
Première lecture
Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher. Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour construire. Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour gémir, et un temps pour danser. Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les amasser ; un temps pour s’étreindre, et un temps pour s’abstenir. Un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter. Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler. Un temps pour aimer, et un temps pour ne pas aimer ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
Quel profit le travailleur retire-t-il de toute la peine qu’il prend ? J’ai vu la besogne que Dieu impose aux fils d’Adam pour les tenir en haleine. Toutes les choses que Dieu a faites sont bonnes en leur temps. Dieu a mis toute la durée du temps dans l’esprit de l’homme, mais celui-ci est incapable d’embrasser l’œuvre que Dieu a faite du début jusqu’à la fin.
Psaume
Béni soit le Seigneur, mon rocher !
Béni soit le Seigneur, mon rocher ! Il est mon allié, ma forteresse, ma citadelle, celui qui me libère ; il est le bouclier qui m’abrite,
Qu’est-ce que l’homme, pour que tu le connaisses, Seigneur, le fils d’un homme, pour que tu comptes avec lui ? L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont une ombre qui passe.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Le Fils de l’homme est venu pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.
Alléluia.
En ce jour-là, Jésus était en prière à l’écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Au dire des foules, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean le Baptiste ; mais pour d’autres, Élie ; et pour d’autres, un prophète d’autrefois qui serait ressuscité. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Pierre prit la parole et dit : « Le Christ, le Messie de Dieu. » Mais Jésus, avec autorité, leur défendit vivement de le dire à personne, et déclara : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Méditer avec les carmes
Ce jour-là Jésus a perçu, dans sa prière, que le moment était venu de poser aux disciples la question décisive : « Pour vous, qui suis-je ? ». Question capitale pour nous également ; et puisque Jésus nous parle réellement quand sa parole est proclamée dans la liturgie, nous avons à entendre, personnellement et communautairement, son interrogation. C’est un moment de lucidité et de courage, mais qui peut être très pacifiant et source de joie.
« Toi, que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? »
Aujourd’hui, en ce début de journée ; aujourd’hui, en ce tournant de tes trente ans, de tes quarante, de tes quatre-vingts ans, pour toi, qui suis-je ? Que je sois dans ta vie, que je sois venu t’appeler, qu’est-ce que cela change à ton regard sur les événements et les personnes ? Qu’est-ce que cela crée dans ton cœur ? Quel cheminement cela ouvre-t-il ? Quel élan cela suscite-t-il ?
De fait, happés que nous sommes par le quotidien, nous en venons parfois à oublier au nom de qui nous l’assumons, pour l’amour de qui nous avons à l’offrir. La fascination du Seigneur Jésus a été assez puissante pour nous ramener à lui après des moments d’infidélité : faut-il croire que notre amour s’est refroidi ou banalisé pour que nous éprouvions tant de difficulté à chasser la tristesse, à trouver le bonheur dans l’oubli de nous-mêmes, à valoriser notre vie toute simple par une référence constante aux Béatitudes ?
Quand nous quittons Jésus du regard, l’aventure spirituelle n’offre plus que son versant aride, et nous sommes tentés de perdre cœur, alors que nous avons, tout près, à portée de prière, à portée de confiance, le Seigneur de notre appel qui n’a rien renié de son amour.
« Pour vous, qui suis-je ? », dit Jésus. Et à sa question il attend aussi une réponse communautaire. Il nous faut saisir et redire bien souvent ce que Jésus est pour nous, tous ensemble : le Sauveur qui nous a réunis ; sinon la force des soucis et le poids de la vie commune nous amèneront à vivre comme un échec la fraternité que Jésus vient chaque jour nourrir et fortifier.
La foi seule, il est vrai, nous dit que là où le Christ est vivant, rien n’est plus quelconque dans la vie partagée par les sœurs.
La foi nous convainc qu’ensemble les sœurs expriment le Corps du Christ et donnent un visage à l’Église.
La foi nous affirme qu’une communauté vit, dans le Christ, un mystère qui dépasse les réalités visibles et mesurables, et que ce mystère est en route, même si, à cause des pesanteurs de l’existence, les sœurs perdent l’élan chacune à son tour.
Comment pourraient-elles laisser s’évaporer de la maison fraternelle le parfum de la joie, celles qui se savent aimées par le même Seigneur, appelées d’une même parole, en route vers la même gloire auprès de Dieu ? Rien ne les séparera de l’amour du Christ, de l’amour du Père manifesté dans le Christ, ni les épreuves de santé, ni les incertitudes, ni la gêne des différences de tempérament, ni même les chutes et les blessures de la route, car en dépit de toutes les fatigues et de toutes les maladresses, toutes appartiennent pour la vie au grand Vivant.
Le point d’arrimage de leur espérance, le seul qui résiste aux bourrasques communautaires, le seul auquel chacune peut s’ancrer, c’est le Christ lui-même qui édifie son Corps, et qui est pour toujours la Tête et le guide.
C’est lui qui bâtit le Temple spirituel avec d’humbles pierres ; et à toutes il donne de rester vivantes.