Avec Marie, passer du goût de la mort à la vie

La liturgie du Jeudi Saint révèle en Marie la médiatrice qui nous fait passer de la Passion du Christ à sa Résurrection, incarnant ainsi le passage de la mort à la vie éternelle. En contemplant son rôle unique dans le mystère pascal, nous sommes invités à accueillir avec foi la victoire du Christ et à grandir dans une spiritualité d’union vivante à sa vie glorieuse.


La liturgie du Jeudi Saint commence par évoquer l’Exode, l’agneau pascal immolé avant la sortie d’Égypte et la traversée de la mer rouge.

Ce rappel de l’Exode donne tout son sens à l’immolation du Christ.

La Passion n’est pas un simple supplice, une simple exécution après un faux procès, ce n’est pas un malheureux destin.

Il s’agit d’un sacrifice pascal, d’un Exode, d’un passage.

Le sacrifice de Jésus, nouvel Agneau pascal, protège le peuple entier et lui donne de sortir de l’esclavage, non plus l’esclavage égyptien mais l’esclavage de Satan et de ses séductions.

Il s’agit de traverser non plus la mer rouge mais la mort, pour passer à la vie éternelle et à la Résurrection.

La mère de Jésus, immaculée, est celle qui épouse parfaitement ce mouvement pascal, avec elle nous passerons sans retard du vendredi au dimanche, de la croix à la résurrection, de la tristesse à la joie, de la mort à la vie.

Aimer le Christ en sa plénitude, c’est le suivre jusqu’à la Résurrection.

Dans son commentaire du Cantique des Cantiques, Origène parle d’une âme parfaite qui entraîne les autres, les jeunes filles adolescentes. L’âme parfaite (ce pourrait être Marie) aime l’époux en sa « plénitude »[1]. Qu’est-ce que sa « plénitude » si ce n’est sa Pâque, son élévation au Ciel et sa dimension ecclésiale. L’âme parfaite « n’a rien de mort, rien d’insensible dans sa gorge »[2] : elle a le goût de vivre, elle perçoit que le Christ est le grand vivant, toujours, et elle aime le Christ en sa passion d’une charité vraiment divine, une charité qui aime la vie éternelle même dans l’abaissement du Christ. Seule cette âme aime vraiment le Christ en sa victoire sur la mort, car ses sens spirituels sont transparents à la communion avec la vie divine. Elle désire la vie en plénitude avec le Christ glorifié.

Au contraire, les jeunes filles adolescentes aiment le Christ en son abaissement, son Incarnation, sa passion, elles ne pourraient pas percevoir et aimer le Christ en sa plénitude parce qu’elles auraient encore une complaisance pour la mort, une affinité avec la mort ou parce qu’elles aiment en son abaissement et en sa passion un reflet de ce qui en elles est mort ou corruptible, ce qui revient à dire que les sens de leurs âmes sont encore en mauvais état, elles ont besoin d’être fortifiées « pour la vie » par le parfum du Christ.[3]

Or l’âme parfaite entraîne les autres. Le rôle de l’âme parfaite dans la vie spirituelle des jeunes filles, en particulier dans leur attachement au Ressuscité, éclaire l’importance d’une spiritualité d’union à Marie pour l’avancement spirituel, en particulier pour recevoir les grâces de la Résurrection.

Marie nous oriente vers la résurrection.

La dédicace du samedi à Marie dans la liturgie a commencé à l’époque carolingienne, et a nourri la méditation durant le Moyen Âge :

  • De même que le samedi est la porte qui introduit le dimanche, Marie a été la porte par laquelle le Christ est entré dans le monde.

  • De même que le samedi est le jour situé entre le vendredi, douloureux, et le dimanche, joyeux : sans le traverser, on ne peut pas passer de la peine à la gloire, Marie est ainsi située entre nous, vivants sur la terre d’exil, et le Christ glorieux déjà dans le ciel. Il y a donc une conscience de la fonction médiatrice de Marie. (Cette fonction médiatrice peut être interprétée par le rôle de l’âme parfaite chez Origène – n’oublions pas qu’Origène était considéré comme un docteur marial au Moyen Âge[4].)

  • Le samedi, le Christ languissait dans le sépulcre et les apôtres, incrédules et découragés, s’étaient cachés « par peur des Juifs » (Jn 20,19), la foi de l’Église se concentra, tout entière, en Marie ; donc chaque samedi est la mémoire de la Vierge qui croit et qui attend la Résurrection du Fils.[5]

Dans cette tradition, se tourner vers Marie, et, comme dirait saint Louis-Marie de Montfort, « cultiver Marie l’arbre de vie »[6], c’est donc s’unir à sa foi qui croit et qui attend la Résurrection du Fils.

Passer de la peine à la gloire n’a jamais été facile : les êtres humains dans la peine ont tendance à se replier sur eux-mêmes, il est donc nécessaire de « cultiver l’arbre de vie qui est Marie », c’est-à-dire communier à la grâce de l’ouverture de Marie, et accueillir toute chose nouvelle.


[1] ORIGÈNE, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, op. cit., Livre I, 4,29 ; Tome I, p. 239 [2] ORIGÈNE, op. cit., Livre III, 5, 20 ; Tome II, p. 537 [3] ORIGÈNE, op. cit., Livre I, 4,26 ; Tome I, p. 237 [4] H. CROUZEL, Origène, Homélies sur Luc, SC 87 Le Cerf, Paris 1962, Introduction, p. 11 [5] Ignazio CALABUIG, Il culto di Maria in occidente, dans A.J. CHUPUNGCO (ed) Pontificio Istituto Liturgico sant’Anselmo. Scientia Liturgica, vol. V, Piemme, Casale Monferrato 1998, p. 342 [6] Saint Louis Marie de Montfort, Le Secret de Marie § 68-78 ; Traité de la vraie dévotion § 164.


F. Breynaert

Cf. F. Breynaert,

L’arbre de vie, symbole central de la spiritualité de Saint Louis-Marie de Montfort,

Parole et silence, Paris 2006. p. 250-252

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