
Les confidences du Ciel à la bergère du Laus (1664-1718)
En mai 1664, la Vierge Marie tenant l’Enfant Jésus apparaît à Benoîte Rencurel, bergère illettrée de dix-sept ans, près du hameau du Laus, entre Gap et Barcelonnette. « Dame Marie » se manifestera jusqu’à la mort de la voyante, le 25 décembre 1718, faisant du lieu un célèbre pèlerinage, reconnu officiellement par l’Église catholique en 2008. Guérisons miraculeuses, paix, conversions, confessions : le sanctuaire ne cesse d’attirer, et le nombre des pèlerins du Laus a continué d’augmenter : on compte 120 000 personnes en 1666 et plus de 200 000 actuellement.
Les raisons d'y croire
Les récits des quatre chroniqueurs des faits sont contemporains des apparitions et forment un corpus de 1 800 pages relatant les cinquante premières années du Laus. Ces auteurs sont des témoins de grande valeur : avocat au parlement de Grenoble, docteur en théologie, aumônier du roi de France…
La question de l’équilibre mental de Benoîte ne se pose pas : aucun écrit ni aucune source d’aucune sorte ne fait mention d’un quelconque trouble psychologique. Elle n’a rien d’une illuminée ni d’une mythomane : elle est connue de tous pour son courage et son désintéressement. C’est un modèle de partage et d’humilité.
On imagine mal Benoîte, jeune analphabète, sans réseau ni appuis, avoir inventé une telle histoire.
Du printemps au mois de décembre 1665, soixante et un miracles de guérisons inexpliquées sont enregistrés, consignés et contrôlés sur le lieu de l’apparition. La guérison inexpliquée de Lucrèce Souchon a notamment été authentifiée par l’évêque de Gap en 1720.
Les parfums du Laus sont perçus sur les lieux des apparitions depuis 1665 par des milliers de personnes, croyants et agnostiques confondus. Les recherches scientifiques entreprises spécifiquement à ce sujet n’ont jamais réussi à expliquer leur origine ou leur composition.
La première enquête, menée en septembre 1665, et la seconde, réalisée en décembre 1671, aboutissent toutes deux à une conclusion positive. Le jansénisme de cette époque était pourtant fortement défavorable à l’idée même d’apparition. Après la prudence qui est requise vis-à-vis de ce genre de phénomène, le clergé diocésain prend fait et cause pour Benoîte, et le chantier de l’église du sanctuaire débute.
Interrogée du 28 mai au 8 juin 1670, chaque après-midi, par le vicaire général du diocèse et des jésuites, la voyante ne varie pas d’un iota dans son témoignage. Le 4 décembre 1671, Mgr Charles de Genlis, évêque diocésain, interroge à nouveau Benoîte pendant plus de trois heures et demie « avec une grande sévérité » : il est définitivement convaincu de l’authenticité des faits. En effet, durant les cinquante-trois années qui ont séparé la première apparition de la mort de la voyante, jamais celle-ci ne s’est rétractée ou contredite sur un seul point.
Dès 1666, Benoîte devient religieuse. Elle sera fidèle à ses vœux jusqu’à sa mort et mène une existence en tout point exemplaire. Elle est déclarée servante de Dieu le 7 septembre 1871, sa cause de béatification est ouverte en 1971, et l’héroïcité de ses vertus est reconnue le 3 avril 2009.
Les fruits des apparitions mariales sont réels, nombreux et durables : multiplication du nombre des pèlerins, conversions, guérisons miraculeuses, vocations religieuses, etc. Le 4 mai 2008, l’Église catholique a définitivement reconnu l’origine surnaturelle des apparitions.
Outre les apparitions mariales, d’autres phénomènes mystiques jalonnant la vie de Benoîte sont constatés par maints de ses contemporains : visions du Christ en croix, extases, « mort mystique » chaque vendredi, sévices diaboliques corporels, etc.
On peut citer par exemple les douze jours que Benoîte passa à Embrun en 1670 : les gens chargés de surveiller la jeune fille jour et nuit attestent noir sur blanc ne l’avoir jamais vu absorber la moindre nourriture ni bu un verre d’eau pendant son séjour, sans qu’elle en semble affectée.
En savoir plus
Un jour de mai 1664, Benoîte Rencurel, bergère illettrée de dix-sept ans, fille de Guillaume Rencurel et Catherine Matheron, garde ses moutons dans le vallon des Fours, entre Gap et Barcelonnette, dans l’actuel département des Hautes-Alpes. Pieuse, elle récite son chapelet aussi souvent qu’elle le peut.
Soudain, elle aperçoit quelque chose d’inhabituel dans une petite grotte : une lumière magnifique qui ne peut être celle du soleil. Elle s’approche et découvre au centre de la nuée lumineuse une « belle dame » qui tient un enfant par la main. L’apparition est d’une beauté sidérante : elle porte une couronne et son visage est si lumineux qu’elle peine à discerner ses traits. Une conversation s’engage : « Belle dame, que faites-vous là-haut ? » Et la bergère de lui offrir la moitié de son goûter ! La femme mystérieuse a gardé le silence.
