De la Médiatrice de toutes les grâces à la Médiatrice dans l’ordre de la grâce
La réflexion théologique sur le titre de « Médiatrice de toutes les grâces » met en lumière la richesse et la complexité de la mission maternelle de Marie, soulignant que sa médiation universelle s’exerce dans une coopération altruiste avec l’œuvre rédemptrice du Christ, tout en excluant la grâce qu’elle a reçue personnellement. Ce discernement, confirmé par le magistère conciliaire, invite à approfondir la compréhension spirituelle de Marie comme Mère dans l’ordre de la grâce, source d’un progrès doctrinal essentiel.
À la publication d’un volume collectif destiné à soutenir un mouvement pour la proclamation du dogme de la médiation de Marie, nous avions réagi en notant quelques difficultés ou obscurités[1]. Voici qu’un second volume, avec le même curateur mais avec des collaborateurs différents, est sorti sous le même titre[2].
La position de M.I. Miravalle.
Nous avions observé que l’expression "Médiatrice de toutes les grâces" fait problème. Miravalle admet la difficulté : « Comment Marie peut-elle être déclarée Médiatrice de toutes les grâces, sans limitation, quand elle n’est pas médiatrice de sa conception immaculée ? »[3]. Miravalle tente de dépasser l’obstacle : « Médiatrice de toutes les grâces » signifie donc une médiation universelle, avec la réserve d’une exception pour la première grâce donnée à Marie elle-même [...]. Miravalle souligne ensuite la valeur de l’intervention de Benoît XV qui avec l’institution d’une fête liturgique et d’un office, a accepté la vénération de la « Médiatrice de toutes les grâces »[4].
Cette manière de vouloir sauver une expression contestée est-elle convaincante ? Il est difficile de proposer, pour une définition dogmatique, une formule qui ne soit pas exacte à la lettre et doive être interprétée avec un sous-titre qui lui confère un sens contraire à ce qu’elle affirme explicitement. Médiatrice de toutes les grâces doit recevoir comme interprétation : non pas de toutes les grâces mais avec une exception très importante. D’une définition dogmatique on attend une formulation qui exprime de manière claire la vérité révélée et qui ne laisse aucun doute, aucune obscurité ni incertitude sur la doctrine énoncée. Une définition doctrinale ne peut pas affirmer Marie Médiatrice de toutes les grâces et expliquer après que le titre ne s’applique pas à toutes les grâces. La position de Vatican II est significative : il a voulu laisser aux théologiens le devoir de déterminer la valeur du titre et de préciser sa valeur universelle (LG 62).
Miravalle craint une régression, une interruption du progrès doctrinal. Est-ce qu’il ne serait pas mieux de parler d’un pas en avant ? En effet ceux qui reconnaissaient, dans la doctrine ou dans le culte, Marie comme Médiatrice de toutes les grâces, n’avaient jamais voulu affirmer une médiation de Marie pour les grâces qu’elle a personnellement reçues. Ils voulaient affirmer l’universalité de sa médiation pour le reste de l’humanité et non pas pour elle-même. Or, cette universalité de sa médiation n’est pas correctement exprimée avec la formule "de toutes les grâces".
Le vrai progrès doctrinal.
Le vrai progrès doctrinal consiste dans une formulation plus précise, qui exclut la médiation de Marie pour la grâce personnellement reçue. La théologie contemporaine a conscience de ce progrès. [...] Cette médiation s’exerce essentiellement comme une médiation maternelle, dans une direction totalement altruiste. C’est la médiation d’une mère qui s’unit à l’offrande rédemptrice du Christ pour le salut universel et qui reçoit une mission de coopération maternelle à la diffusion de la grâce rédemptrice. C’est la maternité qui donne à la médiation de Marie son sens et sa valeur. [...]
Nous avons particulièrement remarqué que les mots précis font comprendre plus positivement le sens fondamental de la mission maternelle de Marie. Et on peut comprendre que Vatican II, en n’utilisant pas l’expression "Médiatrice de toutes les grâces", a préféré définir Marie comme « Mère dans l’ordre de la grâce » (LG 61). Cette maternité contient et exprime la vraie universalité de la médiation de Marie.
[1] J. GALOT, Maria Mediatrice o madre universale ?, in "Civiltà Cattolica", 1996 / I, p. 232-244
[2] M.I. MIRAVALLE (ed), Mary Coredemptrix, Mediatrix, Advocate. Theological Foundations. II. Papal, pneumatological, ecumenical, Santa Barbara, Queenship, 1997
[3] M.I. MIRAVALLE, ibid., 31
[4] M.I. MIRAVALLE, ibid., p. 34
Jean GALOT
Jean GALOT SJ, La mediazione di Maria : natura e limiti, in "Civiltà Cattolica", 148/4 (1997), p. 13-25., p. 12-16. Extraits par Françoise Breynaert.