
Les révélations reçues par Julienne de Norwich sur l’amour divin (+1416)
Née au milieu du XIVe siècle dans l’est de l’Angleterre, Julienne se sent vite attirée par la vie contemplative. Elle prie beaucoup, lit sans cesse la Bible et médite la Passion. Comme elle le prédit, elle tombe malade en 1373, mais elle est guérie miraculeusement. Commence ensuite une période d’union mystique avec Jésus. Elle rédige à partir de ses expériences visionnaires deux récits qui traitent des mystères les plus profonds de la foi chrétienne (amour divin, prédestination, connaissance de Dieu, problème du mal). Elle est fêtée le 13 mai par les catholiques, et les anglicans la considèrent aussi comme une bienheureuse à part entière et comme un modèle de vertu évangélique.
Les raisons d'y croire
Sa guérison du 13 mai 1373 est un miracle : elle avait reçu l’extrême-onction, ce qui, à cette époque, indiquait que la mort était proche.
Au cours de cette guérison, elle est envahie par une série de seize visions qui sont autant de révélations sur l’amour infini de Dieu. C’est l’une des premières fois dans l’histoire qu’une personne assiste à toute la Passion du Christ, avec une quantité de détails invraisemblables.
Après avoir pris conscience de l’amour divin, elle décide de devenir recluse près de l’église Saint-Julien de Norwich. Ainsi, elle se retire du monde pour mieux vivre avec Dieu et se consacrer à la prière, à la méditation et à l’étude.
Elle consacre plusieurs années à réfléchir au sens de l’expérience mystérieuse qu’elle a vécue. De sa vie mystique, Julienne tire la certitude d’être aimée de Dieu. Elle écrit Révélations de l’amour divin. Dans ses écrits, il n’y a aucune erreur doctrinale ni expressions mièvres. Elle y compare l’amour divin à l’amour maternel.
D’une précision confondante, Julienne répartit ses propres visions comme le fera sainte Thérèse d’Avila plus de deux siècles plus tard, dans le respect du schéma tripartite de saint Augustin : visions « corporelles » (Jésus en Croix), « imaginaires » (présence non corporelle mais spirituelle de la Vierge, de l’apôtre saint Paul, etc.) et « intellectuelles » (voix intérieures et inspirations divines).
Le Catéchisme de l’Église catholique cite Julienne de Norwich lorsqu’il traite de l’existence du mal et des souffrances des innocents.
De son vivant, Julienne est appréciée de tous : des prêtres, des laïcs, des moines… La charité dont elle fait preuve envers chacun justifie la haute opinion que son entourage a d’elle. De nombreuses personnes lui demandent conseil en matière de vie chrétienne, de prière, de sacrements, d’engagements religieux, de prophéties… Margery Kempe († vers 1436), l’autre grande mystique anglaise de l’époque, vient la consulter. Elles partagent toutes deux le désir de s’unir toujours davantage à Jésus.
En savoir plus
Julienne de Norwich est née le 8 novembre 1342 dans la ville de Norwich, en Angleterre. Elle va y passer son existence entière. Adolescente intelligente, elle impressionne les siens par sa foi, d’une profondeur absolue. Elle se destine à la vie contemplative et vit ses premières expériences mystiques de bonne heure.
En 1373, elle tombe gravement malade ; les médecins de l’époque déclarent qu’elle est condamnée à brève échéance. Mais, sans explication possible, elle est alors touchée par la grâce : elle recouvre instantanément la santé le 8 mai 1373 tandis qu’elle est envahie par une série de seize visions, qui sont autant de révélations sur l’amour infini de Dieu. Ces visions sont importantes dans l’histoire de la mystique catholique : c’est l’une des premières fois que quelqu’un assiste à la Passion du Christ avec tant de détails. Julienne relate également des scènes retraçant des paraboles évangéliques.
