L'école française de spiritualité et la consécration à Jésus par Marie
La consécration à Dieu par Marie, fondée sur le mystère de l’Incarnation, nous invite à vivre une union profonde avec Jésus en nous confiant pleinement à sa Mère, véritable arbre de vie qui porte en son sein le fruit de salut. Saint Louis-Marie de Montfort révèle ainsi que se consacrer à Marie, c’est entrer dans le mystère pascal, renouveler les promesses du baptême et s’engager sur le chemin d’une vie transformée par l’amour et la dépendance filiale à la Très Sainte Vierge.
Notre consécration à Dieu par Marie vient de l'Incarnation.
L'Incarnation, c'est le mystère du Verbe qui se fait homme : le Fils de Dieu devient Fils de l'homme.
Pour saint Louis-Marie de Montfort, le mystère de l'Incarnation est le « propre mystère » (VD 243) de sa voie spirituelle, il le porte en lui comme une source intérieure jaillissante :
« O Sagesse éternelle et incarnée ! O très aimable Jésus, vrai Dieu et vrai homme, Fils unique du Père éternel et de Marie toujours vierge ! » (ASE 223).
L'Incarnation dépend non seulement de Dieu, mais aussi de la mère de Jésus, de Marie, de son Oui. C'est pourquoi Montfort continue sa prière par
« la Consécration de soi-même à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, par les mains de Marie » (ASE 225).
Par l'Incarnation, pour toujours désormais, le Fils du Père est établi dans « l'état » de « Fils de Marie », et Marie elle-même dans « l'état », de « Mère de Jésus »[1]. Les « actions » passent, mais les « états » sont permanents et gardent pour nous toute leur force salvifique (leur « vertu »). La dépendance de Jésus par rapport à Marie devient le fondement de sa voie spirituelle de saint Louis-Marie de Montfort. Se confier à Marie, dépendre d'elle, se livrer à elle, c'est imiter Jésus[2], et imiter la très Sainte Trinité qui a voulu dépendre de Marie pour l'Incarnation (VD 140).
Une image pour comprendre encore mieux.
L'image de l'arbre de vie est très parlante :
D'un simple point de vue humain, l'arbre évoque bien notre vie : nous avons une mémoire comme des racines dans le sol, un contact avec le réel, la terre. Et puis notre croissance, physique et spirituelle, est lente. Comme l'arbre est orienté vers le soleil, nous pourrions dire : tout en moi est orienté vers la vie et vers la lumière. Comme les branches accueillent les oiseaux, nos bras sont faits pour s'ouvrir aux autres.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort explique qu'en me consacrant à Dieu par Marie, c'est comme si un arbre grandissait en moi, Marie l'arbre de vie, planté dans nos cœurs par le saint Esprit. Cet arbre s'élève vers le Père des lumières, et porte pour fruit Jésus. De même que l'arbre attire les oiseaux, le corps mystique se rassemble de manière vivante autour du croyant qui a trouvé son centre, en Marie l'arbre de vie qui est au centre du jardin de la création...
Ainsi donc, une autre manière de dire la consécration, c'est que je suis habité(e) par l'Immaculée, l'arbre de vie. Marie donne le fruit de vie, et ce fruit est Jésus (SM 78). C'est un mystère qui demande donc du temps : un arbre grandit lentement.
Notre consécration à Dieu par Marie vient du mystère pascal.
Marie était près de Jésus en croix (Jn 19,25-27). Offrant son innocence comme témoignage à la sienne. Jésus la regarda, il la vit souffrant avec lui. Dans la création rebelle, elle, du moins, était toute à lui. En la personne du disciple bien-aimé (Jean), Jésus nous la donna : « Voici ta Mère ». Montfort répond au don de Jésus en s'offrant à la sollicitude maternelle de Marie :
« Je l'ai mille et une fois prise pour tout mon bien avec saint Jean l'Évangéliste, au pied de la croix et je me suis autant de fois donné à elle ; mais si je ne l'ai pas encore bien fait selon vos désirs, mon cher Jésus, je le fais maintenant comme vous le voulez que je fasse ; et si vous voyez en mon âme et mon corps quelque chose qui n'appartienne pas à cette auguste princesse, je vous prie de me l'arracher et de le jeter loin de moi, puisque, n'étant pas à Marie, il est indigne de vous. » (SM 66)
La consécration à Dieu par Marie est une union à la mort et la résurrection de Jésus :
« Souvenez-vous qu'on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide : c'est-à-dire qu'il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie. » (VD 221).
