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Les visionnaires
Irlande
Nº 474
1094 – 1148

Saint Malachie d’Armagh voit par trois fois l’âme de sa sœur morte (+1148)

Né à Armagh (actuelle Irlande du Nord) vers 1094, et mort à l’abbaye de Clairvaux le 2 novembre 1148, saint Malachie est un archevêque d’Irlande, primat de ce pays. Il contribua à apporter à l’Occident la dévotion aux âmes du purgatoire, lui qui sortit sa sœur mondaine de ce lieu par sa prière fervente. Dieu voulut qu’il meure un 2 novembre 1148 dans les bras de saint Bernard de Clairvaux , docteur de l’Église, qui écrivit sa vie et contribua à le rendre célèbre. La prophétie des papes dite de « saint Malachie », qu’on lui attribue, a en fait été écrite au XVIe siècle.


Les raisons d'y croire

  • Saint Bernard de Clairvaux a reçu de nombreuses fois l’archevêque d’Armagh dans son monastère. Il cherche à brosser un portrait véridique de Malachie et rapporte les grands événements qui ont marqué sa vie, dans laquelle se déploie la grâce divine. En plus de la Vie de saint Malachie, nous disposons de sermons écrits à son propos et de plusieurs lettres.

  • Nommé légat pontifical pour l’Irlande, Malachie devient chef de l’Église de ce pays, dont il fait l’un des plus religieux de la chrétienté. Mais il ne cesse jamais d’être un moine et de vivre une pauvreté authentique au sein de sa communauté.

  • Plusieurs miracles opérés par Malachie de son vivant ont été recensés : guérisons, exorcismes et prophéties. Ces récits ne sont pas avares de détails : lieu, nom des personnes impliquées et circonstances de l’événement... Saint Bernard insiste par ailleurs sur la véracité de ces prodiges. « Toutes ces merveilles firent croître tous les jours davantage la renommée et la congrégation de Malachie, mais si grande que fut sa réputation, non-seulement parmi les siens, mais encore au-dehors, les faits sur lesquels elle s’appuyait n’étaient pas moindres qu’elle. »

  • La vision du fantôme de sa sœur, que saint Malachie eut par trois fois avant qu’elle ne passe dans l’autre monde et qu’il délivra en offrant des messes pour les morts, a par la suite profondément marqué l’Occident. Elle est à l’origine de la « commémoration des âmes du purgatoire » qui se célèbre maintenant chaque année le jour anniversaire de la mort de saint Malachie, à savoir le 2 novembre.

  • Les visions que Malachie a de sa sœur sont complètement cohérentes avec la « théologie de l’Hadès », qui fait partie de l’Écriture. Saint Pierre explique que c’est par un long séjour dans l’Hadès (en hébreu, « le shéol ») que les âmes mortes noyées au moment du déluge ont finies par être sauvées ( 1 P 3,19-20 ) : « C’est lui Jésus qui s’en alla même prêcher aux esprits en prison, à ceux qui jadis avaient refusé de croire lorsque temporisait la longanimité de Dieu, aux jours où Noé construisait l’Arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l’eau. » Puis( 1 P 4,6 ) : « C’est pour cela, en effet, que même en Hadès a été annoncée la Bonne Nouvelle, afin que, jugés selon les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu dans l’Esprit. »


En savoir plus

Saint Bernard de Clairvaux écrit dans sa Vie de saint Malachie :

« Malachie s’appliqua dès son jeune âge à toutes sortes d’œuvres de piété, mais plus particulièrement à celles qui lui semblaient les plus pénibles. Ainsi il se voua, avec un zèle extraordinaire, au soin d’ensevelir les morts et de prier pour leur âme, parce que ce genre de bonnes œuvres lui semblait aussi plein d’humilité que de charité.

Mais le démon l’attaqua par la voix de sa propre sœur, dont la vie était fort mondaine et qui passait son temps dans les soins de sa seule beauté physique. Elle se moqua de lui et méprisa son action. Sa sœur, dans son horreur pour cet office de piété, qui lui paraissait indigne d’une personne de son rang, lui en faisait des reproches et souvent lui répétait ces mots de l’Évangile : « Laissez les morts ensevelir leurs morts. » ( Mt 8,22 ) Mais lui, répondant à cette insensée comme il convenait de le faire, lui disait : « Malheureuse femme que tu es : tu te sers là de paroles saintes, mais tu n’en comprends pas le sens et la portée. » Et il lui parlait de la brièveté de cette vie selon cette parole ( 1 P 1,24 ) : « Car toute chair est comme l’herbe et toute sa gloire comme fleur d’herbe ; l’herbe se dessèche et sa fleur tombe. » Il remplit donc avec un zèle infatigable et sans se relâcher un seul instant les fonctions auprès des morts.

Pendant que tout cela se passait, voici que sa sœur mourut. Je ne saurais passer sous silence les visions qu’il eut à son sujet. Il avait conçu une telle aversion pour son genre de vie toute charnelle qu’il avait fait le vœu de ne plus la revoir jamais en ce monde. Mais quand elle fut morte, il revit celle qu’il n’avait plus voulu voir dans sa chair et voici de quelle manière.

