
Première lecture
En ces jours-là, le Seigneur descendit dans la nuée pour parler avec Moïse. Il prit une part de l’esprit qui reposait sur celui-ci, et le mit sur les 70 anciens. Dès que l’esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais cela ne dura pas.
Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; eux aussi avaient été choisis, mais ils ne s’étaient pas rendus à la Tente, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! » Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ! »
Psaume
Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur.
La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples.
La crainte qu’il inspire est pure, elle est là pour toujours ; les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables.
Aussi ton serviteur en est illuminé ; à les garder, il trouve son profit. Qui peut discerner ses erreurs ? Purifie-moi de celles qui m’échappent.
Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil : qu’il n’ait sur moi aucune emprise. Alors je serai sans reproche, pur d’un grand péché.
Deuxième lecture
Vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices, et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre. Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous oppose de résistance.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Ta parole, Seigneur, est vérité ; dans cette vérité, sanctifie-nous. Alléluia.
En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds. Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »
Méditer avec les carmes
Arrêtons-nous quelques instants sur la question posée par Jean, le fougueux, l’exclusif, l’homme d’un seul maître, et sur la réponse de Jésus.
« En ton nom » signifie, d’après le sens de l’hébreu : « En se référant à toi ». À l’époque, les exorcistes conjuraient les démons « au nom » de Yahweh, de Salomon, le modèle des guérisseurs et des exorcistes, au nom des démons eux-mêmes ou des exorcistes célèbres. Dès lors, pourquoi pas au nom de Jésus ? Tous le savent déjà : dans le nom de Jésus toute la puissance (divine) est présente ; le nom de Jésus est porteur de puissance, de force libératrice.
Mais ces exorcistes n’appartiennent pas au cercle des disciples qui ont reçu « force et puissance sur les démons ». Les Apôtres, et Jean en particulier, réagissent avec l’étroitesse des privilégiés, comme des propriétaires de l’appel de Jésus, et comme pour canaliser la puissance de Dieu, pour circonscrire d’avance le champ de sa miséricorde : « Il ne nous suit pas ! ». Luc dit même : « Il ne suit pas avec nous ! ».
La réponse de Jésus essaie d’inculquer aux disciples la tolérance. Elle situe à trois niveaux : moi – nous – vous.
1) Jésus fait d’abord une constatation d’expérience : faire un miracle en mon nom, ce n’est pas mal parler de moi.
2) Puis le Maître énonce une maxime générale, qui regarde cette fois la communauté chrétienne, dont Jésus est solidaire. Et il dit : « nous ». « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». C’est particulièrement vrai en temps de persécution.
3) Jésus propose un exemple concret, qui confirme la maxime générale. Il s’agit de « vous », cette fois. Et la parole de Jésus est assortie d’une promesse solennelle : « Amen ! », qui réaffirme la fidélité de Dieu envers ceux qui le servent.
Le verre d’eau, c’est l’ABC de l’hospitalité en pays chaud, mais le donner à un chrétien parce que chrétien, ou bien que chrétien, surtout en période de persécutions, c’est mériter l’amitié de Jésus.
Le verre d’eau n’est pas grand chose. Mais le motif pour lequel on le donne est important : peu de chose est nécessaire pour avoir droit à la reconnaissance du Christ !
À l’intolérance des Apôtres s’oppose donc l’accueil universel de Jésus. Les disciples voulaient s’en prendre à ceux qui ne suivaient que de loin, et de l’extérieur. Jésus au contraire prend pour lui le moindre verre d’eau donné à un chrétien, même par un homme très extérieur à la communauté, même si le donateur ne se réfère que de très loin à Celui que les chrétiens révèrent.
La parole de Jésus nous rejoint aisément, à notre époque où tant d’allergies, intellectuelles, sociales, politiques, opposent les hommes, et même les chrétiens.
Ce n’est pas rien, pour un homme, que de se référer au Christ, même si sa motivation reste tant soit peu intéressée, même si son approche du Christ demeure ambiguë, même s’il est encore à mi-chemin de la foi explicite.
Et rien ne permet de le prendre pour un ennemi du Règne de Dieu.
Bien des hommes et des femmes, tout en rejetant notre témoignage ou même notre amitié, gardent au fond du cœur une admiration sans bornes pour Jésus et une secrète espérance en lui.
Bien des hommes de bonne volonté font reculer la haine ou le malheur dans le monde, pour un idéal qu’ils ne savent pas encore nommer.
Nombre de jeunes, encore éloignés de l’Église, redécouvrent en Jésus une raison de vivre.
Sommes-nous prompts à relever l’imprécision de leur recherche, à dénoncer des dangers d’amalgame, ou au contraire à deviner l’étincelle de foi, ou l’Esprit Saint qui œuvre de manière invisible ?
C’est un test que Jésus aujourd’hui nous propose, le test de la largeur de notre cœur et de notre esprit œcuménique. Sommes nous des disciples sans frontières, sans barrières, sans œillères ?
Sommes-nous des chrétiens tous azimuths ?
Sommes-nous, en famille ou en communauté, patients envers ceux qui cherchent ?
Savons-nous voir le cœur au-delà des mots maladroits ?
Savons-nous deviner l’amour profond au-delà des attitudes raides ou désinvoltes ?
Il est des hommes qui suivent le Christ, même si ce n’est pas avec nous, même si ce n’est plus avec nous et pas tout à fait comme nous. Dieu connaît les siens, et l’Esprit, lui, s’y retrouve.
C’est sans doute ce que Jésus, ce jour-là, a voulu dire.