
Première lecture
Crie de joie, femme stérile, toi qui n’as pas enfanté ; jubile, éclate en cris de joie, toi qui n’as pas connu les douleurs ! Car les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de l’épouse, – dit le Seigneur. Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! Car tu vas te répandre au nord et au midi. Ta descendance dépossédera les nations, elle peuplera des villes désertées. Ne crains pas, tu ne connaîtras plus la honte ; ne tiens pas compte des outrages, tu n’auras plus à rougir, tu oublieras la honte de ta jeunesse, tu ne te rappelleras plus le déshonneur de ton veuvage. Car ton époux, c’est Celui qui t’a faite, son nom est « Le Seigneur de l’univers ». Ton rédempteur, c’est le Saint d’Israël, il s’appelle « Dieu de toute la terre ». Oui, comme une femme abandonnée, accablée, le Seigneur te rappelle. Est-ce qu’on rejette la femme de sa jeunesse ? – dit ton Dieu. Un court instant, je t’avais abandonnée, mais dans ma grande tendresse, je te ramènerai. Quand ma colère a débordé, un instant, je t’avais caché ma face. Mais dans mon éternelle fidélité, je te montre ma tendresse, – dit le Seigneur, ton rédempteur. Je ferai comme au temps de Noé, quand j’ai juré que les eaux ne submergeraient plus la terre : de même, je jure de ne plus m’irriter contre toi, et de ne plus te menacer. Même si les montagnes s’écartaient, si les collines s’ébranlaient, ma fidélité ne s’écarterait pas de toi, mon alliance de paix ne serait pas ébranlée, – dit le Seigneur, qui te montre sa tendresse.
Psaume
Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé.
Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. Quand j’ai crié vers toi, tu m’as guéri. Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais à la fosse.
Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles, rendez grâce en rappelant son nom très saint. Sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie ; avec le soir, viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie.
Et j’ai crié vers toi, Seigneur, j’ai supplié mon Dieu. Tu as changé mon deuil en une danse, que sans fin, Seigneur, mon Dieu, je te rende grâce !
Évangile
Alléluia, Alléluia.
Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu.
Alléluia.
Après le départ des messagers de Jean, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un homme habillé de vêtements raffinés ? Mais ceux qui portent des vêtements somptueux et qui vivent dans le luxe sont dans les palais royaux. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis ; et bien plus qu’un prophète ! C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. Tout le peuple qui a écouté Jean, y compris les publicains, en recevant de lui le baptême, a reconnu que Dieu était juste. Mais les pharisiens et les docteurs de la Loi, en ne recevant pas son baptême, ont rejeté le dessein que Dieu avait sur eux. »
Méditer avec les carmes
Les disciples de Jean le Baptiste ne sont pas tous passés à Jésus durant son ministère, et après la Résurrection un certain nombre d’entre eux ne se sont pas ralliés à la jeune Église, par fidélité au charisme du Baptiste qui les avait subjugués. Quand la catéchèse chrétienne se développa dans les diverses communautés, les auteurs d’évangiles rapportèrent avec soin les épisodes de la vie publique qui mettaient en scène à la fois Jésus et le Baptiste, d’une part pour affirmer délicatement la supériorité du Messie sur son Précurseur, et en même temps pour tendre une main fraternelle à ces frères qui n’avaient pas encore franchi le pas de la foi au Christ.
C’est ainsi que nous lisons successivement, dans l’évangile de Luc comme dans celui de Matthieu, le témoignage que Jésus se rend à lui-même devant des envoyés du Baptiste, puis le témoignage de Jésus concernant le Baptiste, deux pièces essentielles pour nourrir le dialogue entre les disciples des deux maîtres.
L’estime profonde et l’amitié de Jésus pour le Baptiste ressortent admirablement de l’épisode. Dès que les envoyés de Jean sont repartis, Jésus se met à dire aux foules au sujet de Jean, comme s’il attendait depuis longtemps cette occasion : « Qu’êtes vous allés contempler au désert ? Un roseau agité par le vent ? Un homme vêtu d’habits délicats ? » - Non : les roseaux serviles, prêts à s’incliner au moindre coup de vent, ne croissent pas dans le désert, mais dans les méandres du Jourdain ; et les hommes amollis par le luxe ne se sentent bien que dans les palais. Jean, au contraire, est un homme qui n’a jamais plié, et qui a choisi une vie rude pour mieux servir le message. Il est de la trempe des prophètes, il est de leur lignée ; mais en même temps il les dépasse par la mission qui lui est confiée, car il est l’ultime messager, qui déjà ouvre la route à l’Envoyé de Dieu.
Et Jésus de conclure : « Je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en est pas de plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui ». Personnellement Jean est bien le plus grand, mais il appartient encore au temps des préparations ; Jésus, lui, en accomplissant les promesses, inaugure un temps nouveau et instaure à la fois de nouvelles urgences et une nouvelle échelle des valeurs.
Le désert continue de fasciner les disciples de Jésus comme autrefois les admirateurs du Baptiste : désert de la solitude, désert du silence, désert où tombent les faux besoins ; et Jésus, pour authentifier notre désir, nous interroge à notre tour sur cette fascination.
Que sommes-nous venus chercher dans le désert du Carmel ?
Sûrement pas l’agitation, ni cette fièvre de nouveauté, de loisirs et de consommation qui fatiguent, dans notre monde, les nerfs et les cœurs. Nous avons revêtu, non plus les caprices de la mode, mais la livrée toute simple de ceux et de celles qui ont renoncé à paraître.
Et pourquoi cette austérité joyeuse, pourquoi cet adieu à tout ce qui nous valorisait aux yeux du monde ? Parce que Jésus a voulu pour nous une existence prophétique ; parce que Jésus nous envoie au-devant de lui pour préparer son chemin dans le cœur des hommes ; parce qu’il nous a donné comme moyen d’action l’offrande silencieuse de notre amour et de notre fidélité.
Désormais c’est lui et lui seul qui nous valorise. Ce que nous sommes, nous ne le regardons pas dans le miroir des autres, ni même dans le miroir de notre propre cœur, mais dans le regard du Père sur nous, qui nous identifie à son Fils, et dans le regard de Jésus qui nous rend fils du Père.
Désormais Dieu seul assure notre bonheur et la fécondité de notre vie : « Ton époux, c’est ton créateur,’Seigneur de l’univers’est son nom. Ton rédempteur, ton go’el, c’est le Dieu saint d’Israël ; il se nomme Dieu de toute la terre ».
Désormais rien ni personne ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous porte en son Fils Jésus. Rien, même pas nos misères, même pas les limites de notre cœur ni les lourdeurs de notre vie.