Je m'abonne
© CC BY-SA 4.0
Les saints
Europe et Asie
Nº 907
1506 – 1552

Les pérégrinations de saint François Xavier en Extrême-Orient pour annoncer le Christ

Surnommé l’« apôtre des Indes » – en raison des conversions innombrables à la foi au Christ qu’il obtint en Inde et en Extrême-Orient –, saint François Xavier a contribué avec saint Ignace de Loyola à la fondation de la Compagnie de Jésus en 1539. Il en est l’un des premiers membres. Au terme d’innombrables voyages, réalisés pour la plupart à pied au cours de onze années de dévouement et d’évangélisation, il meurt en Chine, non loin de Canton, le 3 décembre 1552, alors qu’il n’a pas encore cinquante ans.


Les raisons d'y croire

  • Issu d’une famille d’ancienne noblesse basque de Basse-Navarre, aux charges demeurées fort importantes, puisque son père exerçait les fonctions de président du conseil du royaume de Navarre, François renonce pourtant à la gloire d’une carrière qui aurait pu être brillante. Les solides études qu’il entreprend prouvent qu’il en avait les capacités. S’il délaisse gloire et richesse, c’est dans le but de suivre le Christ.

  • Lorsqu’il quitte sa famille, en septembre 1525, pour se préparer au sacerdoce à l’université de Paris, c’est pour ne plus les revoir en ce monde. La rencontre avec le Christ et la force de son appel valent donc plus que tout attachement humain : cela peut reconfigurer toute une vie.

  • Les Exercices spirituels, que François accomplit sous la direction d’Ignace de Loyola, le convainquent de la vanité des grandeurs et des biens de ce monde, et de leur inutilité pour la vie éternelle. « Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme ? », lui aurait peut-être demandé ce dernier. Aussi François demande-t-il dans sa prière « la connaissance intime du Seigneur qui s’est fait homme pour moi, afin de l’aimer avec plus d’ardeur et de le suivre avec plus de fidélité » (Exercices spirituels., no 104).

  • Sous l’impulsion d’Ignace de Loyola, François et d’autres « amis dans le Seigneur », comme ils aiment à se définir, fondent la Compagnie de Jésus. Leur fraternité n’est pas d’abord sociologique ou affective : elle découle d’une même relation à Dieu et d’une même inspiration divine. Leur but commun est de travailler à réaliser la plus grande gloire de Dieu ici-bas, c’est-à-dire de le faire connaître pour que les hommes, conquis par son amour, puissent l’aimer en retour.

  • À peine débarqué à Goa, en Inde, en mai 1542, François entraîne à sa suite vers le Christ des notables de la ville. François est pressenti comme un missionnaire désintéressé et attaché seulement à mener les âmes à Dieu, c’est pourquoi il suscite beaucoup de conversions. De plus, on lui confie une école, qui deviendra sous sa direction le collège Saint-Paul. C’est le premier collège jésuite.

  • Au cours de ses pérégrinations apostoliques, parfois en bateau mais le plus souvent à pied, François parcourt environ quatre-vingt mille kilomètres. Son itinérance missionnaire exceptionnelle, dans des conditions extrêmement éprouvantes et en conservant son zèle, manifeste quelque chose qui dépasse radicalement les forces humaines ordinaires.

  • François Xavier traverse continents, langues et cultures pour porter les peuples qu’il rencontre au Christ. Qu’on en juge : durant les années 1543 et 1544, François visite la côte de l’archipel des Comores. Puis, au terme de cette année et jusqu’en août 1545, il voyage dans l’île de Ceylan (actuel Sri Lanka), dans l’État de Malacca (aujourd’hui en Malaisie occidentale) et aux îles Moluques (archipel situé dans l’est de l’Indonésie actuelle), où il construit alors les fondements de missions à Ambon, Morotai et Ternate en 1546 et 1547. Hormis ces derniers voyages, de septembre 1545 à décembre 1547, il se trouve à Malacca. Puis il regagne l’Inde en 1548. François Xavier fait donc connaître le Christ à des peuples très éloignés de son univers culturel. L’universalité concrète de sa mission est un indice en faveur de la vérité du message qu’il porte.

  • À Yamaguchi, François prêche pendant plusieurs mois dans un temple bouddhique abandonné. En un semestre, jusqu’en mars 1551, cinq cents autochtones se convertissent à sa parole et à son exemple.

  • Les archives des premiers jésuites et des communautés japonaises établissent également que François Xavier, en dix-sept mois de présence sur l’archipel nippon, a amené au Christ, par le baptême, plus de douze mille habitants.

  • Comme aux premiers siècles du christianisme, François accomplit de très nombreux miracles. Ceux-là authentifient la « Bonne Nouvelle » qu’il apporte aux hommes qui ignorent le Christ Sauveur.

