
Sainte Marguerite d’Antioche (+305) apparaît à Jeanne d’Arc pour la préparer à sa mission
Sainte Marguerite d’Antioche est une jeune fille qui possède la citoyenneté romaine. Convoitée par un préfet lubrique, elle est manipulée puis torturée, mais elle reste fidèle au Christ et refuse de sacrifier aux dieux romains. Pour symboliser le véritable martyre intérieur qu’elle vécut en prison, on raconte qu’un démon la dévora dans sa cellule. Elle est décapitée lors de la dernière grande persécution de l’Empire romain contre les chrétiens (Dioclétien, 303-305). Cette vierge martyre du IVe siècle est fêtée le 17 juillet en Orient et le 20 juillet en Occident. Un peu plus d’un millénaire plus tard, Marguerite d’Antioche est, avec Catherine d’Alexandrie, l’une des deux saintes qui apparaissent à sainte Jeanne d’Arc .
Les raisons d'y croire
Une partie du récit du martyre de sainte Marguerite d’Antioche, mis en forme au Moyen Âge, est légendaire. Cependant, le récit de Jacques de Voragine est fondé sur des éléments factuels. Les fragments historiques sont identifiés et distincts de la légende qui s’est greffée sur eux.
Devant le tribunal romain, Marguerite n’abjure pas sa foi et refuse de sacrifier aux dieux païens. Marguerite est atrocement torturée, puis emprisonnée longuement avant d’être soumise à d’autres supplices (fouettée nue, brûlée, noyée). Ne fléchissant toujours pas, elle est finalement décapitée.
Sainte Jeanne d’Arc confirme l’existence historique de cette sainte martyre, puisqu’elle témoigne avec force que sainte Marguerite d’Antioche lui apparaît à de nombreuses reprises et pendant plusieurs années. Jeanne entend sa voix et la voit « avec les yeux du corps », comme elle l’explique à son procès.
Marguerite d’Antioche, avec Catherine d’Alexandrie, guide Jeanne à travers la France et l’assiste durant ses campagnes militaires. Selon les dires mêmes de Jeanne, ces deux saintes contribuent de manière décisive à ses victoires. C’est le soutien surnaturel qu’apporte Marguerite d’Antioche à Jeanne qui permet l’histoire extraordinaire de cette humble paysanne qui a sauvé la France.
Jeanne n’accepta jamais de renier la réalité de ces apparitions. Elle les invoqua au milieu des flammes de son bûcher, juste avant de rendre son âme à Dieu.
Que Marguerite d’Antioche apparaisse à Jeanne d’Arc pour l’aider dans sa mission et la préparer à son martyre a vraiment du sens : le martyre de sainte Marguerite et sa lutte intérieure en prison sont semblables sur bien des points à ce que subit Jeanne d’Arc lors de son emprisonnement et de son procès.
Ces apparitions et la relation surnaturelle qui lie Jeanne et Marguerite d’Antioche confirment le dogme de la communion des saints.
En savoir plus
On ne connaît que peu de choses sur sainte Marguerite d’Antioche : un bref récit de son martyre et la date de sa mort, à la fin de l’Empire romain païen. Elle appartenait à une famille noble et était citoyenne romaine. Sur ce qu’elle a vécu, on possède des écrits datant de l’Empire devenu chrétien, rédigés à partir de témoignages réalistes.
Marguerite est née à Antioche. Elle est la fille d’un grand prêtre des dieux païens. Son père lui donne durant son enfance une nourrice qui s’avère être chrétienne. Il n’est évidemment pas question qu’elle soit baptisée enfant mais, quand elle atteint l’âge de raison, elle décide de demander et d’obtenir le baptême. C’est pour son père une grande humiliation et il se met à la haïr. On peut même dire qu’il ne la considère plus comme sa fille. Elle resta alors chez sa nourrice et l’aide dans de menus travaux, comme la garde d’autres enfants.
Un jour, le préfet du lieu, qui s’appelle Olibrius, la remarque parmi ses compagnes et, comme elle est très belle, la convoite et décide d’en faire sa concubine ou, comme elle est de famille noble, son épouse. Il se renseigne sur elle, l’interroge et Marguerite lui répond sans artifices : « Je suis noble de naissance, je suis citoyenne libre et je suis chrétienne de religion. »Le préfet entend ce dernier détail et lui dit : « Les deux premières qualités me conviennent fort. Mais la troisième condition m’étonne : que tu aies pour dieu un bandit crucifié, toi si belle et si noble, c’est absurde. »
Elle lui demande comment il sait que le Christ, son Dieu, a été crucifié. Il lui répond qu’il l’a lu dans les livres des chrétiens. Elle lui explique que, si certains rougissent de son martyre sur la Croix, il doit savoir qu’« il y était allé de sa propre volonté et que, d’autre part, il était ressuscité trois jours plus tard et qu’il avait reçu la gloire éternelle ».
