
Première lecture
Mon fils, accueille mes paroles, conserve précieusement mes préceptes, l’oreille attentive à la sagesse, le cœur incliné vers la raison. Oui, si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la recherches comme l’argent, si tu creuses comme un chercheur de trésor, alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras la connaissance de Dieu. Car c’est le Seigneur qui donne la sagesse ; connaissance et raison sortent de sa bouche. Il réserve aux hommes droits la réussite : pour qui marche dans l’intégrité, il est un bouclier, gardien des sentiers du droit, veillant sur le chemin de ses fidèles. Alors tu comprendras la justice, le jugement, la droiture, seuls sentiers qui mènent au bonheur.
Psaume
Je bénirai le Seigneur en tout temps.
Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête !
Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre.
Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses.
L’ange du Seigneur campe alentour pour libérer ceux qui le craignent. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge !
Saints du Seigneur, adorez-le : rien ne manque à ceux qui le craignent. Des riches ont tout perdu, ils ont faim ; qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia.
En ce temps-là, Pierre prit la parole et dit à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre : quelle sera donc notre part ? » Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté,à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle. »
Méditer avec les carmes
Le jeune homme riche vient de s’éloigner, tout triste.
Il était venu s’enquérir de la vie éternelle, et Jésus lui a suggéré : « Va, vends tout ce que tu possèdes ; puis viens, et suis-moi ». C’était trop pour lui, et Jésus commente : « Un riche entrera difficilement dans le Royaume des cieux ».
Les disciples ont été « très impressionnés », dit l’Évangile. Ils ont fait sans doute le lien entre les sacrifices proposés à ce jeune homme et leur propre aventure à la suite du Maître. Depuis plusieurs mois, maintenant, le bureau de Matthieu est fermé ; dans le petit port de Capharnaüm les barques de Simon sont à quai, et au fond des barques les filets ont séché.
« Eh bien, dit Pierre, nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi ! Qu’en sera-t-il donc pour nous ? (littéralement : Qu’y aura-t-il pour nous ?) »
Question profondément humaine...
Tout être humain a besoin de se projeter dans un avenir prévisible, et donc un peu maîtrisable. Chacun veut pouvoir appuyer son espérance sur quelques prévisions, et Pierre, sans marchander son adhésion, voudrait quand même avoir un minimum d’assurances.
Mais Jésus n’en donne aucune à Pierre pour le temps présent. Il évoque le monde nouveau, le renouvellement de toutes choses, « la nouvelle genèse, palingénèsia« . Alors, mais alors seulement, les Apôtres auront part à la seigneurie universelle du Ressuscité ; ils siégeront avec lui pour gouverner (« juger ») les tribus innombrables des sauvés.
Puis Jésus embrasse d’un seul regard, bien au-delà des Douze, tous ceux qui auront fait le pas et auront renoncé à tout pour le suivre. Beaucoup d’hommes et de femmes, en effet, vont accepter ce que le jeune homme riche a refusé. Ils vont quitter la maison, qui est le cadre du bonheur, des terres, c’est-à-dire un travail apaisant, et la sécurité pour les jours à venir, un père et une mère, c’est-à-dire le passé familial et, pour chacun, ses racines vivantes en ce monde, des frères et des sœurs, c’est-à-dire un premier cercle d’affection et de confiance, base et modèle pour d’autres réseaux de relations amicales, des enfants, enfin, qui sont les fruits d’un amour, et l’assurance, pour longtemps, d’une tendresse partagée.
À l’appel de Jésus, ils auront renoncé à tout cela. En échange, qu’y aura-t-il pour eux ?
« Ils recevront beaucoup plus », dit Jésus ; beaucoup plus « maintenant, en ce temps-ci », précise l’Évangile de Marc. Et ce « maintenant » nous pose question.
Où trouver ce « plus » ? Où le repérer, comment le mesurer ?
Face aux sécurités bien tangibles que nous avons quittées pour suivre le Seigneur, les joies du « surplus » paraissent souvent peu évidentes et peu sensibles ! À certaines heures de la vie consacrée, nous percevons surtout l’ampleur des sacrifices consentis, et la tentation nous vient de nous accrocher de nouveau à des œuvres rentables, à un épanouissement personnel ou à des relations gratifiantes pour le cœur.
Jusqu’au jour où, par grâce, nous prenons conscience que nous faisons fausse route en visant l’avoir, le pouvoir, le faire-valoir, parce que Dieu nous offre beaucoup mieux : un supplément d’être.
De loin en loin, en revenant sur une tranche de vie, et en prenant le temps de rendre grâces, nous découvrons que nous avons grandi, à notre insu, en liberté intérieure, parce que nous avons perdu toute fièvre, parce que nous avons lâché tout besoin de nous comparer, parce que nous avons renoncé à toute hâte, pour nous plier avec joie aux lenteurs de Dieu.
Nous avons trouvé une source plus pure de bonheur, du jour où nous avons choisi non pas d’être portés, mais de porter, non pas d’être valorisés, mas de mettre les autres en valeur, non pas d’occuper l’espace, mais de sanctifier le temps. Nous nous sommes rapprochés du cœur de Dieu en rejoignant un peu sa passion de faire vivre, en nous efforçant de comprendre pour mieux pardonner, et en laissant l’Esprit Saint ouvrir notre cœur à la compassion.
C’est ainsi, les mains chaque jour un peu plus vides, que nous nous préparons à l’héritage, à la vie éternelle.