Jésus est assimilé à Israël sortant d'Égypte
Dans l’Évangile selon Matthieu, Jésus est présenté non pas comme un nouveau Moïse, mais comme le Fils d’Israël rappelé d’Égypte, soulignant ainsi son rôle unique dans le dessein divin. Ce récit révèle la profondeur spirituelle de l’enfance du Christ, où Marie et Joseph participent activement à la réalisation des promesses de Dieu.
Matthieu aurait pu être tenté de modeler Jésus sur le type de Moïse. Et ses allusions montrent qu’il y a songé. Mais sur cette base, il lui aurait fallu raconter un Jésus sauvé des eaux (Exode 1,22 et 2,1-6).
Faut-il voir en Mt 2,13 (Hérode cherche à détruire l’enfant ; Joseph se retira en Égypte) un réemploi d’Exode 2,15 ?
« Pharaon… chercha à tuer Moïse. Moïse s’enfuit loin de Pharaon... Il se rendit au pays de Madian. » (Ex 2, 15)
L’analogie est mince : Moïse adulte s’enfuit lui-même parce qu’il sait que le Pharaon va le tuer. Jésus est emmené en Égypte par Joseph, sur un songe où lui apparaît l’ange du Seigneur. Moïse fuit l’Égypte et Joseph s’y réfugie. Le récit de l’Exode ne détermine en rien celui de Matthieu.
L’analogie littérale est plus frappante, entre l’Exode,
« YHWH dit à Moïse – Va, retourne en Égypte car ils sont morts ceux qui cherchent à te faire périr. Moïse prit son épouse et son fils et s’en retourna au pays d’Égypte. » (Ex 4, 19)
et l’Évangile :
« L’ange du Seigneur (…) dit à Joseph – Pars en Israël car ils sont morts ceux qui cherchaient la vie de l’enfant. Se levant, Joseph prit l’enfant et sa Mère et entra en terre d’Israël. » (Mt 2,20)
mais, ici encore, les deux voyages sont en sens inverse : Moïse rentre en Égypte et Jésus la quitte. Moïse prend sa femme et son enfant. Mais Jésus est l’enfant dans le récit de Matthieu. C’est Joseph qui ferait pendant à Moïse : rapprochement sans signification.
Pour le voyage de retour en Israël, Matthieu ne rapproche pas le Christ de Moïse, mais du peuple adopté par Dieu, en citant Osée 11, 1 :
« d’Égypte, j’ai rappelé mon fils. » (Mt 2, 15, cf. Exode 4,22).
C’est à Israël que Jésus est assimilé, non à Moïse.
R. Laurentin
R. LAURENTIN, Les de l’Enfance du Christ, Desclée, Paris, 1982, pp. 379-382