
Kateri Tekakwitha, une sainte chez les Mohawks (+1680)
Née en 1656 au sein d’une tribu mohawk en Nouvelle-France (actuel État de New York), Kateri Tekakwitha perd ses parents lors d’une épidémie de variole. Elle-même en réchappe, mais cette maladie laisse sur son visage de profondes cicatrices et lui coûte en partie la vue. Convertie au catholicisme à l’âge de vingt ans, elle embrasse une vie de prières et de chasteté malgré l’opposition de son entourage. Elle fuit vers une mission catholique près de Montréal, où elle se consacre entièrement à Dieu. Béatifiée en 1980, Kateri est canonisée par Benoît XVI en 2012, devenant la première sainte autochtone d’Amérique du Nord.
Les raisons d'y croire
Sa famille veut la forcer à se marier, mais Kateri a le désir de mener une vie différente : un appel intérieur la pousse vers autre chose. Bien qu’elle manque de repères religieux, elle prie inlassablement afin de discerner le dessein que Dieu a pour elle.
Cet appel prend forme en 1675, quand elle fait la rencontre de missionnaires jésuites venus prêcher auprès des peuples autochtones. Elle décide de se consacrer entièrement à Dieu, malgré l’hostilité de son entourage mohawk.
Kateri choisit la chasteté perpétuelle pour le Christ. Ce vœu inouï dans la culture iroquoise bouleverse ses proches, mais révèle surtout une âme résolue à « tout quitter » pour Dieu.
Tous les obstacles semblent se liguer contre elle : son oncle lui impose des tâches pour l’éloigner de la prière, sa santé est fragilisée, son refus du mariage la marginalise. Pourtant, elle fait preuve d’une extraordinaire docilité au plan divin, au point d’accepter un exil long et périlleux pour vivre librement sa foi.
Jusqu’à ses derniers instants, Kateri témoigne d’une foi rayonnante : sur son lit de mort, le 17 avril 1680, à vingt-quatre ans, ses ultimes paroles – « Jésus, je vous aime » – confirment son profond abandon à la volonté du Christ.
Juste après son décès survient un événement qui frappe tous les témoins présents : à peine a-t-elle rendu son dernier souffle que son visage, qui portait jusque-là les cicatrices de la variole, paraît s’illuminer et retrouver sa beauté d’origine. Ce phénomène est interprété comme un signe divin qui confirme sa sainteté.
À travers les siècles, des fidèles témoignent avoir reçu des grâces par son intercession. L’examen minutieux de l’un de ces faits a conduit l’Église à reconnaître officiellement un miracle, ouvrant la voie à la canonisation de Kateri. Il s’agit de la guérison en 2006 d’un jeune garçon, Jake Fink-Bonner, qui habite près de Seattle (États-Unis) et souffre d’une fasciite nécrosante, également connue sous l’appellation populaire de « bactérie mangeuse de chair ».
Le chemin de foi de Kateri Tekakwitha témoigne de l’universalité du message chrétien. Son parcours montre qu’il n’est pas réservé à une culture ou à une époque, mais qu’il est pour tous.
En savoir plus
Nous sommes en 1656, dans le village mohawk d’Ossernenon, près de l’actuelle ville d’Auriesville, dans l’État de New York. C’est là que naît Kateri Tekakwitha, fille d’un chef mohawk resté fidèle aux croyances de son peuple et d’une mère algonquine devenue chrétienne. À une époque où la religion catholique est encore perçue avec méfiance par de nombreux Autochtones, sa mère lui transmet discrètement les premiers rudiments de la foi.
Lorsqu’elle n’a que quatre ans, le village de Kateri est frappé par une épidémie de variole qui emporte ses parents et son frère. Elle-même en réchappe, mais cette maladie laisse sur son visage de profondes cicatrices et lui coûte en partie la vue. Les Mohawks la surnomment alors « Tekakwitha », ce qui veut dire « celle qui avance en tâtonnant ». Sa nouvelle vie se déroule sous la protection de son oncle, un personnage influent dans la tribu.
