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Les martyrs
Lyon (France)
Nº 655
177

Sanctus : la torture l’a guéri (+177)

À Pâques 177, les bouchers-charcutiers lyonnais dénoncent aux autorités les chrétiens de la ville, coupables de ne pas acheter chez eux, pour ne pas consommer de viandes d’animaux sacrifiés. Parmi eux, un diacre de la ville de Vienne, Sanctus va être mis à la torture avec des raffinements de cruauté, parce qu’il est « chef de la secte ». Mais les bourreaux vont avoir la surprise de leur vie.


Les raisons d'y croire

  • Nous possédons sur les martyrs de Lyon un document essentiel, fondateur pour l’Église de France. Probablement rédigé par saint Irénée, témoin des événements, envoyé aux églises d’Orient, d’où étaient originaires un grand nombre de martyrs, et conservé par Eusèbe de Césarée, ce texte est un récit détaillé des tragiques événements du printemps 177. Il est historiquement fiable et n’est pas remis en cause.

  • Nous savons ainsi qu’il y eut ordre, contrevenant à la législation en vigueur, de rechercher les chrétiens de la région lyonnaise et de Vienne, et spécialement ceux en charge des affaires des Églises. Le but étant de désorganiser les communautés, on va frapper à la tête. Parmi ces responsables se trouve un diacre nommé Sanctus – ce qui est manifestement un prénom de baptême.

  • L’objectif est d’obtenir de la part des responsables la confirmation des accusations portées contre les chrétiens : incestes, dépravations, anthropophagie, etc. Pour cela, on recourt à la torture. Le refus de reconnaître ces prétendus agissements est puni. La colère du juge se concentre dès lors sur Sanctus, sur le nouveau baptisé Maturus, sur le marchand Attale et sur l’esclave Blandine . Les tortures qu’il inflige sont, selon le récit, d’une cruauté satanique. Mais Sanctus oppose à toutes les objurgations un silence héroïque, ne disant pas qu’il est de naissance libre, ce qui pourrait pourtant lui épargner bien des tourments, et se borne à répéter : « Je suis chrétien. » Il faut une force d’âme surnaturelle dans ces conditions pour se tenir à ce choix.

  • Finalement, l’on décide d’appliquer sur les zones du corps les plus sensibles des lames de cuivre rougies au feu. « Elles le brûlaient mais lui demeurait inflexible, inébranlable, ferme dans sa confession, rafraîchi et fortifié par la source céleste d’eau vivifiante qui sort du côté du Christ. Son pauvre corps témoignait des souffrances qu’il avait subies [...]. Le Christ qui souffrait en lui accomplissait de grands prodiges. »

  • Porté par sa foi, Sanctus endure tout. Alors, pensant que ses premières blessures l’ont affaibli et qu’il craquera tant il souffre, on lui impose une nouvelle séance. Il est normalement interdit de torturer plusieurs fois un prévenu, mais on va passer outre dans l’espoir de le faire avouer. Le martyr est alors si endolori qu’il ne supporte plus « qu’on l’effleure de la main ». À défaut de le faire abjurer, on pense qu’il va mourir sous la torture, mais ce ne sera pas le cas…

  • « Contre toute prévision humaine, le pauvre corps de Sanctus guérit et se redressa sous les nouveaux supplices ! Il retrouva son premier aspect et l’usage de ses membres. Ainsi, par la grâce du Christ, au lieu de lui être un châtiment, cette seconde séance de torture lui fut une guérison ! » Cette guérison est attestée et certaine ; elle a été publique et a contribué à faire abréger les tourments des martyrs de Lyon pour éviter de nouveaux miracles accréditant la foi chrétienne.


En savoir plus

L’arrestation d’une bonne partie des fidèles des communautés chrétiennes de Lyon et de Vienne, au printemps 177, atteste de l’existence d’une chrétienté florissante au bord du Rhône. Le récit de leur long martyre constitue du même coup le document fondateur de l’Église de France. On peut constater que les chrétientés locales sont composées des Gaulois de souche et des Orientaux, des esclaves et des aristocrates réunis autour de l’évêque Pothin, disciple nonagénaire de saint Polycarpe de Smyrne, lui-même disciple de saint Jean, et qui va mourir le premier des mauvais traitements infligés.

Sanctus est le seul ecclésiastique nommé, à part Pothin, et cela explique le traitement particulier qui lui est réservé. Assimilé à une obstination coupable, le refus d’abjurer est durement sanctionné, en violation de la loi. C’est pourquoi le juge s’acharne sur ceux qui lui résistent plus ouvertement. Cependant, le miracle de guérison dont bénéficie le diacre et le retour à la foi de plusieurs apostats qui bénéficient du secours de la communion des saints convainquent le magistrat d’arrêter le procès et de faire décapiter la plupart des prévenus, excepté les esclaves. Sanctus a donc finalement la tête tranchée. Avec les autres martyrs de Lyon, Sanctus est fêté le 2 juin.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au delà

La cathédrale de Vienne, dans l’Isère, porte son nom.


Aller plus loin

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique. Disponible en ligne .


En complément

  • Saint Grégoire de Tours, La Gloire des martyrs. Partiellement disponible en ligne .

  • Joël Schmidt, Martyrs de Lyon, 177 après Jésus-Christ, Salvator, 2020.

  • Collectif, Les Premiers martyrs de l’Église, Desclée de Brouwer, 1979.

  • Alexandre Troubnikoff, Les Martyrs de Lyon et leur temps, O.E.I.L., 1986.

  • Anne Bernet, Les Chrétiens dans l’Empire romain, Perrin, 2003.

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