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Les exorcismes au nom du Christ
Italie
Nº 665
1925 – 2016

Don Gabriele Amorth, prêtre qui combat le diable (+2016)

Gabriele Amorth (1925 – 2016) est un prêtre catholique italien devenu exorciste du diocèse de Rome en juin 1986. Acteur de la société civile dans sa jeunesse, tour à tour résistant héroïque et engagé politique à un haut niveau, don Gabriele Amorth a joui d’une renommée internationale tant grâce à son ministère d’exorcisme que grâce aux témoignages qu’il a consignés par écrit. À partir de 1986 et jusqu’à sa mort, en 2016, don Amorth a exorcisé avec un succès sans pareil plus de 60 000 personnes, parmi lesquelles des cas de possession grave s’accompagnant de manifestations physiques et psychiques inexpliquées. Il fut à la fois théoricien et homme de terrain, priant et féru de science, organisateur et homme de foi, témoignant d’une ouverture d’esprit rare, d’une connaissance sans faille de la théologie spirituelle et d’un sens de l’Église exceptionnel.


Les raisons d'y croire

  • Sur le plan humain, la personnalité de don Amorth est parfaitement équilibrée et lumineuse. La qualité rare des relations qu’il entretient avec tous et la prégnance de son sens moral font de lui un homme respecté, doté de solides aptitudes intellectuelles. Ainsi, le père Amorth n’a pas vécu « enfermé » dans les diableries !

  • L’exorcisme ne peut être confondu avec une forme de suggestion mentale perturbant quelqu’un de vulnérable. La réalité des possessions, ainsi que celle des manifestations afférentes, élimine une telle hypothèse. Le père Amorth a relevé des faits inimaginables qui ne peuvent avoir pour origine le psychisme humain : voix gutturales, connaissance de langues inconnues, forces surhumaines, aversion envers les objets sacrés, lévitations incontrôlées… Ces phénomènes clairement inexplicables par la science constituent des preuves concrètes de la réalité du monde spirituel et du mal tel que les décrit le christianisme.

  • Il rapporte par exemple, témoins à l’appui, que des personnes possédées manifestent une haine violente et incompréhensible contre les noms de Jésus et de la Vierge Marie, contre l’Eucharistie, contre les objets bénis, etc. Cela soutient l’idée que ceux-ci représentent une puissance réelle, bien qu’invisible, et sont reconnus comme tels par des forces hostiles.

  • Les expériences d’exorcisme d’Amorth laissent voir le combat spirituel qui agite le monde, entre Dieu et Satan. Il a pu constater lui-même que la prière, les sacrements et le rosaire sont des armes efficaces contre le mal, ce qui correspond parfaitement à la doctrine chrétienne.

  • Don Amorth ne peut être qualifié de rétrograde, de passéiste ou d’ennemi de la science. Il est un ferme partisan d’une collaboration étroite entre foi et science, entre exorcistes et psychiatres. Il a d’ailleurs consacré un livre remarquable pour insister sur la coopération nécessaire entre médecins et exorcistes, afin d’aider ces derniers à discerner la nature des troubles des gens venant à eux.

  • Il distingue d’ailleurs parfaitement maladies mentales et possessions. Pour lui, un exorcisme est l’affaire d’une équipe pluridisciplinaire. Il s’agit d’abord d’obtenir un avis médical et de tester l’efficacité des thérapies qui seraient proposées.

  • Plusieurs cas d’exorcismes dirigés par Amorth ont été suivis de guérisons psychiques et physiques jugées inexplicables par la médecine.

  • Amorth n’a jamais recherché la gloire : il menait une vie simple, priante et dédiée au service des autres. Il ne tirait aucun bénéfice matériel de son rôle, n’a jamais demandé le moindre centime pour ses exorcismes, ce qui est gage de sa probité.

