
Face à la Gestapo, elles soutiennent qu’elles ont vu la Vierge Marie (1937)
Entre le 1er novembre 1937 et le 3 novembre 1940, la Vierge Marie apparaît une quinzaine de fois à plusieurs fillettes de Heede, petite bourgade sans histoire de Westphalie. Empêchés par la Gestapo de se rendre sur le lieu de la première apparition, les enfants voient la Vierge en secret. Les quatre voyantes – Anna Schulte, Susanna Bruns, Greta et Maria Gauseforth, âgées de onze à quatorze ans – reçoivent des messages de Marie, d’une parfaite limpidité et d’une portée évangélique incontestable. Elles sont également porteuses d’un message pour le pape Pie XII. Deux guérisons inexplicables sont attestées chez les habitants de la localité.
Les raisons d'y croire
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Les jeunes filles savent évidemment que, sous le régime nazi, raconter des histoires d’apparition peut vite avoir des conséquences graves et funestes pour elles et pour leurs familles. Les nazis considèrent les apparitions comme une superstition honteuse et la manifestation d’esprits faibles et dégénérés. Les risques encourus en tenant de tels propos plaident en faveur de la sincérité des voyantes.
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Les mauvais traitements que la Gestapo fait subir aux fillettes, du 7 novembre au 7 décembre 1937 à l’hôpital psychiatrique de Göttingen (avec menaces de mort), ne font pas varier leur témoignage d’un iota, même lorsqu’on les sépare. Elles ont vu la Vierge, martèlent-elles à leurs geôliers.
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Même si les nazis auraient aimé pouvoir les diagnostiquer folles ou mythomanes, ce n’est pas le cas : chaque voyante est parfaitement saine d’esprit et intelligente. La suite de la vie de ces jeunes filles le montre. Maria et Greta rejoindront l’armée comme infirmières.
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L’évêque diocésain de cette époque, Mgr Berning, mène en personne une enquête rigoureuse et rencontre les voyantes à plusieurs reprises. Le 3 juin 1959, l’évêque du diocèse déclare : « Dans les apparitions et les messages de Heede, nous ne trouvons rien de contraire à la foi […]. Leur similitude avec les apparitions approuvées de Fatima, Lourdes et La Salette donne de bonnes indications de leur authenticité. »
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Le titre que l’apparition revendique – « Reine de l’univers » et « Reine des âmes du purgatoire » – est pleinement catholique et ne constitue ni une invention ni une innovation liturgique. Il est à parier que ces deux vocables, totalement orthodoxes mais assez peu usités dans cette partie du monde, aient été inconnus des voyantes avant les apparitions.
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Les messages recueillis – peu nombreux – invitent à la prière, à la paix, à la pénitence. L’apparition insiste en particulier sur l’importance de la récitation du rosaire. Ils ne contiennent aucune allusion politique ou idéologique, ni aucune critique du clergé.
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Deux guérisons miraculeuses ont été enregistrées en septembre 1940, après la parole prophétique de l’apparition, qui a promis quelques jours avant de guérir uniquement deux personnes dont « l’intention est droite ».
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Le message du « secret » destiné au pape n’a pas été écarté mais bel et bien transmis par Mgr Berning à Pie XII, de la main à la main, dans une enveloppe scellée. Cela montre la considération réelle que portent les autorités religieuses à ces événements.
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Les fruits spirituels de ces apparitions sont nombreux. Mgr Berning témoigne le 23 juillet 1942 : « De Heede a jailli une riche bénédiction. J’ai pu constater que la dévotion mariale s’est accrue de façon extraordinaire [...]. J’ai appris [...] que la vie sacramentelle, en particulier, s’est épanouie de façon extraordinaire dans votre paroisse. »
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L’un des fruits les plus extraordinaires de ces apparitions a consisté à transformer le diocèse d’Osnabrück en bastion ouvertement anti-nazi. De façon inexplicable, la population de Heede, très majoritairement catholique, s’est imposée comme un bastion de résistance au nazisme.Il semble que les venues de la Reine des âmes du purgatoire aient soudé les habitants contre le régime fasciste, en leur redonnant espoir et amour de la vérité.
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Le contexte de l’époque ne se prête aucunement à une reconnaissance officielle en bonne et due forme, mais les faveurs successives (construction d’une nouvelle église, instauration de célébrations liturgiques, etc.) sont autant de signes de l’opinion du clergé de Heede en faveur de l’authenticité des apparitions.
En savoir plus
Au soir du 1er novembre 1937, à proximité du cimetière paroissial de Heede (Allemagne, Westphalie), près de Hanovre, non loin de la frontière néerlandaise, Maria Ganseforth, treize ans, et sa sœur Greta, onze ans, sortent de l’église où l’on vient de fêter la Toussaint. Soudain, elles aperçoivent à une trentaine de mètres d’elles comme une « lueur »flottant à un mètre du sol, puis une « forme lumineuse » que les fillettes identifient rapidement à une silhouette de femme.
Effrayées, elles rentrent dans l’église à toute vitesse. Là, elles préviennent une camarade de leur âge, Annie Schulte, qui à son tour sort de l’édifice et scrute l’endroit indiqué par Maria et Greta. À son tour, elle voit sans erreur possible la « Vierge à l’Enfant ». La messe solennelle prend fin. Maria et Greta, accompagnées d’Annie et d’Adele Bruns, quinze ans, et de leur sœur Susanna, morte en 1994, décident de retourner vers le cimetière. Parvenue sur les lieux, Maria s’exclame : « Elle est là, entre les deux cyprès ! » Les modalités de ces expériences visuelles sont en tous points semblables à celles des autres apparitions reconnues par l’Église depuis deux mille ans.