Convoitise et abus de pouvoir
Le préfet Olibrius se rend bien compte de la foi de cette jeune fille et de son adhésion fervente à une religion qui est interdite dans l’Empire. Il fait alors quelque chose qui montre la perversion de son état d’esprit : pour posséder cette jeune fille, il se sert de son pouvoir. Il lui propose comme alternative la gloire et un mariage avec lui, ou la prison, la solitude et la mort si elle lui résiste.
En pleine possession de sa puissance et ne doutant pas de sa capacité à la faire céder, ce préfet au comportement rustre commence sa torture mentale par une nuit de réflexion dans un cachot. Le lendemain, il la convoque et lui dit : « J’ai pitié de ta beauté. Offre donc quelques sacrifices aux dieux et puis sois heureuse avec moi. Ne te comporte pas comme une obstinée. »
Ce à quoi Marguerite lui répondit : « J’adore celui devant lequel la terre tremble et devant qui la mer et toutes les créatures qu’elle contient sont dans la crainte. »C’est qu’elle avait compris que ce préfet méprisait l’humilité du Christ et n’avait d’admiration que pour la puissance des dieux.
Il lui dit : « Si tu ne sacrifies pas maintenant, je te ferai déchirer et tu sacrifieras de gré ou de force. » Marguerite lui répond : « Jésus s’est livré pour moi pour me racheter de mes péchés. Je vais venir mourir pour lui. » Voyant qu’elle ne cède pas, il essaye de briser ainsi sa volonté. Il est convaincu que cette jeune fille ne tiendra pas devant sa puissance. Il la fait fouetter puis, de nouveau, il la fait jeter en prison afin qu’elle réfléchisse.
Les tentations de Marguerite et la nuit de l’esprit
Dans sa cellule se trouvent avec elle des gens pleins de pitié qui pleurent en la voyant si jeune. « Marguerite, nous avons compassion de toi. Comment pourrais-tu ainsi perdre ta jeunesse et ta beauté à cause de ton refus de croire aux dieux ? Mais il est encore temps de vivre. Fais ce que dit le préfet et tu vivras. »Ces prisonniers l’entourent avec une sincère compassion mais, en même temps, ils jouent devant elle sans le savoir le rôle du tentateur. Elle leur répond : « Vous me conseillez mal. Laissez-moi. Ces tourments de la chair sont passagers et leurs fruits seront le salut de mon âme. »
On ne sait pas quels furent ses états d’âme lors de cette longue période de prison, mais on peut les deviner par le récit légendaire qui raconte ceci : « Elle était violemment attaquée par Satan. Elle supplia le Seigneur de l’aider de manière visible. Mais celui qui l’attaquait lui apparut sous forme d’un dragon gigantesque qui s’avançait pour la dévorer. Elle fut prise de terreur, mais elle eut le réflexe de faire le signe de la croix et aussitôt le démon disparut. » Une autre version de cette légende dit ceci : « Le dragon l’avala mais, alors qu’elle était à l’intérieur de son ventre, elle fit le signe de la croix, son ventre s’ouvrit et elle en sortit. » C’est pour cela que les icônes la représentent comme sortant du ventre d’un dragon.
Après des mois passés en prison, Marguerite est convoquée par le préfet en présence de toute une foule : il lui demanda une dernière fois de sacrifier, ce qu’elle refuse avec force. Alors, devant toute la foule assemblée, il la condamne à mort.
Juste avant d’être décapitée, le 20 juillet 305, elle prend la parole. Elle dit en sanglotant qu’« elle priait pour elle-même mais aussi pour tous ceux qui la privaient de la vie. Elle dit qu’elle priait pour tous ceux qui la haïssaient. Elle promit qu’elle intercéderait pour eux depuis le Ciel. » Puis, se tournant vers le bourreau, elle lui dit : « Maintenant, tu peux me frapper. »Et lui, d’un seul coup, sans trembler, lui enlève la vie.
L’apparition de sainte Marguerite d’Antioche à Jeanne d’Arc mille cent ans après sa mort
Au XVe siècle, une jeune fille de douze ou treize ans, qui habite aux frontières de la France, à Vaucouleurs, affirme voir de ses yeux deux saintes, accompagnées de l’archange saint Michel. Elles lui apparaissent pour la préparer à une grande mission. La jeune fille est Jeanne d’Arc et les deux saintes sont Marguerite d’Antioche et Catherine d’Alexandrie, mortes pratiquement la même année.
