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Les martyrs
Italie
Nº 406
Août 257

Tarcisius, martyr de l’Eucharistie (+257)

En 257, l’empereur Valérien, désireux de faire main basse sur les biens de l’Église et des fidèles aisés, publie un édit de persécution contre les chrétiens. En août, alors que le culte catholique est interdit, un jeune homme nommé Tarcisius est lynché via Appia, au sud de Rome, à la sortie d’une messe interdite. Tandis qu’il se fait écharper par une foule en délire, il serre obstinément sur son cœur un objet que nul ne parviendra à lui arracher, et ce ne sera pas faute d’essayer car on le croit en possession d’un trésor. C’en est un, aux yeux des catholiques, car il s’agit d’hosties consacrées que Tarcisius portait à des personnes qui n’avaient pu participer aux saints mystères. En préférant mourir qu’abandonner aux païens le Corps du Christ, le garçon devient le premier martyr de l’Eucharistie.


Les raisons d'y croire

  • Une épitaphe latine d’une demi-douzaine de vers, composée en 367 par le pape Damase, nous renseigne sur Tarcisius. Très soucieux de rendre aux martyrs les honneurs qu’ils méritent, ce souverain pontife, futur saint patron des archéologues, fait procéder à des recherches systématiques sur les lieux de leur sépulture. Il agit avec le plus grand sérieux lors de ces fouilles.

  • La tombe de Tarcisius est découverte dans la catacombe de Calixte, via Appia, dans la salle qui abrite les tombeaux des papes. Il s’agit d’un honneur parcimonieusement accordé à des martyrs dont le témoignage et l’héroïsme ont été remarquables. C’est d’autant plus étonnant que Tarcisius, victime d’une émeute, n’a pas été arrêté et déféré devant un juge et n’a donc pu confesser publiquement sa foi. Le témoignage qu’il a rendu est celui de sa mort par fidélité au Christ présent dans le pain consacré qu’il transportait. Les honneurs inhabituels qui lui ont été accordés soulignent sa foi en la Présence réelle : il donne sa vie pour affirmer que le pain consacré est véritablement le Corps même du Christ.

  • De très nombreux chrétiens, à Rome et ailleurs, vont périr au cours des deux années de la persécution de Valérien. Dans ce contexte difficile, où le culte est interdit et les fidèles qui se font prendre sont promis à une mort violente, souvent sans procès, il est émouvant de constater que la communauté chrétienne continue d’honorer ses martyrs et qu’il existe au moins une tradition orale relatant leur fin – récit dont Damase a recueilli l’essentiel.

  • Dans sa brièveté, l’épitaphe de Damase résume ce que nous savons du jeune homme, des circonstances de sa mort et la raison de son sacrifice. Damase écrit : « […] Comme le vertueux Tarcisius portait le sacrement du Christ, une main impie s’avança pour l’exposer au mépris des profanes, mais il préféra mourir sous les coups que livrer à des chiens enragés les membres célestes. »

  • Le sacrifice de Tarcisius, qui semble aux yeux du monde « mort pour un simple morceau de pain », est le sceau de sa foi dans le mystère de la Présence réelle dans l’Eucharistie – mystère dont l’Église souligne la réalité de façon continue depuis toujours.

  • L’épitaphe donne un résumé du drame parfaitement cohérent, dont les données historiques correspondent à ce que l’on sait du climat de violence de 257, alors que l’exaspération populaire contre les chrétiens, accusés de tous les maux, tenus pour responsables de toutes les catastrophes, est parvenue à un tel degré qu’ils n’ont même plus droit à une arrestation et une comparution conforme au droit et qu’il devient licite de les assassiner en pleine rue.


En savoir plus

Tarcisius, prénom qui signifie « originaire de Tarse », la ville natale de saint Paul, en Asie Mineure, dans la Turquie actuelle, dont sa famille est peut-être lointainement originaire, est passé à la postérité sous les traits émouvants d’un très jeune garçon, à peine sorti de l’enfance. C’est inexact. En fait, il appartient au clergé romain et se destine au sacerdoce ; il a reçu les ordres mineurs, étant acolyte, mot grec voulant dire accompagnateur. Cela signifie qu’il escorte l’évêque lors des cérémonies. Il a donc une vingtaine d’années.

L’édit de persécution promulgué par Valérien en 257 prévoit, dans un premier temps, la mise sous séquestre des biens de l’Église, l’interdiction de culte et de réunion, l’obligation faite au clergé de sacrifier publiquement aux dieux, ce qui équivaut à apostasier. La résistance unanime des chrétiens poussera, l’année suivante, à aggraver ces mesures.

Bien qu’il soit interdit aux chrétiens de se réunir pour célébrer leur culte, le nouveau pape Sixte II se refuse à suspendre la célébration de la messe et replie sa communauté dans les catacombes, cimetières privés souterrains excentrés où l’on célèbre d’ordinaire seulement des obsèques ou des messes d’anniversaire en l’honneur des martyrs qui y reposent. Ces cimetières qui peuvent s’étager sur quatre ou cinq niveaux sont un labyrinthe mal éclairé où la police n’ose entrer. Sixte a fait fermer les entrées principales sur la rue, trop visibles, et installer des issues de secours débouchant dans des jardins privés ou d’anciennes carrières abandonnées, tout comme il a fait murer une partie des escaliers et passages intérieurs.

Si les autorités veulent piéger les chrétiens, il faut donc les guetter dehors. Prêtres et diacres étant identifiés, il est normal que le pape, pour faire porter la communion aux malades, se soit adressé à un jeune clerc encore inconnu des services de police.

La légende veut que Tarcisius ait eu la malchance en sortant de tomber sur un groupe de jeunes de son âge qui le connaissent et lui proposent de disputer une partie de ballon avec eux. Son refus les aurait étonnés au point que, leur curiosité éveillée, ils aient tenté de voir ce que le garçon dissimulait avec tant de précautions. Il est plus probable que Tarcisius soit tombé sur la police et qu’inquiet pour les saintes espèces, il ait pris la fuite.

Dans les deux cas, le résultat est le même : le jeune homme, rattrapé, est tabassé à mort parce qu’il refuse de montrer ce qu’il cache, mais Dieu ne permet pas que son sacrifice soit vain et que les hosties, pour la sauvegarde desquelles il s’est laissé tuer, soient profanées ; aussi restent-elles cachées contre le cœur du martyr, dont les mains inertes ne s’ouvrent pas. Voyant de loin le lynchage, un centurion chrétien est intervenu, mais trop tard pour sauver Tarcisius ; du moins a-t-il pu récupérer son corps et c’est au moment de l’ensevelir que l’on retrouve les hosties, serrées sur son cœur.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au delà

Tarcisius est le patron des premiers communiants, des enfants de chœur, servants et servantes d’autel. C’est son prénom que le jeune martyr de la Cristiada, José-Luis del Rio , avait choisi pour nom de guerre.


Aller plus loin

  • Odile Haumonté, Saint Tarcisius, martyr de l’Eucharistie, Téqui, 2012.


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