St Bernard de Clairvaux, Docteur marial (1091-1153)

Saint Bernard de Clairvaux, ardent défenseur de la foi et maître spirituel du XIIe siècle, illumine son époque par une doctrine profondément mariale qui invite à contempler en Marie la voie sûre vers le Christ. Fondateur de Clairvaux et chantre de la Vierge, il incarne la conscience spirituelle de son temps, alliant rigueur monastique, engagement théologique et amour filial pour la Mère de Dieu.


Saint Bernard, « la conscience de son temps »

Si Clairvaux est un lieu enfoui de l’histoire du passé de la France, Bernard de Clairvaux est présent par sa foi, sa doctrine, la vigueur de ses combats spirituels. « Apprenez de Jésus à régner », répète-t-il aux princes… « Votre crime ne restera pas longtemps impuni », affirme-t-il à l’un d’eux. De tels accents l’ont fait surnommer « la conscience de son temps ».

Il n’est pas besoin d’attendre le recul du temps pour savoir qu’un Jean-Paul II apparaîtra aux générations futures comme l’un des grands phares du XXe siècle tant par son action pastorale que par la puissance de sa pensée théologique et de sa foi théologale.

Au XIIe siècle, il en va de même pour Bernard de Clairvaux. Il est considéré, dès son époque, comme colonne de la foi et père spirituel commun : « Quelques hommes, dit Ernest Hello, ont reçu le don de résumer un siècle en eux. Ces hommes sont rares ; on les compterait sans fatigue. L’un d’eux s’appelait Bernard… »

Il entre à Cîteaux, sans prévenir personne

En cette première moitié du XIIe siècle, la France est un pays chrétien, riche de monastères, notamment chez les Bénédictins, après le passage de Benoît de Nursie (VIe siècle), la renaissance carolingienne et la réforme de Cluny. Lorsque naît Bernard, en 1090, il arrive donc dans un contexte aux racines chrétiennes très profondes.

On affirme d’ailleurs que sa propre mère, Aleth, est une reconnue. Ce n’est pas le cas du père, cependant. Croyant, certes, il l’est, car la famille est de bonne souche. Mais la ferveur religieuse n’y est plus, du moins chez ce vassal du duc de Bourgogne. Bernard est le troisième des sept enfants. Il a cinq frères et une sœur. Sa mère pressent, par révélation intérieure, alors même qu’elle est enceinte, la vocation exceptionnelle de ce troisième fils.

L’enfant apparaît très tôt porté vers le silence et la contemplation. À l’adolescence, grand, blond, fin, viril, il est beau, il attire, la grâce rayonne en lui.

Il a seize ans lorsque sa mère meurt. Sans comprendre le désir profond de Bernard, la famille entreprend de faire entrer cet élégant jeune homme dans le monde. C’est mal le connaître. En 1112, il entre à Cîteaux, sans prévenir personne.

Un rayonnement qui se propage largement dans sa nombreuse famille...

Cîteaux n’est pas Cluny ! Car de ces deux grandes abbayes bénédictines du temps, la première est la plus austère et la plus rude. On cherche à le faire revenir… Il revient, et va passer plusieurs mois, chez les siens, au château de Fontaine-les-Dijon. Mais ce n’est pas pour s’y attiédir : il vient pour prêcher autour de lui l’idéal cistercien.

Lorsqu’il retourne à Cîteaux, trente jeunes gens convertis le suivent. Parmi eux, quatre de ses frères :

  • « Nous partons. Tout ce domaine est à toi. Es-tu content ? », demande Guy, l’aîné, au plus jeune, Nivard, le benjamin qui reste à la maison.

  • « Ce n’est pas juste ! Vous prenez le ciel et vous me laissez la terre », répond l’enfant.

Plus tard il les suivra à son tour. De même que son père.

Clairvaux

Trois ans après son entrée dans la vie religieuse, Bernard fonde l’abbaye de Clairvaux, construite dans une architecture sobre correspondant à l’austérité nouvelle.

Il pose cette abbaye sous la protection de la bienheureuse Vierge Marie.

Il y fut abbé durant 38 ans.

À sa mort, en 1153, Clairvaux compte 700 moines et l’ordre cistercien comporte 165 fondations.

Impossible d’écrire sa vie sans écrire l’histoire du monde entier pendant sa vie

Moine, fondateur, il sera aussi conseiller des grands, rois, penseurs, hommes d’affaires : « Il est impossible d’écrire l’histoire de sa vie sans écrire celle du monde entier pendant sa vie », dit encore Ernest Hello. « Pour se figurer un peu saint Bernard,… il faut tout questionner, les livres et les champs de bataille, les palais des rois, les conciles, les peuples, et l’oratoire où priaient les moines… ».

C’est lui qui a prêché la deuxième croisade, à la demande du pape Eugène III, dont il fut le supérieur à Clairvaux. Et pourtant, il pensait : « Plutôt mourir que parler en public » !

Prédicateur, il le devient par amour, mais contemplatif il le restera toujours.