Une nuit, il entendit une voix qui lui disait que sa sœur était là, dans le vestibule, et qu’elle n’avait rien mangé depuis déjà trente jours entiers ; il comprit tout de suite de quel genre de nourriture elle était privée (la grâce). Il calcula le nombre de jours qu’il venait d’entendre nommer et il trouva qu’ils répondaient exactement au temps qui s’était écoulé depuis qu’il avait cessé d’offrir pour elle des messes pour le repos de son âme. Alors, comme il ne détestait que le péché, non pas l’âme de sa sœur, il reprit la célébration de ses messes pour les défunts, qu’il avait interrompue.

Ce ne fut pas en vain ; car peu de jours après, il la vit qui était devant la porte de l’église, mais elle n’y pouvait pas encore entrer, et la robe qu’elle portait était de couleur sombre. Il persévéra de son côté et ne passa point un jour sans offrir pour elle le saint sacrifice de la messe. Il la revit encore, sa robe était presque blanche, elle était entrée dans l’église, mais il ne lui était pas encore permis de toucher à l’autel. Enfin, il la revit une troisième fois ; mais alors elle était mêlée à la troupe de ceux qui portaient des robes blanches et elle en avait une elle-même de la même couleur.

Vous voyez, cher lecteur, ce que peut la prière assidue du juste. On peut donc bien dire en vérité que le royaume du Ciel souffre violence et qu’il n’y a que les violents qui l’emportent. Ne vous semble-t-il pas, en effet, que la prière de Malachie brisa, en quelque sorte, les portes du Ciel, quand vous voyez une femme pécheresse obtenir, par la force des armes de son frère, ce qu’elle ne pouvait espérer de ses propres mérites ? Mais c’est vous, ô bon Jésus, qui, par les souffrances de votre passion, faites violence au Ciel ; vous êtes bon et puissant pour nous sauver, vous faites miséricorde, vous montrez la puissance de votre bras et en conservez la vertu dans votre sacrement pour les saints, qui sont sur la terre jusqu’à la consommation des siècles. Car c’est bien ce sacrement qui a la force de consumer le péché, de terrasser les puissances ennemies et de porter aux Cieux les âmes qui quittent la terre ».

Agrégé en sciences religieuses en Belgique, Arnaud Dumouch fonde en 2015 avec l’abbé Henri Ganty l’Institut Docteur Angélique , qui donne sur Internet la totalité d’une formation diplômante en philosophie et théologie catholique, dans la ligne de l’herméneutique de la continuité de Benoît XVI.


Au delà

Dans son encyclique Spe salvi, sur l’espérance (2007), le pape Benoît XVI réintroduit de manière très humble l’hypothèse de la subsistance d’un niveau du purgatoire, entre ce monde et le jugement individuel, « où la sentence finale n’est pas encore donnée » et qui correspond à ce que l’Ancien Testament appelait « l’Hadès » (le séjour de la mort), et qu’on a souvent confondu avec l’enfer éternel.

C’est uniquement la tradition théologique latine dite « scolastique » qui a conclu, à partir de la pensée d’Aristote, que la mort était « un instant où il ne se passait rien » et qui a fait disparaître l’ancienne tradition qui décrivait la mort comme « un passage » qui durait au minimum trois jours, voire comme « un séjour » ou certaines âmes se purifiaient pendant des siècles avant d’entrer face au Christ pour le jugement individuel.

La scolastique classique avait interprété que l’Hadès avait disparu le Vendredi saint, quand le Christ était venu le vider. Cette tradition de l’Hadès a été gardée intacte dans la théologie grecque et donc dans l’orthodoxie actuelle, où l’on continue de veiller les morts durant trois jours et parfois d’offrir des messes pour les morts durant quarante jours. C’est aussi ce qu’a toujours affirmé la théologie gaélique, portée par saint Patrick, saint Colomban et saint Malachie.


Aller plus loin

Encyclique Spe salvi, 44-45, pape Benoît XVI, 2007

44. Dans la parabole du riche bon vivant et du pauvre Lazare (cf. Lc 16,19-31 ), Jésus nous a présenté en avertissement l’image d’une telle âme ravagée par l’arrogance et par l’opulence, qui a créé elle-même un fossé infranchissable entre elle et le pauvre ; le fossé de l’enfermement dans les plaisirs matériels ; le fossé de l’oubli de l’autre, de l’incapacité à aimer, qui se transforme maintenant en une soif ardente et désormais irrémédiable. Nous devons relever ici que Jésus dans cette parabole ne parle pas du destin définitif après le Jugement universel, mais il reprend une conception qui se trouve, entre autres, dans le judaïsme ancien, à savoir la conception d’une condition intermédiaire entre mort et résurrection, un état dans lequel manque encore la sentence dernière.

45. Cette idée vétéro-juive de la condition intermédiaire inclut l’idée que les âmes ne se trouvent pas simplement dans une sorte de détention provisoire, mais subissent déjà une punition, comme le montre la parabole du riche bon vivant, ou au contraire jouissent déjà de formes provisoires de béatitude. Et enfin il y a aussi l’idée que, dans cet état, sont possibles des purifications et des guérisons qui rendent l’âme mûre pour la communion avec Dieu. L’Église primitive a repris ces conceptions, à partir desquelles, ensuite, dans l’Église occidentale, s’est développée petit à petit la doctrine du purgatoire.


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