  • L’Association internationale des exorcistes, qu’il fonde en septembre 1991 avec le père René Chenesseau, a porté d’innombrables fruits : formation de futurs exorcistes, échanges à l’échelle internationale, publications multiples, colloques, symposiums… Le nombre de ses adhérents ne cesse de croître, passant d’une petite trentaine en 1991 à 905 en 2023. Ses statuts ont été approuvés par un décret de la Congrégation pour le clergé (13 juin 2014), montrant que l’Église prend sérieusement en compte le phénomène de la possession et la nécessité de rites pour y faire face.

  • Dans les écrits de don Amorth, il n’y a pas un mot, pas une formule, qui soit en contradiction avec l’enseignement de l’Église. Il circonscrit la place et le pouvoir du diable dans l’économie du salut chrétien, à la lumière de la Bible, des multiples enseignements du magistère, tout cela en cohérence avec ses observations de terrain.


En savoir plus

Né en 1925 à Modène (Émilie-Romagne, Italie) dans une famille de juristes engagés au sein de l’Action catholique, Gabriele Amorth devient d’abord membre de la Fédération des universitaires catholiques italiens (FUCI). Puis il s’engage dans la résistance antifasciste pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a alors dix-huit ans. Il accomplit ses missions avec zèle et bravoure, et devient vite vice-commandant de Modène, puis commandant du 3e bataillon du 2e régiment italien.

Après la guerre, il adhère au parti des Jeunes démocrates-chrétiens. Il désire alors évangéliser la société civile du mieux qu’il peut. En 1947, il est le plus jeune délégué national adjoint du parti, à vingt-deux ans. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec le futur président du Conseil des ministres italien, Giulio Andreotti.

Après avoir obtenu son diplôme en droit, il sent en lui un appel de Dieu. Il frappe alors à la Société Saint-Paul, fondée en 1914 par le bienheureux Giacomo Alberione. Il a trouvé sa voie, sa vocation est née. Il est ordonné prêtre à Rome le 24 janvier 1954. Le jeune prêtre aime la Vierge Marie. Il intégrera ultérieurement l’Académie pontificale mariale internationale, fondée en 1959 par saint Jean XXIII .

Une rencontre providentielle va orienter sa vie sacerdotale à jamais. Il fait la connaissance du père passionniste Candido Amantini (1914 – 1992), exorciste renommé du diocèse de Rome depuis 1961, dont le procès de béatification a été ouvert en 2012. Don Amorth devient à la fois son ami et son apprenti. C’est auprès de lui qu’il apprend le ministère d’exorciste : comment observer la présence ou non de signes spirituels de possessions (haine du sacré, de Jésus et de Marie, aversion pour la prière, sensibilité à l’eau bénite, à une relique ou à une hostie consacrée, impossibilité d’entrer dans un lieu de culte, blasphèmes, force inexplicable…), de symptômes psychiatriques liés à un contexte religieux (voix intérieures, hallucinations, bouffées délirantes…) ou de manifestations parapsychologiques (lévitations d’objets, coups frappés dans les murs, matérialisations…). Don Amorth enseigne aussi l’importance des circonstances marquant le début des phénomènes (occultisme, magie, spiritisme, secte satanique) et l’attitude à prendre face à des phénomènes inexplicables au cours des exorcismes (lévitation, vision à distance, force surhumaine...).

En juin 1986, le cardinal-vicaire de Rome, Mgr Ugo Poletti, le nomme exorciste assistant de son diocèse. En 1990, don Amorth succède définitivement au père Amantini. Il fait face à des cas plus déroutants les uns que les autres : uniquement lors des exorcismes, une jeune Italienne se met à parler et à comprendre quinze langues différentes, jamais apprises ; lors du « grand exorcisme », un homme qui pèse quatre-vingts kilos s’élève sans appui ni aide à plusieurs dizaines de centimètres au-dessus du sol, etc.

L’année suivante, le père Amorth fonde l’Association italienne des exorcistes, qui deviendra l’Association internationale des exorcistes et dont les statuts sont approuvés par décret de la Congrégation pour le clergé le 13 juin 2014. Il préside cette structure jusqu’en 2000, sans toutefois abandonner ses multiples engagements de terrain.

