de me guérir, mais parce que je sais que je n’ai pas assez de foi pour une telle chose ! »

À partir de ce jour, Gutierrez cesse d’utiliser l’attelle qu’il portait pour immobiliser son pied droit : « Simplement, je n’en avais plus besoin. » Le 15 novembre, Gutierrez se rend chez son chirurgien orthopédique, au centre de Los Angeles. Pour confirmer le diagnostic de rupture du tendon d’Achille indiqué par les images IRM du 31 octobre, le chirurgien effectue le test de Thompson, qui permet d’évaluer, avec un haut degré de fiabilité, si la déchirure musculaire du tendon d’Achille est bien avérée. À l’issue du test, le chirurgien est formel. « Il n’y a pas de séparation », assure-t-il, visiblement perplexe : « Vous devez avoir quelqu’un là-haut qui veille sur vous […]. Le 31 octobre, vous aviez une déchirure du tendon d’Achille, mais là, je ne la trouve plus. » Craignant d’attirer l’attention, Gutierrez décide de ne confier son aventure qu’à quelques personnes de son entourage : directeur spirituel et amis proches. Reprenant le cours de sa vie de séminariste normal, le jeune homme considère l’affaire classée… ce qui est loin d’être le cas !

Quelques semaines plus tard, alors qu’il se promène dans un hall d’exposition d’un rassemblement de jeunes, Gutierrez tombe par hasard sur une photo grandeur nature de Pier Giorgio Frassati. Au dos d’une carte de prière, le séminariste aperçoit une adresse électronique sur laquelle envoyer des récits de faveurs reçues par l’intercession de Frassati. Alors, il se souvient de la promesse qu’il a faite lors de sa neuvaine : « Si quelque chose d’inhabituel se produit, je le signalerai à la bonne personne. » Après avoir reporté l’échéance pendant plusieurs mois, le jeune homme se résout à écrire son témoignage et à l’envoyer par courrier électronique. « Pour moi, ce jour-là, j’ai atteint la fin de cette histoire : j’ai tenu la promesse que j’avais faite à Pier Giorgio de témoigner », se souvient Gutierrez. Après avoir envoyé son courriel, pour lequel il ne recevra jamais de réponse, Gutierrez est à nouveau persuadé que l’histoire s’arrêtera là. Pourtant, rien n’est moins sûr…

Deux ans passent. Nous sommes à l’automne 2020, et Gutierrez s’apprête à suivre un nouveau cours proposé aux étudiants du séminaire San Juan. Le professeur est Mgr Robert Sarno un prêtre américain retraité après près de quarante ans passés au Dicastère pour la cause des saints, au Vatican. Le thème du cours ? La phase diocésaine des causes de canonisation. Lorsque le professeur aborde la manière dont l’Église enquête sur les guérisons miraculeuses, Gutierrez se sent poussé à témoigner de son histoire à l’évêque Sarno. Cependant, la peur d’être jugé et rejeté le retient. « Jésus, donne-moi le courage de dire quelque chose à ce sujet parce que, personnellement, je n’ai pas envie de le faire », prie alors Gutierrez.

Un jour, après le petit-déjeuner, Gutierrez trouve le courage d’approcher Mgr Sarno et lui raconte son histoire. Ce même jour, à l’heure du dîner, Mgr Sarno annonce à Gutierrez que Rome est « très intéressée » par son histoire. Dans une interview accordée à l’Angelus, Mgr Sarno déclarera plus tard : « C’était la dernière chose à laquelle je m’attendais : que dans ce cours que j’enseignais dans l’archidiocèse de Los Angeles, il puisse y avoir un miracle possible pour la canonisation du bienheureux Pier Giorgio Frassati. » Mgr Sarno reçoit le « feu vert » pour lancer une enquête canonique à l’échelle du diocèse sur le cas de Gutierrez. En attendant, ce dernier doit rester discret : « Les témoins ne doivent pas avoir de préjugés contre une éventuelle enquête. Il est nécessaire que tous les témoins de l’affaire puissent être interrogés librement, sans restriction, sans parti pris, sans préjugé, pour ainsi dire. »

À l’automne 2023, Mgr Sarno retourne au séminaire San Juan pour interroger des témoins et rassembler des preuves, notamment les notes du médecin ou encore l’IRM. Parmi les séminaristes interrogés se trouve le fameux chiropracteur, Haarpaintner. Devant le comité médical du Vatican chargé d’enquêter sur le possible miracle, Haarpaintner confesse avec humilité avoir probablement aggravé la déchirure de Gutierrez. En effet, la déchirure du tendon n’ayant pas été diagnostiquée tout de suite, Haarpaintner avait préconisé à Gutierrez des exercices d’étirement. « Vous avez fait une erreur, vous avez aggravé la blessure en mettant son pied en flexion plantaire », lui dit l’un des membres du comité : « Oui, je l’ai fait, je suis désolé, mais je l’ai fait », admet Haarpaintner. « C’est certainement le meilleur cas de négligence médicale aux yeux de Dieu. » En effet, d’un point de vue médical, l’aggravation de la déchirure du tendon de Gutierrez rend sa guérison soudaine d’autant plus improbable. « Je crois en la divine providence », déclarera Mgr Sarno, présentant ses découvertes au Dicastère pour la cause des saints « et il y a trop d’accidents dans cette affaire » pour ne pas y croire.

Dans un décret du 25 novembre 2024, le pape François reconnaît la guérison miraculeuse de Gutierrez. Pour ce dernier, sa guérison est un rappel « que la prière fonctionne ». « Les saints peuvent nous aider à prier pour nos besoins, témoigne-t-il. Dieu est toujours à l’écoute de nos prières. » Entre-temps, le séminariste de l’archidiocèse de Los Angeles a été ordonné prêtre en juin 2022. Le père Gutierrez est aujourd’hui vicaire à l’église Saint-Jean-Baptiste, dans la banlieue est de Los Angeles. Il aime Pier Giorgio Frassati… et joue au basket !

Thomas Belleil, auteur de livres de spiritualité, diplômé en sciences religieuses à l’École Pratique des Hautes Études et en théologie au Collège des Bernardins.


Au delà

Juan Manuel Gutierrez dira de Pier Giorgi Frassati : « Quand j’ai eu besoin d’aide, il est venu me voir et m’a aidé. Et il y a beaucoup de gens qui ont reçu des grâces de lui. Je ne suis pas le seul. »

En effet, outre la guérison de Gutierrez, l’Église a également reconnu celle de Kevin Becker, en 2011, un jeune victime d’un traumatisme crânien extrêmement grave après être tombé du toit d’une école. Près d’un siècle plus tôt, en 1933, Dominique Sellan fut guéri complètement et définitivement d’une tuberculose osseuse en phase terminale après qu’un prêtre lui a apporté une image du jeune Pier Giorgio, en demandant l’intercession de ce dernier. Deux histoires à découvrir…


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