Informée des rassemblements autour du cimetière paroissial de Heede, la Gestapo fait irruption sur les lieux le 7 novembre 1937. Elle embarque les fillettes sans ménagement et les conduit à l’hôpital psychiatrique de Göttingen, où elles subissent de terribles pressions pendant un mois. L’évêque de Heede parvient à les arracher à leurs geôliers et à les faire transférer dans un hôpital diocésain, dans lequel elles restent au repos jusqu’au 19 janvier 1938. Libérées, elles reçoivent l’interdictionformelle de retourner sur le lieu des apparitions. Puis, pendant de longs mois, rien ne se passe à Heede. Les jeunes voyantes ont réussi à taire leur aventure. Mais désormais pour elles, rien n’est plus comme avant.
Le 5 avril 1939, Maria, seule, voit la Vierge, tout près d’elle. « J’ai vu la Mère de Dieu directement devant moi, c’est-à-dire à deux mètres de moi environ, et j’ai demandé : "Mère, comment voudrais-tu qu’on t’honore ? — Comme Reine de l’univers et Reine des âmes du purgatoire. — Par quelle prière souhaites-tu être honorée ? — Par les litanies de Lorette." »
Le mois suivant, la Vierge Marie apparaît treize fois, dont deux fois près du cimetière, comme la première fois, et en plein jour (le 6 et le 12). Cette fois, plusieurs fillettes ont l’honneur de voir Marie. Le 12 mai, Greta l’interroge ainsi : « Devons-nous faire venir des malades ? — Pas encore. — Devons-nous venir ici chaque soir ? — Oui. » Ensuite, le nombre de fidèles présents lors des apparitions croît de manière incroyable, dépassant bientôt le chiffre de huit mille. Les 21 janvier et 12 septembre 1940, les fillettes voient à nouveau la Vierge Marie. Le 19 octobre suivant, elles demandent quels malades seront guéris. « Je ne guérirai que ceux qui viendront avec une intention droite », leur répond la Mère de Dieu.
Un « secret » destiné au pape leur est donné : « Vous ne le direz qu’au Saint-Père à Rome ! » Mgr Berning, évêque diocésain, transmettra personnellement ce message, mis dans une enveloppe cachetée, au pape Pie XII.
Le 3 novembre 1940, vers 20 h 30, Marie apparaît pour la dernière fois. Cette fois, elle confie un secret personnel à Maria et à Greta, puis leur annonce : « Maintenant, mes chères enfants, je vous bénis en cet adieu. Restez bonnes et fidèles à Dieu ! Priez souvent et volontiers le rosaire. Au revoir au Ciel. »
Au cours de la guerre, les habitants de Heede se regroupent derrière Notre Dame et s’opposent héroïquement aux nazis. Parallèlement, les fruits spirituels constatés sont nombreux : retours à la pratique religieuse, aide aux plus démunis, conversions subites, dévotion mariale resplendissante, vocations religieuses...
Le 3 février 1943, Mgr Berning adresse un rapport positif au Saint-Siège, puis nomme une nouvelle commission théologique le 7 mars 1946. À la suite de quoi, il autorise les fidèles à placer dans le cimetière paroissial une statue de « Marie, Reine de l’univers », réalisée selon les indications des voyantes. Mais l’enquête va ensuite traîner en longueur. La guerre ravage l’Europe, et mener à bien une enquête canonique dans l’Allemagne nazie comporte bien des dangers. De surcroît, deux membres de la commission (mise sur pied par l’évêque d’Osnabrück) meurent en 1941 et ne sont pas remplacés…
Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, les autorités ecclésiastiques assurent la promotion définitive du sanctuaire marial d’Heede. En 1955, Mgr Wittler, successeur de Mgr Berning, autorise la construction d’un oratoire dans le cimetière paroissial, signe manifeste de son adhésion aux apparitions de Heede. À partir de 1973, l’adoration eucharistique nocturne est organisée le premier samedi de chaque mois dans l’église. Les malades y sont bénis le lundi de Pentecôte. Le 22 août 1977, une nouvelle église dédiée à « Marie, Reine de l’univers » est consacrée à Heede. Enfin, en 2000, Mgr Franz-Josef Hermann Bode, évêque d’Osnabrück, élève les deux églises de Heede au rang de sanctuaires diocésains.
Heede est devenu dès les années 1960 un centre de pèlerinage important dans les pays de langue allemande, et au-delà. Elle le demeure aujourd’hui, attirant des fidèles venus de toute l’Allemagne et des pays limitrophes (Pologne, Autriche, République tchèque, etc.).
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Aller plus loin
Patrick Sbalchiero, « Heede », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007.
En complément
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W. Seegrün, « Heede », Marienlexikon, t. 3, 1991, p. 89-90.
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L’article du site Internet Marypages : « Heede (Germany), Queen of the Universe and Queen of poor souls ».
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Sur le site « Prophéties pour notre temps », plusieurs extraits des messages de la Vierge Marie à Maria et Greta.