Sainte Marguerite a vécu un martyre dont on peut reconstituer les grandes lignes en considérant les états d’âme de sainte Jeanne d’Arc : comme elle, elle a vécu durant des mois la prison, enfermée dans un cachot humide, puis a été jugée et condamnée.
Mais, portée par l’Esprit Saint durant son procès et sa condamnation, Jeanne tient tête aux plus éminents savants de son temps, qui veulent sa mort mais ne peuvent la piéger sur rien. La parole de Jésus est parfaitement réalisée : « Quand on vous traînera devant les tribunaux, souvenez-vous que vous n’avez pas à préparer votre défense, car il vous sera donné une sagesse que personne ne pourra contrer » ( Luc 21,14-15 ).
Mise en regard des martyres de Marguerite et de Jeanne
L’histoire de sainte Jeanne d’Arc permet de comprendre le sens spirituel du combat avec le dragon de Marguerite. Sainte Marguerite d’Antioche ne vécut pas comme une épreuve légère son enfermement en prison et les menaces terribles de son bourreau. Au contraire, son âme en fut considérablement atteinte non seulement par l’injustice qu’elle subissait, mais aussi par les attaques réelles de l’ange révolté qui essayait de briser son âme. On peut trouver injuste qu’elle ait vécu un tel martyre mais, comme Jeanne d’Arc, son âme fut ainsi purifiée de tout reste d’attachement à elle-même. Son âme, éprouvée par la tentation, fut rendue simple et humble de manière à ce qu’elle puisse entrer directement après sa mort dans la vision béatifique.
En regardant avec précision le martyre de sainte Jeanne d’Arc, on voit le Ciel agir de la même façon : elle est entourée de tout côté, persécutée par ses juges, et ses « voix » (dont sainte Marguerite d’Antioche) ne se manifestent pas durant six mois, la laissant affronter seule ses bourreaux. La veille de sa mort, sainte Marguerite d’Antioche se montre de nouveau à elle et Jeanne lui demande, pleine d’espoir : « Vais-je être délivrée ? » Ce à quoi sainte Marguerite lui répond : « Oui, et par grande victoire ! » Le lendemain, elle est brûlée vive et les gens qui la voient passer vers son martyre l’entendent crier le nom de Jésus. Ils en ont les larmes aux yeux. Sainte Marguerite lui a-t-elle menti ? Non, elle l’a au contraire préparée au même martyre qu’elle a vécu elle-même et qui aboutit à une victoire éternelle bien plus grande que si le roi Charles VII l’avait rachetée à prix d’or.
Agrégé en sciences religieuses en Belgique, Arnaud Dumouch fonde en 2015 avec l’abbé Henri Ganty l’Institut Docteur Angélique , qui donne sur Internet la totalité d’une formation diplômante en philosophie et théologie catholique, dans la ligne de l’herméneutique de la continuité de Benoît XVI.
Au delà
L’histoire de sainte Marguerite d’Antioche est ancienne, mais elle est confirmée par l’héroïsme de nombreuses jeunes filles chrétiennes des XIXe et XXe siècles. En effet, des histoires analogues ont été vécues dans les nouvelles chrétientés, comme celles de la Corée, du Japon ou de la Chine, dont les autorités politiques se comportaient de manière semblable à celles de l’Empire romain.
Aller plus loin
La vidéo d’Arnaud Dumouch : « La vie de sainte Marguerite d’Antioche, qui apparut à Jeanne d’Arc ».
En complément
Les deux vidéos d’Arnaud Dumouch sur la vie de sainte Jeanne d’Arc : « Sa vocation et ses combats (1412 – 1431) » (ses combats matériels illustrent les combats de nos âmes pour la vie éternelle) et « Son martyre et son exaltation au Ciel (1412 – 1431) » (comment expliquer l’épreuve finale de Jeanne, le silence de Dieu, le mystère de notre présence sur terre et de la kénose).
La vidéo d’Arnaud Dumouch : « Pourquoi Dieu permet-il la nuit de l’esprit dans la sixième demeure ? ».
Le retable du XVe siècle, du peintre « Maître des ronds de Cobourg », représentant sainte Marguerite d’Antioche, conservé au musée des Beaux-Arts de Dijon. Les volets intérieurs illustrent la vie de sainte Marguerite. La partie centrale du retable n’a pas été retrouvée et devait être la représentation en pied de la sainte.
Jean-Baptiste Roussot, Les Deux Voix de sainte Jeanne d´Arc, sainte Catherine d´Alexandrie, sainte Marguerite d´Antioche, Éditions Résiac, 2006.
L’article 1 000 raisons de croire : « Jeanne d’Arc, "la plus belle histoire du monde" ».