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Histoires providentielles
Nanterre et Paris
Nº 200
420-512

Les prédictions et protections de Germain d’Auxerre pour sainte Geneviève (446)

Septembre 429 : en route pour la Grande-Bretagne, les évêques d’Auxerre, Germain, et de Troyes, Loup , font halte à Nanterre. Severus, le principal notable de la ville, ancien officier de cavalerie d’origine franque, son épouse et leur fille unique Geneviève, âgée de sept ans, sont présents pour les accueillir. En voyant l’enfant, Germain s’écrie : « Heureux parents dont l’enfant sera tenue en vénération. Sachez qu’il y eut grande fête au Ciel à sa naissance ! » Puis il demande à la fillette si elle veut consacrer sa virginité à Dieu. Geneviève répond que c’est son vœu le plus cher. Le lendemain, il lui impose les mains, puis lui donne ce conseil étonnant : « Va, ma fille, et conduis-toi en homme ! »

En 446, Germain revoit Geneviève, installée à Paris depuis la mort de ses parents, et qui a repris le poste de conseiller municipal de son père. Bien qu’elle mène une vie édifiante, elle est calomniée car elle suit trop bien la directive de Germain et se mêle d’affaires réservées aux hommes. Germain annonce alors que Dieu se servira d’elle pour sauver la ville d’un grand danger. La prophétie se réalise au printemps 451, lorsque Attila et ses Huns menacent d’assiéger et de détruire Paris, dont la population veut fuir. Geneviève s’y oppose. On va la tuer pour la faire taire lorsque, de l’autre monde, Germain, mort en 448, se manifeste.


Les raisons d'y croire

  • La Vie de sainte Geneviève, qui relate les rencontres de la jeune fille et de l’évêque d’Auxerre, a incontestablement été écrite quinze ans seulement après la mort de Geneviève, en 512, alors que de nombreux témoins étaient encore en vie et pouvaient relever des erreurs ou exagérations. Tout ce qu’elle contient est historiquement cohérent et crédible.

  • Germain, né à Auxerre vers 378, a été l’une des premières personnalités de son temps. Il exerce de hautes fonctions, civiles et militaires d’abord, puis religieuses, quand, en 418, il devient évêque d’Auxerre, ce qui ne l’empêche pas de continuer à exercer des commandements sur le champ de bataille. C’est donc un homme rationnel qui ne se monte pas la tête.

  • On ne peut imaginer une mise en scène préparée d’avance. Germain n’a jamais vu Geneviève et, s’il cherchait à faire jouer un rôle à quelqu’un dans son propre intérêt, Geneviève n’était pas la meilleure personne à choisir : il eut été préférable de ne pas choisir une si jeune fille, de surcroît d’origine barbare par son père.

  • Germain est mort à Ravenne, en Italie, lors d’un séjour à la cour impériale, le 31 juillet 448. Il est étonnant qu’il ait pensé, sur son lit de mort, à cette jeune fille qu’il connaissait à peine, et qu’il ait voulu lui envoyer une marque posthume de son estime et sa protection. Il est également providentiel que son messager, qui a mis plus de deux ans avant de se rendre à Paris pour remettre le présent de son défunt évêque à sa destinatrice, soit arrivé à l’instant où les Parisiens, paniqués, prêts à tout pour quitter leur ville menacée, allaient tuer Geneviève parce qu’elle s’opposait à leur fuite, lui sauvant la vie.

  • En discernant le surprenant avenir de la fillette, en la mettant sur le devant de la scène et en la protégeant, même après sa mort, Germain permet à Geneviève d’avoir une incidence sur le cours de l’Histoire. Elle réussit à imposer ses vues lors de l’invasion hunnique, mettant un coup d’arrêt définitif au danger que représentaient ces Barbares.

  • Les prophéties de Germain accomplies, sa protégée Geneviève devient une personnalité religieuse et politique en mesure d’influer sur les événements et de jouer un rôle, notamment dans la conversion de Clovis.