Don Gabriele Amorth a mis immédiatement l’accent sur l’importance de former et de nommer des exorcistes dans chaque diocèse catholique. En effet, souligne-t-il, la culture contemporaine, trop souvent axée sur le plaisir et le consumérisme, laisse le champ libre aux forces du mal en mettant Dieu de côté. À son goût, trop de fidèles sont abandonnés au démon sans même parfois le savoir.

L’autre impératif sur lequel il n’a cessé d’insister est le devoir de collaboration entre l’Église et la médecine afin de toujours mieux discerner une présence diabolique dans les troubles mentaux. Contrairement à ce que certains continuent de prétendre, don Amorth s’est entouré sa vie durant de psychiatres renommés pour l’aider dans l’accompagnement de personnes en souffrance.

Toutefois, il prend fréquemment la plume pour lutter contre les partisans du tout « psychologique », qui soutiennent l’inexistence de la possession diabolique, ou qui invoquent les pathologies mentales comme cause unique des troubles. Selon don Amorth, qui se fonde sur la tradition bimillénaire de l’enseignement du magistère catholique, on ne peut savoir si une personne est infestée, ou a fortiori possédée, qu’après avoir fait un exorcisme en sa présence.

Enfin, il émet des réserves sur le nouveau rituel d’exorcisme promulgué en 1998 par la Congrégation pour le culte divin. À ses yeux, ce texte présente un vrai danger : celui de passer à côté de possessions réelles, puisque les auteurs de ce rituel expliquent qu’il faut dans la mesure du possible éviter de pratiquer l’exorcisme. De plus, don Amorth indique que ce document, censé remplacer l’ancien rituel de 1614, a éliminé des « prières efficaces […] qui avaient douze siècles d’existence».

Cependant, le Saint-Siège joignit au nouveau rituel une notification précisant que les exorcistes ne seront pas obligés d’utiliser ce texte et qu’ils pourront demander l’autorisation de l’ordinaire s’ils désirent utiliser l’ancien de 1614.

Les funérailles de don Gabriele Amorth sont célébrées le 19 septembre 2016 par Mgr Paolo Lojudice, évêque auxiliaire de Rome, et le père Valdir José de Castro, supérieur général de la Société Saint-Paul.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au delà

C’est en partie grâce à son ministère et à ses initiatives que l’Église s’est replongée depuis une quarantaine d’années dans la question du diable et de son action, tant dans une perspective théologique que pastorale.


Aller plus loin

Angela Musolesi, Presidente degli esorcisti : Esperienze e delucidazioni di don Gabriele Amorth, Shalom, 2010.


En complément

  • Parmi les ouvrages de Gabriele Amorth (tous ne sont pas traduits en français) :

    • Un exorciste raconte, Paris, F.-X. de Guibert, 1992.

    • Exorcisme et psychiatrie, Paris, F.-X. de Guibert, 2002.

    • Il diavolo. Un’inchiesta contemporanea, Milan, Piemme, 2014.

    • Angeli e diavoli. Cinquanta domande a un esorcista, Bologne, EDB, 2014.

    • Le Démon ne peut rien contre la miséricorde de Dieu, Paris, Téqui, 2016.

    • (avec Slawomir Sznurkowski), Ho incontrato Satana. La battaglia del più autorevole esorcista vivente, Milan, Piemme, 2016.

    • (avec Marcello Stanzione), The Devil is Afraid of Me. The Life and Work of the World’s Most Famous Exorcist, Manchester, Sophia Institue Press, 2019.

    • Moi, l’exorciste du Vatican (posthume), Paris, Ephata, 2024.

  • Gyles Brandreth, « An Interview with Fr. Gabriele Amorth. The Church’s Leading Exorcist », The Sunday Telegraph, 29 octobre 2000.

  • Patrice de Méritens, « Les confessions de l’exorciste du Vatican », Le Figaro, 18 septembre 2010.

  • Marie-Catherine d’Hausen, « Exorcisme et psychiatrie de don Gabriele Amorth », Famille chrétienne, 9 septembre 2011.

  • « L’ancien exorciste du Vatican, le père Gabriele Amorth, est décédé », La Croix, 8 septembre 2016.

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