Les jours suivants, le phénomène se reproduit. Pendant trois mois, chaque jour, au même endroit, Marie se montre à la bergère, jusqu’à ce qu’elle lui révèle enfin son identité céleste. Dans un premier temps, Benoîte ne raconte à personne ce qu’elle a vu. Puis elle avoue l’affaire à l’agriculteur qui l’emploie, qui de son côté divulgue le secret au curé du Laus. Dès août 1664, François Grimaud, avocat au parlement de Grenoble, se rend au Laus pour interroger Benoîte. Il est rapidement convaincu de l’authenticité des faits.
Le 29 août 1664, le curé de Saint-Etienne d’Avançon organise un premier pèlerinage au lieu des apparitions. Plusieurs dizaines de personnes assistent à une apparition et sont élues pour voir Benoîte en extase. Le 29 septembre suivant, Notre Dame apparaît sur l’autre versant de la vallée et informe que, désormais, elle se montrera à Benoîte dans un petit oratoire en ruines « où flottent de suaves odeurs ». C’est le commencement des célèbres fragrances du Laus car, dès le lendemain, Benoîte découvre sur la colline du Laus un minuscule oratoire menaçant ruine, dédié à Notre Dame de Bon-Rencontre. La Mère de Dieu apparaît à côté d’elle, sur l’autel de plâtre, à droite du tabernacle. Marie lui dit qu’un jour une grande église sera bâtie à la place de l’oratoire, pour la conversion des pécheurs. Benoîte ne comprend pas comment une telle réalisation pourrait voir le jour, sans argent ni aide.
Pendant cinquante-trois ans, presque chaque jour, Marie va apparaître à Benoîte en ce lieu retiré. Les premières guérisons inexpliquées sont consignées, comme celle de Catherine Vial, vingt-deux ans, dans la nuit du 28 au 19 avril 1665, d’une paralysie des jambes vieille de six ans. On observe que la plupart de ces guérisons surviennent après que les malades ont appliqué sur leur corps un peu d’huile du sanctuaire servant à alimenter la lampe près du tabernacle.
En septembre 1665, Antoine Lambert, vicaire général d’Embrun, le père jésuite Gérard et le chanoine Bounnafous mènent une enquête en ne perdant jamais de vue la voyante. C’est l’époque où le sanctuaire connaît un essor continuel. On s’y rend de toute la région et bientôt d’au-delà. En 1667, une « épidémie de fausses apparitions » à travers le Dauphiné est dénoncée par le clergé : Lourdes connaîtra en 1858 un phénomène analogue dans les communes entourant le sanctuaire pyrénéen.
En décembre 1671, une nouvelle investigation est menée par l’évêque de Gap, Mgr Charles de Genlis, François Grimaud, futur procureur du roi, l’abbé Jean Peytieu, docteur en théologie, et l’abbé Pierre Gaillard. Leurs conclusions, positives, entérinent les observations de septembre 1665 comme celles du printemps 1670(séjour de Benoîte à Embrun, durant lequel elle est interrogée chaque jour pendant trois heures).
Les expériences mystiques de Benoîte sont régulières. Le 7 juillet 1673, elle voit le Christ en croix qui lui dit « Ma fille, je me fais voir en cet état afin que vous participiez aux douleurs de ma passion. » Désormais, chaque semaine jusqu’en 1684, du jeudi (vers 16 heures) au samedi 9 heures, Benoîte va revivre la Passion du Seigneur, physiquement et moralement.
Plus rien n’arrêtera le succès du Laus. De son côté, Benoîte mène une vie très édifiante, accueillant les pèlerins avec une disponibilité incroyable, partageant avec les pauvres et les malades le peu que lui laisse un ascétisme rigoureux. Guérisons miraculeuses, paix, conversions, confessions, extases de la voyante : le sanctuaire ne cesse d’attirer. Peu avant 1670, le vieil oratoire est remplacé par une nouvelle église. À cette date, la vie du sanctuaire et l’accueil des pèlerins sont déjà une réalité. En 1712, le sanctuaire est confié aux pères de Sainte-Garde et, au siècle des Lumières, les lieux ne pâtissent pas de la déchristianisation. L’érection de l’église du sanctuaire en basilique mineure en 1892 par le pape Léon XIII consacre ce lieu où le Ciel a parlé à une bergère illettrée.
Patrick Sbalchiero
Au delà
Bien que la reconnaissance officielle des apparitions ne soit proclamée que le 4 mai 2008 par Mgr Jean-Michel Di Falco, en présence du nonce apostolique en France et d’une trentaine de cardinaux et évêques, le Laus est devenu « le plus puissant sanctuaire d’Europe » (Jean Guitton), dès avant la mort de Benoîte, en 1718.
Aller plus loin
Charles Matheron, Recueil historique des merveilles que Dieu a opérées à Notre-Dame du Laus, près Gap en Dauphiné, par l’intercession de la Sainte Vierge ; une édition de 1736 est disponible en ligne .
En complément
Collectif, La Basilique de Notre-Dame du Laus, Gap, Éditions des Alpes, 2005.
René Humetz, Enquête sur les parfums de Notre-Dame du Laus, Sarment, Le Jubilé, 2008.
Les articles de l’encyclopédie mariale en lien avec Le Laus : les apparitions , la voyante , les guérisons , les enseignements .
L’article du site Internet Notre Historie avec Marie : « Notre-Dame du Laus, terre de réconciliation pour les pécheurs depuis 350 ans ».