
Première lecture
En ces jours-là, le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront ; celui qui te maudira, je le réprouverai. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth s’en alla avec lui.
Psaume
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi !
Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ; la terre est remplie de son amour.
Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine.
Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !
Deuxième lecture
Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile.
Évangile
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Méditer avec les carmes
L’Église nous propose aujourd’hui, un récit déroutant, tout centré sur la personne et la mission du Christ, un récit qui nous place directement devant le mystère du Fils de Dieu fait homme, et qui nous invite à reculer encore l’horizon de notre foi, à renouveler les perspectives de notre espérance.
Pourquoi Jésus a-t-il voulu pour trois de ses apôtres cette expérience bouleversante de la transfiguration ? – pour leur révéler, semble-t-il, des aspects cachés et proprement divins de sa personne.
Il laisse transparaître pour un instant la gloire qui l’habite, c’est-à-dire une densité de vie et un éclat de sainteté qui n’appartiennent qu’à Dieu. Mais, toujours soucieux de parler aux hommes dans leur langage, Jésus révèle cette gloire par des signes que ses trois apôtres puissent reconnaître et interpréter : le resplendissement du visage et la blancheur des vêtements.
Par ailleurs l’apparition, à ses côtés, de Moïse et d’Élie souligne la continuité de sa propre mission avec celle des deux grands témoins de Yahweh :
l’Alliance qu’il a conclue avec son peuple grâce à Moïse, Dieu la renouvelle directement par la médiation de son Fils ;
le Règne de Dieu promis pendant des siècles par les prophètes successeurs d’Élie, Dieu l’inaugure par la présence de son Fils dans le monde.
Mais s’il y a bien continuité dans le dessein de Dieu, Jésus apporte une nouveauté absolue.
C’est ce que Pierre, d’abord, n’a pas compris, puisqu’il voulait dresser trois tentes, comme s’il pouvait encore mettre sur un même pied Moïse, Élie et le propre Fils de Dieu !
Aussi la voix de Dieu se fait-elle entendre comme au jour du baptême de Jésus, pour révéler solennellement sa personne et la tâche dont Dieu l’a chargé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu. Écoutez-le ! » Non pas : « Écoutez-les », mais : « Écoutez-le« . C’est lui qu’il faut écouter maintenant, plus encore que Moïse, plus encore qu’Élie et les prophètes. Les grandes figures du passé d’Israël doivent s’effacer devant ce Fils unique qui vient « raconter » dans le monde le Père que personne n’a jamais vu (ekeinos éxègèsato, Jn 1, 18).
Ainsi la Transfiguration, en soulevant le voile du mystère de Jésus, vise à fortifier la foi des disciples en l’Envoyé de Dieu.
De plus, elle prend place entre deux annonces de la Passion prochaine, comme pour prévenir chez les disciples le scandale devant la mort de Jésus. Quand ils verront leur Messie crucifié, ils pourront se souvenir de la majesté qui, ce jour-là, rayonnait de son visage, et quand l’événement de Pâques aura dessillé leurs yeux et réveillé leur foi, ils seront prêts à reconnaître dans le Ressuscité le Transfiguré de la montagne.
C’est pourquoi Jésus leur recommande d’attendre pour comprendre toute la portée de la Transfiguration : « En descendant de la montagne il leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de cette vision avant que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts ».
Quant à nous, qui n’avons vu ni le visage de gloire ni le visage de chair du Fils de Dieu, nous accueillons le message de la Transfiguration comme un stimulant pour notre vie « dans la foi au Christ qui s’est livré pour nous ».
Notre lot, c’est de retrouver chaque jour Jésus seul. Jésus seul, parce que désormais c’est à travers lui que nous rejoignons « la Loi et les prophètes ». Jésus seul, également, parce que nous accueillons Jésus sans les signes de la gloire.
À vrai dire, même si le visage du Christ ne nous apparaît pas extérieurement transfiguré, Dieu lui-même prend soin de l’illuminer dans notre cœur. Nous n’étions pas sur la sainte montagne, mais nous recevons chaque jour une révélation plus inouïe encore : le témoignage de la Résurrection, transmis par l’Église dans l’Évangile, « l’Évangile de la gloire du Christ » (2 Co 4, 4). C’est cette bonne nouvelle que l’Esprit Paraclet réveille et actualise à l’intime de nous-mêmes, pour nous conduire à la vérité tout entière.
Jésus, transfiguré éternellement dans la gloire du Père, ne dévoile pas sa gloire à nos yeux de chair, mais nous tous, désormais, parce que Dieu « illumine les yeux de notre cœur » (E 1, 18), nous guettons son visage en scrutant sa parole.
« Nous tous, le visage découvert, nous réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur ressuscité, et nous sommes transfigurés (métamorphoumetha, 2 Co3, 18) à son image, en son image, de gloire en gloire, parce qu’il nous donne la gloire que Dieu lui a donnée.
Nous sommes transfigurés, métamorphosés, dit saint Paul, non pas dans notre corps, qui reste un corps de misère, mais dans notre être profond de fils et de filles de Dieu, transfigurés progressivement à l’image du Fils ; or sa gloire, à lui, c’est justement d’être Fils, et c’est dans sa gloire de Fils que nous entrons déjà par la foi et l’amour, c’est cette gloire du Fils qui prend peu à peu possession de nous, en attendant les cieux nouveaux et la terre nouvelle où notre corps ressuscité vibrera à l’unisson de la gloire du Fils de Dieu.
Quand sous nos yeux se déroule la passion de l’Église, quand l’épreuve traverse notre propre vie, « comme il nous est bon d’être là », par la prière, là où vit notre Sauveur, comme il nous est bon de rejoindre par la foi la présence en nous, invisible, insensible, impalpable, de la gloire de Jésus !