Saint Bernard et Abelard, la foi révélée contre les idéologies

Bernard a mis sa vie au service de la vérité de l’Écriture et combat sans complaisance l’erreur dès qu’il la détecte autour de lui, même s’il faut affronter pour cela théologiens en renom et opinion publique.

Il a notamment compris le danger immense que représente la pensée d’Abelard.

Pour Abélard, la raison, la logique humaine, sont toutes puissantes et la foi est une opinion, aujourd’hui, on dirait « une idéologie ».

Huit siècles avant l’ère des idéologies, en 1140, l’abbé de Clairvaux s’est battu contre une telle attitude d’orgueil, jusqu’à ce que la vérité triomphe. Il affirme à propos du théologien : « Un faux catholique est plus pernicieux qu’un impie déclaré ».

Apôtre de la soumission à l’Écriture, à la volonté du Père, Bernard est libre. Libre de la liberté même de Dieu, de la docilité à sa lumière. Et Abélard s’est rendu.

Saint Bernard est amical, doux, conscient de ses faiblesses

S’il est ferme et sévère, Bernard n’est pas pour autant stoïque ni dur, ni ennemi de tout sentiment humain. Son cœur est celui d’un doux.

Il aime l’amitié et la sienne est fidèle : « Aimons-nous, soyons aimés, c’est notre intérêt et l’intérêt des nôtres. En ceux que nous aimons nous reposons ; et à ceux qui nous aiment, nous offrons ce repos. Aimer en Dieu, c’est avoir la charité ; chercher à être aimé pour Dieu, c’est servir la charité ».

Ses faiblesses, ses tentations, ses fautes, il les reconnaît et ne cherche pas à les dominer orgueilleusement par ses propres forces, mais les offre à Marie.

La responsabilité de Marie, et ce qu’elle est pour nous

Saint Bernard sait que seule la force de Dieu est forte en nous.

Son admiration pour le plan divin du salut se concentre sur le mystère du Verbe Incarné.

Or, pour réaliser l’union entre Dieu et l’homme, le Seigneur il a prévu la contribution singulière d’une créature, Marie. Ce qui fait dire à saint Bernard : « Efforçons-nous de monter vers le Sauveur par la même voie qu’il a suivie pour venir jusqu’à nous » et « quand on pense à elle, on ne s’égare pas ».

L’importance de Marie dérive du fait qu’elle a contribué à rapprocher l’homme de Dieu et à rendre Dieu plus accessible à l’homme.

La grandeur de Marie se situe aussi au plan de la responsabilité personnelle et morale, dans la réponse que Marie donne le jour de l’Annonciation.

Marie est « l’étoile » nécessaire à notre « navigation » en ce monde.

La pensée de saint Bernard n’est pas vraiment nouvelle, saint Bernard reprend la pensée des pères de l’Église, il est parfois considéré comme le dernier père de l’Église… Son style tout à fait enthousiasmant fait de lui le chantre de Marie.

Ses écrits

Parmi ses nombreux écrits, soulignons

  • le « Traité de la grâce et du libre arbitre »,

  • le « Traité de l’amour de Dieu ».

  • le « Commentaire du Cantique des Cantiques » où l’on découvre le véritable amoureux du cœur de Dieu, celui qui n’a aspiré à rien d’autre qu’aux jours de l’intimité avec le Bien-aimé.

Sa pensée mariale se déploie dans

  • les sermons pour l’Avent, In adventu Domini,

  • 4 homélies Super missus est,

  • trois sermons pour le 2 février In purificatione Beatae Mariae,

  • trois sermons pour l’Assomption In festo Assumptione Beatae Mariae, et Sermo infra Octavam Assumptionis de 12 praerogativis, qui est comme un traité de la médiation de Marie ;

  • trois sermons pour l’Annonciation In festo Annuntiationis,

  • un sermon pour le 8 septembre, Sermo in Nativitate BMV. De aquaeductu, qui commente Ap 12, 1 et parle encore de la médiation de Marie.

  • dans une note de la lettre 174 aux chanoines de Lyon, il évoque la conception de Marie (Marie, que saint Bernard appelle souvent immaculée, n’est pas pour autant conçue immaculée : saint Bernard en reste au raisonnement de saint Augustin).

Les sources patristiques de saint Bernard ont été étudiées par : F. Solà, Fonte patristicas de la mariologìa de San Bernardo, in EstEcl 23 (1949), p. 209-226.

Canonisé rapidement après sa mort

Bernard a soixante-trois ans. Depuis plusieurs années déjà, il avait reçu le don d’accomplir des miracles, mais tout à la vie intérieure et s’effaçant devant l’action de Dieu en lui et par lui, il affirmait : « Il n’y a aucun rapport entre ces miracles et moi ».

Vingt et un an après sa mort seulement, il est canonisé.

Docteur de l’Eglise

Et en 1830, Pie VIII le proclame Docteur de l’Église.

Libres de la liberté de Dieu, ses écrits sont plus que jamais actuels à l’heure des idéologies.

Sa vie mystique et active est un exemple pour nous et nos contemporains.

Ses écrits fascinants communiquent la richesse mariale de la vie intérieure de ce grand saint.


Geneviève Esquier

et Françoise Breynaert

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