Comment la Bible s'est-elle formée ?

Au cœur des premiers siècles chrétiens, la fixation du canon des Écritures s’est construite progressivement, guidée par la tradition vivante et l’usage des Églises pour préserver la vérité de la foi face aux hérésies. Marie, Mère de l’Église, éclaire ce chemin de discernement spirituel où la Parole s’incarne pleinement dans le Christ, fondement de toute révélation.


Au premier siècle.

Au tournant de l’ère, la liste des livres saints de l’Ancien Testament n’est pas fixée. Par exemple, l’historien juif Flavius Josèphe atteste qu’au temps où il écrit, dans les années 80 ou 90, deux livres d’Ezéchiel circulent (Antiquité juives X, 79). Il parle des livres qu’Isaïe a écrit (X, 35) ou que « Daniel a laissé » (X, 267). L’unicité de signature n’existe pas non plus.[1]

Au premier siècle, l’autorité s’appuie sur la tradition orale, la « parole vivante ». La rédaction des livres du Nouveau Testament s’achève progressivement. Et probablement apparaissent les premiers recueils.

Au second siècle. Le canon, c’est la règle de la foi.

Pour saint Irénée († 180), le mot « canon » signifie la règle de la foi, la règle de la vérité.[2]

La liste de livres saints n’est pas encore un canon institutionnalisé.

Le « canon de Muratori » est une liste de livres saints, découverte à Milan par Ludovico Muratori (1672-1750) ; cette liste est en latin mais elle est certainement traduite d’une liste grecque remontant au II° siècle, aux alentours de l’an 180 : la phrase qui fait penser que cette liste est très ancienne est « quand au Pasteur, Hermas l’a écrit récemment... »[3]

Cette liste cite, avant les Actes des apôtres et les épîtres de Paul, quatre évangiles dont les deux premiers sont ceux de Luc et de Jean. Visiblement, les critères de sélection ne sont ni la date des écrits, ni les noms des auteurs (ni Marc, ni Luc, ni Paul ne font partie du groupe des Douze, ils ont pourtant une place très importante). Le critère fut simplement l’usage des Églises. Vu le contexte historique que nous connaissons par saint Irénée, la fixation d’une liste était importante pour écarter les écrits hérétiques, notamment gnostiques.[4]

Mais le mot « canon » est absent de ce document : la liste des livres mentionnés n’est pas encore instituée.[5]

D’ailleurs, Clément d’Alexandrie († vers 215) considérait encore « le Pasteur d’Hermas » et « l’Apocalypse de Pierre » comme des Écritures inspirées. C’est lui aussi qui invita, dans l’Ancien Testament, à ne pas se limiter aux livres hébraïques, mais à inclure les livres de sagesses et autres livres de langue grecque.[6]

Le « canon des Écritures »

Tertullien († vers 222) établit une réciprocité entre la règle de la foi et l’Écriture. L’idée du concept dogmatique d’un « canon des Écritures » est semée.[7]

Il semble que ce soit Athanase d’Alexandrie[8] qui ait fait le passage du « canon » au sens « règle de la foi », au « canon des Écritures », avec les 27 livres du Nouveau Testament. Peu après 350, il présentait le Pasteur d’Hermas comme « n’étant pas du canon » et en 367, il séparait les livres « canoniques » des livres apocryphes.[9]

Ainsi, le processus de canonisation des livres saints est lié au développement de l’expression dogmatique.

Au second millénaire.

Après la réforme protestante, le concile de Trente, au XVI° siècle définira pour les catholiques un « canon des Écritures » quasi identique au « canon de Muratori ».


[1] André Paul, La Bible et l’Occident, Bayard, Paris 2007, p. 43-44.

[2] Saint Irénée, Contre les hérésies I, IX, 4

[3] Décrets du synode de Nicée 18.

[4] Michel Quesnel, Histoire des, Cerf, Paris 1987.

[5] André Paul, La Bible et l’Occident, Bayard, Paris 2007, p. 238-239

[6] André Paul, Ibid., p. 228

[7] André Paul, Ibid., p. 226

[8] André Paul, Ibid., p. 236

[9] Athanase d’Alexandrie, Lettre festale n°39


Synthèse Françoise Breynaert

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