Malgré la pression de sa famille pour qu’elle se marie – une étape jugée indispensable pour assurer la continuité du clan –, Kateri s’entête à dire non. Dans la culture mohawk du XVIIe siècle, son refus passe pour de la rébellion, et on ne manque pas de le lui faire sentir. Mais elle garde au fond du cœur le désir de mener une vie différente, comme si un appel intérieur la poussait vers autre chose.
Cet appel prend forme en 1675, quand elle fait la rencontre de missionnaires jésuites venus prêcher auprès des peuples autochtones. Le message du Christ la touche au point qu’elle demande le baptême. Malgré l’opposition de son entourage, elle est baptisée le jour de Pâques 1676 et choisit le nom de Kateri, en hommage à sainte Catherine de Sienne. Dès lors, sa foi devient l’axe central de son existence, bien que cet engagement lui attire davantage de persécutions : sa famille l’oblige à travailler plus durement encore et lui interdit de prier. Elle s’accroche, prie en secret et endure tout avec une étonnante patience.
Un an plus tard, elle prend une décision qui choque encore plus sa tribu : elle veut se consacrer entièrement à Dieu et rester célibataire. Pour les siens, c’est presque une trahison. Sentant la pression monter, elle choisit de partir. En 1677, elle traverse plus de trois cents kilomètres de forêts inhospitalières pour rejoindre la mission Saint-François-Xavier de Sault-Saint-Louis, tout près de Montréal, au Canada (aujourd’hui Kahnawake). Là-bas, elle peut enfin pratiquer sa foi librement.
Kateri adopte une riche vie de prière et se lance dans des pratiques ascétiques inspirées des religieuses européennes : jeûnes prolongés, nuits de prière, couchage inconfortable... Son dévouement impressionne tellement les missionnaires qu’ils la considèrent comme une sainte déjà de son vivant. En 1679, alors qu’elle n’a que vingt-trois ans, elle prononce officiellement son vœu de chasteté perpétuelle, devenant ainsi l’une des premières femmes autochtones à faire un tel choix.
L’hiver canadien de 1680 lui est fatal : elle contracte une maladie qui, ajoutée à son état physique déjà précaire, ne lui laisse aucune chance. Elle meurt le 17 avril 1680, à vingt-quatre ans, en murmurant de sa voix affaiblie : « Jésus, je vous aime ! » Rapidement, on parle de guérisons inexpliquées obtenues par son intercession, et sa réputation s’étend au-delà des lieux où elle a vécu.
Dans les décennies qui suivent, son culte prend de l’ampleur. On vient prier sur sa tombe, et des chrétiens de plus en plus nombreux se réclament de son exemple. Au XIXe siècle, l’Église ouvre son procès en béatification ; puis, en 1943, elle est déclarée vénérable par le pape Pie XII et bienheureuse en 1980 par Jean-Paul II. Enfin, un autre miracle, survenu au début des années 2000, vient sceller son dossier de canonisation. Le 21 octobre 2012, le pape Benoît XVI la proclame sainte, faisant d’elle la première sainte autochtone d’Amérique du Nord. Aujourd’hui, l’Église en Amérique voit en Kateri Tekakwitha non seulement un modèle de foi inébranlable, mais aussi le symbole d’un dialogue possible entre la culture mohawk et le message chrétien.
Miguel Morin
Au delà
L’exemple de Kateri Tekakwitha continue d’inspirer des personnes engagées dans la prière, la chasteté et la défense de la dignité des peuples autochtones.
Aller plus loin
Jacques Gauthier, Sainte Kateri Tekakwitha. Première sainte indienne d’Amérique du Nord, Éditions Le Livre Ouvert, collection « Paroles de vie », 2012.
En complément
La vidéo de la chaîne YouTube Webtélé ECDQ : « Sainte Kateri Tekakwitha ». Entrevue de 12 minutes sur la vie et la spiritualité de la sainte.
La conférence de Jacques Gautier , sur la chaîne YouTube Webtélé ECDQ, sur la vie et la spiritualité de Kateri Tekakwitha, à l’occasion de l’envoi des pèlerins à Rome pour sa canonisation, le 21 octobre 2012 (45 minutes).
Allan Greer, Catherine Tekakwitha et les Jésuites, Éditions du Boréal, 2007.
Sur le site Notre Histoire avec Marie, l’article : « Sainte Kateri Tekakwitha, le lys des Agniers ».