
Gaspard del Bufalo, le prêtre qui a dit non à Napoléon (+1837)
Ordonné prêtre en 1808 à Rome, Gaspard del Bufalo est promis à un apostolat paisible, mais l’occupation de la ville par les troupes napoléoniennes et l’arrestation de Pie VII, exilé et emprisonné sur ordre de l’empereur, bouleversent sa vie. Le jeune prêtre romain est incarcéré pour avoir refusé le serment de fidélité à l’empereur, exigé du clergé par l’occupant français. Lorsqu’il revient libre à Rome, en 1814, il se révèle être un prédicateur extraordinaire et un apôtre ardent de la dévotion au Précieux Sang – sang versé par Jésus pour la rédemption des hommes et la conversion des pécheurs.
Les raisons d'y croire
Gaspard, qui refuse le serment de fidélité à Napoléon en 1810, est exilé et emprisonné successivement à Bologne, Imola, Lugo, Ravenne et enfin en Corse. Plus sa détention, qui dure quatre ans, se poursuit, plus ses conditions se détériorent. On l’enferme dans des cachots humides, froids et sans lumière : il est privé de nourriture et de soins, on le frappe, on l’insulte, on le menace de mort pour l’amener à prêter le serment. Malgré une santé gravement altérée, l’abbé del Bufalo ne cède pas. Il faut, en pareille situation, un courage hors du commun pour supporter cela, alors qu’une acceptation lui permettrait d’obtenir aussitôt sa libération et son retour à Rome auprès des siens.
Le père Albertini, son compagnon de prison à Imola, affirme à Gaspard, qui est pourtant agonisant, qu’il ne mourra pas maintenant, car Dieu veut le charger de la fondation d’une congrégation religieuse et faire de lui « le trompette du très Précieux Sang du Christ », par lequel seront vaincus « pécheurs et sectaires ». Telle est la prophétie qu’il a reçue quelques années plus tôt d’une religieuse en grande réputation de sainteté, sœur Marie-Agnès du Verbe Incarné. En effet, tout va, se passer comme cette carmélite l’a annoncé au père Albertini.
Contre toute attente et malgré l’absence de soins, l’abbé del Bufalo guérit. Libéré en 1814, il rentre à Rome en même temps que Pie VII et fonde les Missionnaires du Précieux-Sang, congrégation que le pape charge d’éradiquer les deux fléaux de ses États : les loges de la Charbonnerie, proches de la franc-maçonnerie, et les bandits de grand chemin qui rançonnent voyageurs et touristes.
Malgré les menaces et les attaques physiques des carbonari, Gaspard prêche hardiment contre les erreurs des sectes, ramenant des dizaines de francs-maçons au catholicisme. Son courage et son éloquence étonnante viennent de Dieu ; les résultats qu’il obtient le prouvent. Il a le même succès auprès des brigands, qui pleurent de honte sur leurs péchés en l’entendant prêcher. L’on dit de sa parole qu’elle a sur les pécheurs « l’effet d’un tremblement de terre spirituel ». Ce don est une grâce divine.
Lorsqu’il meurt, le 28 décembre 1837, victime de son dévouement auprès des cholériques, saint Vincent Pallotti, qui l’assiste, témoigne avoir vu son âme monter vers le Ciel sous la forme d’une étoile filante, et Jésus venir à sa rencontre. Il en témoignera par serment.
En 1861, un nouveau-né prénommé Gaspard est guéri sur la tombe de l'abbé Bufalo en l'église Sainte-Marie de Trévi (Rome, Italie). Après l'enquête, le caractère miraculeux de cette guérison est officiellement reconnu ; Gaspard del Bufalo est béatifié en 1904, puis canonisé cinquante en plus tard.
