
Première lecture
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.
Il y avait un lévite originaire de Chypre, Joseph, surnommé Barnabé par les Apôtres, ce qui se traduit : « homme du réconfort ». Il vendit un champ qu’il possédait et en apporta l’argent qu’il déposa aux pieds des Apôtres.
Psaume
Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence.
Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force.
Et la terre tient bon, inébranlable ; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es.
Tes volontés sont vraiment immuables : la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps.
Évangile
Alléluia. Alléluia. Il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout croyant ait la vie éternelle. Alléluia.
En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : Il vous faut naître d’en haut. Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. » Nicodème reprit : « Comment cela peut-il se faire ? » Jésus lui répondit : « Tu es un maître qui enseigne Israël et tu ne connais pas ces choses-là ? Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel ? Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. »
Méditer avec les carmes
Nicodème a fait le pas ; et c’est méritoire.
Membre très écouté du Sanhédrin, pharisien de renom, il fait autorité en Israël. Lui, l’expert dans l’étude de la Torah, est impressionné par les signes que Jésus accomplit, et il a reconnu en lui un maître authentique venu de la part de Dieu. Déjà il se sent disciple de Jésus, mais « disciple en secret » (19, 38), car il a peur de la rumeur publique, peur que sa démarche ne le compromette aux yeux de ses pairs. C’est pourquoi il est venu de nuit trouver Jésus, pas encore très hardi, mais fasciné par la lumière.
Quelles questions voulait-il poser ? Nous le devinons seulement à partir des paroles que Jésus lui adresse en prenant les devants : Nicodème désire entrer dans le Règne de Dieu. Mais Jésus, qui annonce ce Règne, ne vient pas de Dieu au sens où Nicodème l’entend, comme un homme simplement approuvé par Dieu. Il est descendu d’auprès de Dieu parce qu’il est né de Dieu et ne fait qu’un avec son Père. Toute vie commence en Dieu, toute initiative vient de Dieu, et cela reste vrai, au niveau de la foi, pour tout croyant : un homme ne peut « voir » le Règne de Dieu que s’il est engendré par le Père céleste, engendré de l’eau et de l’Esprit.
Nicodème s’étonne et achoppe. Lui, qui pourtant est maître en Israël et dispose de toute une science léguée par tradition, se trouve devant des perspectives entièrement nouvelles.
À vrai dire Nicodème pouvait rejoindre en partie la pensée de Jésus. En effet, déjà dans l’Ancien Testament on trouve le don de l’Esprit plusieurs fois associé à l’intervention décisive de Dieu dans l’histoire du monde. « Je répandrai mon Esprit sur toute chair », annonce le Seigneur dans Joël (3, 1-2), et Dieu précise, en Ézéchiel (36, 25s), unissant les deux thèmes de l’eau et de l’Esprit : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, (. .) je mettrai en vous mon Esprit ». Nicodème pouvait donc comprendre au moins ceci : Jésus proclame l’arrivée des temps nouveaux, puisque les hommes vont recevoir l’Esprit.
Malgré ces lumières partielles, les paroles de Jésus demeurent étranges pour ce pharisien sympathisant. Être engendré d’en haut, être engendré de Dieu, comment comprendre cela ?
Jésus, dans sa réponse, vient au devant du malaise de Nicodème : il n’y a pas à s’étonner que la nouvelle naissance grâce à l’Esprit Saint soit mystérieuse. L’homme peut constater en lui-même les fruits de l’Esprit de Dieu sans savoir quand ni comment il agit. Déjà, à un niveau plus humble, la nature nous laisse souvent devant des questions sans réponse immédiate : « Quand l’homme jette du grain en terre, lisons-nous en saint Marc, qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment » (Mc 4, 27). Et Jésus répond ici à Nicodème dans le même sens : « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit ».
Le secret qui entoure l’action de l’Esprit rejoint d’ailleurs le mystère de Jésus, Fils de Dieu présent parmi les hommes. Jésus dira, en effet, à ses adversaires pharisiens : « Bien que je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est valable, parce que je sais d’où je suis venu et où je vais, mais vous, vous ne savez pas d’où je viens ni où je vais » (8, 14).
C’est d’auprès du Père que Jésus est venu dans le monde, et c’est auprès de lui qu’il remontera. Ce qu’il était dans le ciel, et ce qu’il sera dans la gloire, éclaire ce qu’il a fait et dit parmi nous. La raison de tout mystère est à chercher dans la gloire auprès de Dieu ; c’est pourquoi Jésus ajoute : « Si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la terre, comment croirez-vous quand je vous dirai les choses du ciel ? »
Il va annoncer, en effet, des choses de Dieu plus merveilleuses encore. Jusque là il s’agissait encore de « choses terrestres », du chemin à prendre sur terre pour voir le Règne de Dieu, ou de la naissance de chaque homme ici-bas dans l’eau et par l’Esprit. Comment répondra Nicodème, comment réagiront tous les croyants, lorsque Jésus parlera des « choses célestes », qui le concernent, lui, le propre Fils de Dieu ?
Et Jésus donne deux exemples : - Lui, et lui seul, est descendu du ciel pour nous parler de Dieu, et lui, le premier, ouvrira le chemin de la gloire : il montera au ciel ; - Mais auparavant (et c’est là un secret qui dépasse tellement les perspectives humaines !), avant d’être élevé par Dieu auprès de lui dans le ciel, il sera élevé par les hommes sur le bois de la croix.
Ces choses du ciel, il nous faut les entendre, car elles éclairent pour nous ce que nous faisons sur terre. Ces choses qui nous disent le cœur de Dieu apportent paix et lumière à nos cœurs d’hommes. Elles nous paraissent à certains jours lointaines et irréelles, comme une naissance impossible ; mais elles sont plus vraies, plus urgentes, plus définitives que tout ce qui passe par nos mains ou par notre esprit.
C’est par ces choses du ciel que nous entrons chaque jour dans la vie de Dieu.