
Première lecture
L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur.
Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. Comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations.
Psaume
Mon âme exulte en mon Dieu.
Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour
Deuxième lecture
Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, Celui qui vous appelle : tout cela, il le fera.
Évangile
Alléluia. Alléluia. L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia.
Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. » Ils lui demandèrent : « Alors qu’en est-il ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Je ne le suis pas. – Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »
Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.
Méditer avec les carmes
Si nous faisons abstraction du long Prologue, nous avons là le début de l’Évangile selon saint Jean. Le premier jour, le Baptiste témoigne sur lui-même, et dit ce qu’il n’est pas. Le deuxième jour, son témoignage concernera Jésus ; le troisième jour, enfin, Jean-Baptiste enverra ses propres disciples suivre Jésus.
Nous retrouvons ainsi la même progression que dans le Prologue, où il était dit, à propos du Baptiste, qu’il n’était pas la lumière, qu’il devait rendre témoignage à la lumière, et que par lui tous devaient venir à la foi.
L’Évangile aujourd’hui nous rapporte donc le tout premier témoignage du Baptiste. Puisqu’il se permet de baptiser, on lui envoie de Jérusalem des spécialistes en matière de purification, des prêtres et des lévites. « Qui es-tu ? », demandent les émissaires, c’est-à-dire : « Quel rôle revendiques-tu ? » Et Jean de répondre, en quelque sorte : « Je ne m’identifie avec aucun des personnages eschatologiques que vous avez en tête. »
À l’époque de Jésus, vous le savez, une majorité de Juifs attendaient un Messie royal, fils de David ; mais certains escomptaient une intervention directe de Dieu, sans Messie terrestre. D’autres reportaient toutes leurs espérances sur le Fils de l’Homme décrit par Daniel. Enfin les Esséniens de Qumran attendaient pour la fin des temps à la fois un prophète, un messie-roi et un messie-prêtre.
On comprend la perplexité des autorités de Jérusalem ! En baptisant, Jean faisait œuvre eschatologique ; son message annonçait l’intervention de Dieu ; les foules commençaient à affluer vers lui. De plus son terrain d’action n’était guère éloigné du centre essénien de la Mer Morte, et Jérusalem se méfiait toujours des Esséniens...
À l’enquête, Jean répond clairement : « Je ne suis pas le Messie, le roi messianique que beaucoup attendent ». Et il ajoute : « Je ne suis pas Élie ». Depuis le retour de l’exil, en effet, on s’attendait qu’Élie revienne, avant le Jour du Seigneur, pour appeler une dernière fois les hommes à la conversion. Or Jean portait le même manteau qu’Élie, et la rudesse de son message rappelait celle de l’ancien prophète. Mais Jean est catégorique : il n’est pas Élie, et il n’a pas conscience d’en remplir le rôle. De fait, c’est Jésus qui, dans l’Évangile de Matthieu (11, 14) identifie Jean-Baptiste à Élie, et la théologie des premiers chrétiens a bien situé Jean de la même manière : pour elle, Jean-Baptiste a rempli par rapport à Jésus la mission prévue pour Élie lors de la venue du Seigneur.
Mais les enquêteurs insistent : « Es-tu le Prophète ? » Dans leur esprit, il s’agit d’un prophète « tel que Moïse », dont la tradition juive lisait l’annonce dans le Deutéronome (18, 15). Jean ne se reconnaît pas non plus dans ce personnage trop glorieux.
À ses propres yeux, il n’est qu’une voix. Non pas un visage bien typé, ni un des héros attendu par Israël, mais rien qu’une voix dans le désert, qui crie inlassablement : « Aplanissez le chemin du Seigneur ! » C’était déjà le message du prophète de la consolation d’Israël : il fallait préparer une route toute droite pour le Seigneur, qui allait marcher à la tête de son peuple et le ramener de Babylone. Mais cette fois le peuple est immobile, esclave sur place, dans son propre pays, de son propre péché ; et c’est Dieu seul qui marche et qui vient.
Dans notre monde contemporain, écrasé par tant de servitudes, dans l’Église d’aujourd’hui, qui trouve si difficilement les chemins de la vraie liberté, le témoin de Jésus, lui non plus, ne revendique pas une mission de prestige. Il n’est qu’une voix, mais une voix qu’on peut entendre encore parce que c’est la voix du désert, une voix qui redit inlassablement, de la part de Dieu, en ce temps de crise, c’est-à-dire de discernement et de décision : « Consolez, consolez mon peuple. Préparez la route. Voici votre Dieu ! »
Oui, Dieu vient ; il est déjà là en son Fils, et toute la mission du baptisé, confirmé dans l’Esprit, est de rendre témoignage à ce Messie, caché au cœur de notre histoire, et de redire, avec l’humilité mais aussi avec l’insistance du Précurseur : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ! »