En savoir plus
Né à Rome le jour des Rois 1786, d’où son prénom de Gaspard, l’abbé del Bufalo a la chance que le prince Altieri, employeur de son père, lui offre des études au Collège romain, qui lui permettront d’accéder au sacerdoce en 1808. Nommé vicaire à Santa Maria in Pincis, près du forum romain, le jeune prêtre refonde l’œuvre caritative de la paroisse, Santa Galla, tombée dans l’oubli, et continue, comme lorsqu’il était séminariste, à catéchiser les charretiers des marchés voisins de Sainte-Marie-des-Pleurs. Il obtient un titre de chanoine de la basilique San Marco de Rome.
Après le concordat de 1802, Napoléon a réussi à inclure dans le catéchisme impérial la désobéissance à ses ordres au nombre des péchés entraînant l’excommunication. Pour assurer son autorité sur Rome, réduite au rang de préfecture car il veut transférer la papauté à Paris, il exige du clergé italien un serment de fidélité à sa personne et à sa politique. Beaucoup de prêtres vont le prêter à contrecœur pour échapper aux sanctions d’emprisonnement et de déportation qui menacent les réfractaires. Le chanoine del Bufalo pourrait en faire autant, mais ne l’acceptera jamais. « Non posso, non debbo, non voglio » (« Je ne peux pas, je ne dois pas, je ne veux pas »), déclare-t-il aux autorités, car il veut demeurer fidèle à son légitime souverain, le pape, et manifester son refus de la suppression des États pontificaux et leur intégration dans l’Empire. Il faut du courage pour braver ainsi « l’Ogre de Corse ».
Comme Gaspard est une figure en vue de la ville, les autorités d’occupation françaises se montrent spécialement dures avec lui, pour l’exemple. Il se retrouve enfermé quatre années durant. En 1810, dans la prison d’Imola, près de Milan, le jeune prêtre est gravement malade. Il trouve à ses côtés un autre ecclésiastique, coupable de la même désobéissance, le père Albertini. Alors que tous pensent Gaspard sur le point de mourir, le père Albertini se souvient de la prédiction reçue jadis d’une religieuse, qui lui annonçait qu’il rencontrerait un jeune prêtre auquel Dieu veut confier la fondation d’un ordre de religieux missionnaires qui propageront la dévotion au Précieux-Sang, laquelle sera un remède souverain contre le péché et la franc-maçonnerie. Albertini a la certitude que Gaspard est cet élu de Dieu.
Après sa libération et son retour à Rome, les papes successifs Pie VII, Léon XII et Grégoire XVI s’appuient sur cet homme fidèle et courageux afin d’initier une nouvelle évangélisation des États pontificaux et de lutter contre les idées révolutionnaires apportées par les Français. Gaspard del Buffalo réussit si bien que les papes le surnomment « le marteau des sectes ».
Il est enterré à Santa Maria in Trivio et canonisé en 1954. L’Église dit de lui : « Il combattit avec vigueur pour la liberté de l’Église et fut emprisonné cinq fois pour elle. Même là, il ne cessa de ramener les pécheurs sur le droit chemin. »
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.
Au delà
Autre preuve de la sainteté de Gaspard, il attire d’autres âmes saintes. Dans son entourage immédiat, l’on compte trois saints portés sur les autels : Maria De Matias, qu’il charge de fonder la branche féminine et éducatrice de sa congrégation, et deux prêtres, Vincent-Marie Strambi et Vincent Pallotti.
Aller plus loin
La vidéo d’Arnaud Dumouch : « La vie de saint Gaspard del Bufalo, le convertisseur des bandits ».
En complément
La notice biographique du site Internet Vatican News : « Saint Gaspard, prêtre, fondateur des missionnaires du Précieux Sang ».
Tullio Veglianti, « Non posso, non debbo, non voglio ! » Vita di san Gaspare del Bufalo, Sanguis Editrice,2004. En italien.
Saint Vincent Pallotti, Gaspare del Bufalo, come l’ho conosciuto, 1989. En italien.
Gaspare del Bufalo, Epistolario, Pia Unione Presiosissimo Sangue, 1986. En italien.
Le podcast de Jean-Luc Moens pour Priez Aujourd’hui : « Gaspare del Bufalo ».