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Les martyrs
Angleterre
Nº 574
1563 – 1601

Anne Line, pendue pour avoir caché des prêtres (+1601)

En 1970, le pape Paul VI canonise une quarantaine de martyrs anglais et gallois, hommes et femmes, clercs ou laïcs, victimes de l’impitoyable répression déclenchée par les autorités protestantes contre ceux qui refusaient d’abandonner le catholicisme ou ceux, pis encore, nés dans des familles réformées, qui retournaient à la foi de Rome. Tenus pour conspirateurs et ennemis de la Couronne, traîtres à leur patrie, ils n’avaient nulle pitié à attendre. Loin de se repentir du « crime » infamant d’être « papiste », Anne Line, coupable d’avoir caché des prêtres, allait hautement déplorer, au pied de la potence, le 27 février 1601, de n’avoir pu faire davantage pour le triomphe de la vraie foi.


Les raisons d'y croire

  • Née au sein d’une famille calviniste noble de Dunmow, dans l’Essex, Alice Anne Heigham est promise à un avenir heureux et paisible. Conformément aux intérêts familiaux, elle épousera un riche gentilhomme de l’entourage royal et élèvera ses enfants selon les rigoureux préceptes de l’Angleterre élisabéthaine. Or, Anne va non seulement renoncer à ce sort que tant d’autres lui envieraient, mais aussi accepter la rupture avec les siens, la pauvreté, l’infamie, la séparation d’avec son époux (frappé d’une peine d’exil), la solitude, le danger, puis la prison et la mort pour demeurer fidèle à l’Église catholique interdite en Angleterre.

  • Alice et l’un de ses frères, William, découvrent dans les années 1580 la foi catholique et s’y convertissent. Alice choisit alors de porter le prénom maternel, Anne. La fureur de leur père est immense : ils sont déshérités, chassés de chez eux et privés de tout contact avec leurs proches. Sans doute lord Heigham pense-t-il amener ses enfants, surtout sa fille qui n’a plus aucun moyen financier, à résipiscence et au protestantisme. Mais le frère et la sœur, ayant reconnu où se trouvent la vérité et les moyens du salut, ne reviendront pas en arrière, quel que soit le prix à payer.

  • Les jeunes Heigham ne sont pas les seuls à faire ce choix. D’autres jeunes gens de leur milieu abjurent le protestantisme, dont Roger Line, pareillement maudit, banni, déshérité et chassé par son père. Anne et lui vont se marier et construire leur union sur l’ambition commune de se rendre utiles à l’Église persécutée, notamment en aidant les prêtres catholiques à rentrer en Angleterre pour y maintenir le culte interdit dans la clandestinité. Le jeune couple est parfaitement conscient qu’il se met ainsi hors la loi et encourt de très lourdes peines s’il est repéré ou dénoncé. Il se montre pourtant capable de faire passer les intérêts de Dieu et du prochain avant les siens propres, faisant preuve d’une abnégation et d’un dévouement qui s’enracinent dans un amour commun du Christ et de la vérité.

  • En 1595, Roger est dénoncé et arrêté. Il n’est pas condamné à mort mais au bannissement perpétuel. Réfugié en Belgique, il survit misérablement et n’a aucun moyen de venir en aide à son épouse qui se retrouve seule en Angleterre dans un dénuement total. Anne Line endure cette misère noire qui la réduit quasiment à la mendicité car elle refuse de renoncer au trésor découvert lors de sa conversion : la messe, l’Eucharistie, la Présence réelle de Jésus dans l’hostie, la force et les consolations données par la communion, l’accès aux sacrements. Tout le reste, à ses yeux, est accessoire.

  • Malgré un dénuement dont rien ne semble pouvoir la sortir, Anne a une confiance absolue en Dieu et s’abandonne à sa providence. Ainsi prouve-t-elle qu’elle possède héroïquement les vertus de foi et d’espérance, qui viennent de Dieu et conduisent à lui.

  • C’est à ce moment qu’en 1596, elle rencontre un jésuite anglais, le père John Gerard, installé clandestinement à Londres pour y réorganiser le culte catholique. Il a besoin, s’il veut réussir, de créer un « refuge » pour les prêtres traqués et de quelqu’un pour le faire matériellement fonctionner. Anne accepte ce poste, sa soif de servir l’Église est insatiable.

  • En dépit des dangers et bien qu’elle sente la surveillance se resserrer sur elle, Anne Line poursuit sa tâche. Le 2 février 1601, alors qu’un des prêtres qu’elle abrite s’apprête à célébrer la messe de la Chandeleur, la police fait irruption dans la maison et arrête la jeune femme. Anne Line est pendue au gibet de Tyburn le 27 février 1601. Rien, pendant ses trois semaines de détention dans des conditions pénibles, ne peut l’amener à manifester la moindre faiblesse ni le moindre regret. Au contraire. Au pied de la potence, alors que les juges attendent d’elle un signe de repentance, la jeune femme déclare : « Je suis condamnée pour avoir offert l’hospitalité à un prêtre catholique. Je suis si loin de le regretter que je voudrais de tout cœur l’avoir offerte à mille et non pas à un seul ! »


En savoir plus

Fille d’un noble propriétaire foncier de l’Essex, William Haigham, Alice Anne est élevée dans le strict calvinismepaternel. Née vers 1563, la jeune fille fait ses débuts à la Cour vers 1580 et, chaperonnée par son frère William, découvre que celui-ci s’est converti au catholicisme, proscrit d’Angleterre. Elle se convertit à son tour.

Après avoir découvert les sacrements, la messe et l’Eucharistie, qui lui devient bientôt indispensable, elle ne peut envisager un retour au protestantisme. Reniée par son père, déshéritée, chassée de la maison familiale, elle refuse d’abandonner la foi de Rome. Elle épouse un jeune aristocrate revenu lui aussi au catholicisme, Roger Line, qui ne tarde pas à être banni à vie d’Angleterre pour sa foi catholique, considérée comme complotiste contre l’État et la Couronne. En exil, il vit de la très faible pension que le roi d’Espagne verse aux Anglais exilés par attachement à la foi catholique. Anne ne reverra jamais son mari, qui meurt de misère à Bruxelles, la laissant sans soutien et sans un sou.

Le jésuite John Gerard, qui cherche à installer à Londres une maison d’accueil pour le clergé catholique clandestin, propose à la jeune veuve d’en assumer la charge. Elle accepte, non pour avoir un toit sur sa tête et de quoi vivre : elle sait s’exposer terriblement en se chargeant de cette mission à très haut risque. Mais, depuis la mort en exil de son époux, Anne, sans enfant, n’a plus rien à perdre en ce monde et tout à gagner dans l’autre. Elle n’hésite pas, en 1597, à participer à l’évasion du père Gerard, emprisonné dans l’attente de son exécution.

En la fête de la Purification de Notre-Dame, le 2 février 1601, Anne Line est arrêtée en flagrant délit de complicité avec un prêtre catholique et d’aide à l’organisation d’un culte prohibé. Elle est pendue le 27 février suivant.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

Roland Connelly, Women of the Catholic Resistance in England 1540-1680, The Pentland Press, 1997 (en anglais).


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