
Notre-Dame de Treize-Pierres, en Aveyron (1509)
Le 19 mars 1509, un modeste charretier de Villefranche-de-Rouergue nommé Colonges s’enlise dans un champ détrempé par les eaux de la rivière Vénéric, alimentée par une abondante fonte des neiges. Malgré tous ses efforts et l’aide d’autres hommes accourus à ses cris, son véhicule et ses chevaux restent embourbés dans le sol. Le soir, quand sonne l’Angélus, il prie ardemment la Vierge. À la fin de son oraison, il voit la Mère de Dieu et les douze apôtres apparaître autour de sa charrette, chacun posé sur l’une des treize pierres qui permettaient à cette époque de traverser la rivière en cas de crue. Marie lui sourit. Le charretier peut alors facilement tirer d’affaire son équipage en roulant sur les pierres. Un pèlerinage voit rapidement le jour pour célébrer ce miracle et est fréquenté quasiment sans interruption depuis 1509.
Les raisons d'y croire
L’endroit où se trouve l’actuel chemin des Treize-Pierres est très rapidement mentionné dans les documents historiques (le « compoix », c’est-à-dire le cadastre, de 1518), sous le nom de « las treze peyros ». Une autre source du XVIIe siècle évoque également le lieu du prodige sous le vocable de « peyros grossos ».
Une enquête ecclésiastique est diligentée en avril 1509 par l’évêque de Rodez, Mgr François d’Estaing. À l’issue de celle-ci, la décision est prise de construire une chapelle sur les lieux de l’apparition. La première pierre est posée le 24 août 1509 et le chantier touche à sa fin en 1525, à peine quinze ans après les faits. À cette date, le sanctuaire est déjà bien fréquenté par les pèlerins de toute la région et même d’Aquitaine.
En 1520, une épidémie de peste sévit dans le sud de la France. C’est un nouveau miracle : la terrible maladie s’arrête de manière inexpliquée aux limites géographiques des trente-deux paroisses du diocèse de Rodez, qui s’étaient réunies au sanctuaire pour prier ensemble Notre-Dame de Treize-Pierres.
Les deux rénovations successives de la chapelle, en 1585 puis en 1630, prouvent qu’à cette époque, le nombre de pèlerins ne cesse d’augmenter, malgré les guerres de Religion. En 1695 est même édifiée une seconde chapelle, Notre-Dame-des-Moissons, près du lieu de l’apparition, en bordure du chemin des Treize-Pierres. Il s’agit d’une chapelle votive où les paysans se rendent pour obtenir du secours et rendre grâce à la Vierge pour la protection de leur récolte.
Les travaux entrepris dans le premier quart du XXe siècle montrent clairement la pérennité du sanctuaire. Si le nombre de pèlerins a baissé à la fin du XXe siècle, il est toutefois frappant de constater que le sanctuaire est fréquenté sans aucune interruption depuis plus de 510 ans.
Plusieurs miracles de guérison sont répertoriés en lien étroit avec l’intercession demandée à la Vierge Marie en ce lieu, à commencer par la guérison inexpliquée d’un sourd-muet peu après mars 1509. L’authenticité de l’apparition qui fonda le sanctuaire est par conséquent hautement probable. Les nombreux fruits spirituels observables parmi les dizaines de milliers de fidèles qui se succèdent sur place depuis le début du XVIe siècle en témoignent également.
En savoir plus
Le 19 mars 1509, Colonges, un homme pieux et juste, charretier de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron, France), traverse avec son petit équipage un chemin dont le sol est détrempé par les eaux de la rivière locale. Il voit subitement les roues de son attelage s’enfoncer profondément dans la boue. Immobilisé, il tente alors de tirer le lourd véhicule en stimulant ses chevaux, mais rien n’y fait. Il est coincé. Des paysans travaillant dans un champ voisin ont assisté à la scène et viennent lui prêter main forte, mais en vain. Lorsque sonne l’Angélus au clocher du village voisin, Colonges tombe à genoux et invoque la Vierge Marie.