Fondre le vieil Adam et devenir le nouveau, c'est le baptême (Rm 5-6) dans la mort et la Résurrection.
Le mystère pascal et le baptême dépendent de l'Incarnation, donc de Marie.
Le fait de se tourner vers Marie, en conduisant au cœur du mystère de l'incarnation, conduit au cœur de l'efficacité du baptême. Le mystère pascal et le baptême sont efficaces parce que Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Saint Louis-Marie de Montfort a pris l'idée d'un jeu de mot sur "esclave" chez saint Paul (Rm 6, 19-22)[3] :
« Avant le baptême, nous étions esclaves du diable ; le baptême nous a rendus esclaves de Jésus-Christ : ou il faut que les chrétiens soient esclaves du diable, ou esclaves de Jésus-Christ. » (VD 73)
Et il indique la place de Marie dans notre baptême :
« Toute notre perfection consistant à être conformes, unis et consacrés à Jésus-Christ, la plus parfaite de toutes les dévotions est sans difficulté celle qui nous conforme, unit et consacre le plus parfaitement à Jésus-Christ.
Or, Marie étant la plus conforme à Jésus-Christ de toutes les créatures, il s'ensuit que, de toutes les dévotions, celle qui consacre et conforme le plus une âme à Notre-Seigneur, est la dévotion à la Très Vierge, sa Mère, et que plus une âme sera consacrée à Marie, plus elle le sera à Jésus-Christ.
C'est pourquoi la parfaite consécration à Jésus-Christ n'est autre chose qu'une parfaite et entière consécration de soi-même à la Très Vierge, qui est la dévotion que j'enseigne ; ou autrement une parfaite rénovation des vœux et promesses du saint baptême. » (VD 120)
La consécration à Dieu par Marie : l'expérience en montre la puissance.
Saint Louis-Marie était un missionnaire. Il a une bonne expérience pastorale et pour manifester le besoin que nous avons de « quelque chose de plus » (VD 126), il fait la remarque :
« Qui est-ce qui tient fidèlement les promesses du saint baptême ? »
Et il s'exclame dans le jeu de mot sur "esclave" (cf. Rm 6, 19-22) :
« Heureuse et mille fois heureuse est l'âme libérale qui se consacre à Jésus par Marie, en qualité d'esclave d'amour, après avoir secoué par le baptême l'esclavage tyrannique du démon ! » (SM 34).
Montfort parle d'expérience et nous pouvons faire aussi cette expérience.
Abréviations :
ASE : Amour de la Sagesse éternelle
VD : Traité de la vraie dévotion
SM : Secret de Marie
[1] Extraits de : A. Bossard, « Incarnation », Dictionnaire de spiritualité montfortaine, Novalis, Outremont (Québec), 1994.
[2] ASE 226 ; VD 139, 155-156, 157, 162, 198, 243 ; SM 63 ; C 76,2
[3] « Car si vous avez jadis offert vos membres comme esclaves à l'impureté et au désordre de manière à vous désordonner, offrez-les de même aujourd'hui à la justice pour sanctifier. Quand vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l'égard de la justice. Quel fruit recueilliez-vous alors d'actions dont aujourd'hui vous rougissez ? Car leur aboutissement, c'est la mort. Mais aujourd'hui, libérés du péché et asservis à Dieu, vous fructifiez pour la sainteté, et l'aboutissement, c'est la vie éternelle. » (Rm 6, 19-22)
Synthèse Françoise Breynaert
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