En savoir plus

Alors qu’il se rend en Grande-Bretagne, l’évêque Germain d’Auxerre, lors d’une halte à Nanterre, a la révélation de la sainteté de la fille de ses hôtes et, malgré le jeune âge de celle-ci, la reçoit parmi les vierges consacrées, lui donnant peut-être le statut de diaconesse, ministère féminin propre à l’Église primitive et disparu ensuite.

Après la mort de ses parents, Geneviève s’installe à Paris. Ayant hérité, car la charge est héréditaire, non élective, de la place de décurion de son père – équivalent d’un adjoint au maire –, elle siège au conseil municipal, ce qui agace bien des gens. Par ailleurs, elle réunit autour d’elle les femmes de la ville pour les catéchiser et, en possession de la fortune familiale, la distribue en larges aumônes. Elle réunit autour d’elle des jeunes filles qui partagent son engagement de vie consacrée. Tombée très malade, elle connaît, semble-t-il, une expérience de mort imminente et visite l’au-delà. Guérie, elle ose faire état de ce qu’elle a vu, prêchant en public et s’aliénant les autorités civiles et religieuses, qui lui reprochent de ne pas se tenir à la place réservée aux femmes, en quoi elle suit une consigne donnée par Germain : « Age viriliter », c’est-à-dire « Conduis-toi en homme. »

S’ensuit une campagne de calomnies, que l’arrivée inopinée de Germain à Paris arrête net, car il prend sa défense et révèle sa sainteté, ses jeûnes, ses pénitences et annonce qu’un jour viendra où la ville lui devra sa survie. C’est la dernière fois que l’évêque et Geneviève se revoient en ce monde, puisque Germain meurt en 448 lors d’un déplacement à Ravenne, alors capitale impériale.

Sur son lit de mort, il charge un prêtre de son entourage, une fois rentré en Gaule, d’apporter à Geneviève des eulogies, c’est-à-dire des objets bénis par ses soins en souvenir de lui. On ne sait pas pourquoi le messager ne s’acquitte de sa tâche qu’en mai 451, alors que les hordes d’Attila, après avoir pillé et incendié Metz, assiègent Orléans et menacent Paris, dont les habitants veulent fuir. Geneviève s’y oppose, leur assurant que les Huns épargneront la ville, et que le sort de la Gaule et de l’Occident dépend de leur résistance, car elle laissera au patrice Aetius le temps de rassembler des troupes et venir à leur secours. Les hommes refusent de croire celle qu’ils appellent « la Barbare » – à cause des origines de son père – et s’apprêtent à la tuer parce qu’elle tente de convaincre les femmes de rester. C’est alors que le messager de Germain arrive à Paris et rappelle la prophétie de son évêque concernant Geneviève, destinée un jour à sauver Paris. La jeune femme est épargnée et Attila, qui ne veut pas perdre de temps à assiéger une si petite ville, prend un autre chemin, donnant raison aux prédictions de Geneviève, qui exercera dès lors une influence déterminante sur les choix politiques et stratégiques des Parisiens.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Au delà

Même si la voie du sacerdoce lui a été imposée plus qu’il ne l’a choisie, Germain ne triche pas avec Dieu et s’applique à devenir un évêque pieux, renonçant à sa vie d’avant et ses plaisirs pour se sanctifier, au point qu’on lui attribue plusieurs miracles et des dons de prophétie qu’il manifeste notamment lors de ses rencontres avec Geneviève.


Aller plus loin

Constance de Lyon, Vie de saint Germain d’Auxerre, Le Cerf, 1965.


En complément

  • Mgr Louis Prunel, Saint Germain d’Auxerre, Lecoffre, 1929.

  • Jean-Pierre Soisson, Saint Germain d’Auxerre, Éditions du Rocher, 2011.

  • Anonyme, Vie de sainte Geneviève, VIe siècle.

  • Emmanuel Bourassin, Sainte Geneviève, Éditions du Rocher, 1997.

  • Joël Schmidt, Sainte Geneviève et la fin de la Gaule romaine, Perrin, 1987.

  • La série de vidéo du diocèse de Paris sur la vie de sainte Geneviève, en particulier «  La vocation de Geneviève  ».

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