À l’instant où il achève sa prière, une « lumière céleste » brille soudain devant lui ; la Mère de Dieu, suivie des douze apôtres, paraît à ses yeux. Chaque apôtre se tient sur l’une des pierres qui, lors des crues de la rivière, permettent aux piétons de franchir les flots, et Marie, qui lui sourit, a les pieds posés sur la dernière d’entre elles. Après quelques instants, tout disparaît.
Reprenant ses esprits, Colonges s’aperçoit, sans pouvoir l’expliquer, que son attelage est dégagé du bourbier. Arrivé à Villefranche, il se rend, en compagnie des paysans qui ont essayé de le sortir du bourbier, devant les échevins de la ville, à qui il raconte, sous la foi du serment, ce qu’il vient de vivre. Peu après, certains de l’authenticité des faits, ces magistrats sollicitent de l’évêque de Rodez, Mgr François d’Estaing, une enquête officielle.
Celui-ci interroge les témoins, dont les dépositions, parfaitement concordantes, vont être confirmées par la guérison miraculeuse d’un sourd-muet. À l’issue de cette enquête, l’évêque bénit la première pierre de la chapelle du sanctuaire, dédiée à Notre-Dame de Treize-Pierres. Il fait enchâsser dans les murs de l’édifice les treize pierres sur lesquelles Marie et les apôtres ont posé le pied. Le chantier est confié au maçon Huc Neulat, dit Gaujot.
Dans les années suivantes, les pèlerins affluent du Rouergue et de l’Aquitaine. En 1520, prêtres et fidèles de trente-deux paroisses de la région s’y retrouvent pour implorer l’aide de Notre-Dame de Treize-Pierres contre la peste.Aucune des trente-deux paroisses du diocèse de Rodez n’est touchée par la terrible maladie.
La peste apparaît de nouveau dans la région en 1628, faisant des ravages parmi les habitants. Les prières collectives reprennent au sanctuaire Notre-Dame-de-Treize-Pierres. Le lendemain de la fête de l’Assomption (16 août), l’épidémie baisse d’intensité, puis disparaît.
En 1695, une seconde chapelle – dite Notre-Dame-des-Moissons, en raison des milliers de paysans qui y déposent une portion de leurs récoltes en l’honneur de la Mère de Dieu – est bâtie sur les lieux.
À la Révolution, la chapelle Notre-Dame-de-Treize-Pierres devint un magasin à fourrages. Rouverte en 1854, on y adjoint alors un orphelinat confié à des religieux, et le pèlerinage reprend alors de façon extraordinaire. Le 17 août 1873, près de 2 500 pèlerins sont présents.
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Au delà
La chapelle Notre-Dame-de-Treize-Pierres a une apparence modeste depuis l’extérieur, mais on découvre à l’intérieur un patrimoine culturel et artistique surprenant. De style gothique languedocien, la chapelle a été entièrement décorée de fresques de style byzantin en 1951 et 1952, par le peintre d’origine russe Nicolaï Greschny († 1985). La nef retrace la vie de la Vierge Marie : l’Annonciation, la Nativité, la Dormition sur les murs, le Couronnement et la Vierge de l’Apocalypse sur la voûte en berceau, et, au fond, la grandiose vision finale de la fresque du jugement dernier.
Aller plus loin
Patrick Sbalchiero, « Notre-Dame-de-Treize-Pierres », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire encyclopédique des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 674-675.
En complément
Bernard Billet, « Les pèlerinages marials en France au XVIe siècle », dans De cultu mariano saeculo XVI. Acta congressus mariologici-mariani internationalis caesaraugusteanno 1979 celebrati, vol. 6, Rome, Pontificia Academia Mariana Internationalis, 1986, p. 316.
L’article de l’Encyclopédie Mariale qui relate l’apparition : « Villefranche (Aveyron) : Notre-Dame-de-Treize-Pierres ».
Visite virtuelle de la chapelle.
Michel Lombard, La Vallée de l’Aveyron, de la confluence à la source,regards sur un patrimoine, Éditions Loubatières, 2009. Disponible en ligne .