Elle devient recluse près de l’église Saint-Julien de Norwich, dans laquelle, de temps à d’autre, elle reçoit la visite de croyants désireux de progresser dans la vie spirituelle, comme la grande mystique Margery Kempe.
Avec l’aide de ses confesseurs, elle note les messages reçus de Jésus et décrit ses révélations. La totalité de ses écrits est consignée dans deux livres. Le premier s’intitule Révélations de l’amour divin, qui est considéré comme le premier livre écrit par une femme en langue anglaise – œuvre pleine de références bibliques et de littérature médiévale. On y découvre des formules d’une qualité spirituelle rare : « La Bonté de Dieu est bien au-dessus de toute prière et elle s’abaisse jusqu’au dernier de nos besoins » ;« Dieu veut que je me sente aussi liée à lui par l’amour que s’il avait fait pour moi seule tout ce qu’il a fait ; voilà ce que chaque âme devrait se dire intérieurement », etc.
Ses lectures théologiques sont d’un haut niveau, et la prière de Julienne est imprégnée des textes des meilleurs auteurs spirituels, parmi lesquels les épîtres de saint Paul, les écrits du Pseudo-Denys, de Richard Rolle et de Walter Hilton, ou encore LeNuage de l’Inconnaissance, etc.
Julienne rend son âme à Dieu et au Seigneur en 1416 ou 1417, à Norwich. L’Église catholique commémore sa mémoire le 13 mai et l’Église anglicane le 8 mai. Cette figure mystique reste d’abord largement méconnue : les Révélations de Julienne circulent en manuscrit, mais ne sont publiées qu’en 1670 par dom Serenus Cressy, à partir des matériaux réunis par Augustine David Baker (1575 – 1641). C’est au début du XXe siècle, lorsque la version courte de ses Révélations est redécouverte (le père Tyrrell en donne une édition, à Londres, en 1902), que sa profondeurthéologique et son message spirituel, parmi les plus évangéliques et les plus profonds de tout le Moyen Âge, ont été largement reconnus.
Le pape François adressa une lettre à l’évêque d’Est-Anglie (comté de Norwich), Mgr Peter Collins, à l’occasion du 650e anniversaire des révélations de Julienne, dans laquelle il rappela sa générosité et sa grandeur d’âme, citant, selon ses mots, « son influence maternelle, son humble anonymat et ses profondes intuitions théologiques ».
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Au delà
Julienne de Norwich a exercé, de son vivant, un rôle considérable, assez comparable à celui de Catherine de Sienne ou de Brigitte de Suède. Souvent citée comme la « première femme de lettres anglaise », la bienheureuse Julienne est également considérée comme « l’un des plus grands théologiens anglais » (Thomas Merton), à cause de l’exactitude, la précision et la portée spirituelle de ses propos et des messages qu’elle recueille de la bouche de Jésus. Elle ouvre la voie à trois siècles de mystique féminine.
Aller plus loin
Plusieurs éditions des deux ouvrages de Julienne de Norwich sont disponibles, en anglais comme en français : Le Livre des révélations, Cerf, 2007 ; A Book of Showings to the Anchoress Julian of Norwich, traduction par Roland Maisonneuve, Toronto, 1978 ; Revelations of Divine Love, Grace Warrack, 1952.
En complément
Sheila Upjohn, In Search of Julian of Norwich,1989, Londres, Darton, Longman et Todd Ltd, réédition 2023.
Dom Guy-Marie Oury, « Julienne de Norwich (bienheureuse) », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 420-421.
Claude Gauvard, Alain de Libera et Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, Quadrige, 2002, p. 794-795.
Emmanuelle Billoteau, Julienne de Norwich, recluse et mystique, Paris, Salvator, 2022.
Un extrait de l’ouvrage de Julienne de Norwich, Révélations de l’amour divin, est disponible sur le site Internet du Vatican.
L’ audience générale du pape Benoît XVI sur Julienne de Norwich, 1er décembre 2010.