  • Le premier miracle opéré par François en Inde est la délivrance d’une femme dans les douleurs de l’enfantement depuis trois jours. On pensait qu’elle ne les supporterait plus longtemps. Après lui avoir expliqué les principaux articles de la foi chrétienne, auxquels la femme adhère, il lui demande si elle veut devenir chrétienne. Elle répond qu’elle demande à être baptisée. Comme l’eau salvatrice coule sur son front, l’enfant vient au monde sans difficulté. François baptise alors le père, puis le nouveau-né, et, enfin, avec l’accord du seigneur du lieu, tout le village.


En savoir plus

Francisco de Jasso y Azpilicueta (Frantzisko Xabierkoa en langue basque) naît au château de Xavier (Javier en espagnol), près de Pampelune, le 7 avril 1506. Son nom vient des terres de Xavier, apportées en dot par sa mère, María de Azpilicueta, descendante d’une vieille famille de la vallée du Baztan. Si son père et ses frères aînés combattent les troupes castillanes pour tenter de délivrer leur patrie, François, lui, se sent attiré à un plus grand service : c’est de la bannière du Christ qu’il veut être le héraut. C’est pour lui qu’il veut combattre le démon et c’est à lui qu’il veut attirer les peuples. Aussi entame-t-il des études de théologie à la Sorbonne. Il loge alors au collège Sainte-Barbe, et partage la chambre de Pierre Fabre. Ignace de Loyola, leur aîné de quinze ans, s’adjoint bientôt à eux. François obtient en 1530 le diplôme de maître ès arts (l’équivalent du master d’aujourd’hui). Il enseigne ensuite la philosophie au collège de Beauvais, qui dépendait de l’université de Paris.

Quatre ans plus tard, le jour de l’Assomption, François, ses deux anciens compagnons de chambrée et d’autres compagnons – Diego Lainez, Alfonso Salmeron, Nicolas Bobadilla et Simao Rodrigues, qu’unit une amitié pleine de zèle pour les intérêts de Jésus-Christ – se réunissent dans la chapelle Saint-Denis, sur la colline de Montmartre, et fondent la Compagnie de Jésus. Au cours des années suivantes, ils se retrouvent souvent pour entretenir leur saint propos. Réunis à Venise en janvier 1537, ils partent pour Rome afin d’offrir leurs services au pape Paul III. Le souverain pontife leur donne l’autorisation d’être ordonnés prêtres – la cérémonie aura lieu le 24 juin 1537 – et approuve enfin, en 1540, par la bulle Regimini militantis Ecclesiæ, le projet de leur nouvelle congrégation. Aux trois vœux traditionnels, par lesquels les religieux de tous ordres se lient au Christ, les jésuites ajoutent celui d’obéissance spéciale au pape.

Le roi Jean III, pieux et soucieux du salut des âmes, demande alors au souverain pontife des prêtres pourévangéliser Goa et les Indes orientales, nouvellement acquises à l’empire portugais. Nicolas Bobadilla était désigné pour s’y rendre, mais il tombe malade. François le remplace. Pour mener à bien la tâche immense qui l’attend, le pape lui remet les pouvoirs de nonce apostolique (c’est-à-dire qu’il agira en son nom). Puis François, accompagné de Simao Rodrigues, quitte Rome pour Lisbonne, où ils attendent pour s’embarquer. Ils se dévouent entre temps dans la capitale au bien des âmes, au point que les habitants demandent au roi de leur y accorder un ministère. Ignace de Loyola décide que le père Rodrigues demeurera à Lisbonne. François part donc seul, avec trois jeunes confrères, le 7 avril 1541. Treize mois de voyage s’avèrent nécessaires pour gagner la côte occidentale de l’Inde. Ils accostent au port de Goa, alors comptoir commercial portugais, le 6 mai 1542. Là, à la demande de l’évêque, François catéchise, confesse et prêche. Un malade est-il près de mourir ? Il installe sa natte à côté de son lit, pour prier pour lui et l’assister au dernier instant.

C’est à Malacca qu’il rencontre des Japonais qui lui décrivent leur pays. L’un d’entre eux, Anjiro, se convertit et est baptisé sous le nom de Paul de Santa Fé. Ce samouraï sera l’interprète de François et de ses compagnons lors de leur voyage au Japon en 1549. Ils débarquent à Kagoshima sur l’île de Kyushu (actuelle préfecture de Nagasaki). En 1550, après avoir confié la mission de Kagoshima à Paul de Santa Fé, il se rend avec deux compagnons, Juan Fernandez et Cosme de Torres, sur l’île voisine de Hirado. Il laissera à ce dernier la charge de la communauté chrétienne bientôt formée.

Les voyages au Japon sont peut-être les plus célèbres de saint François Xavier, en raison du caractère alors inconnu et donc fascinant du pays. François confie à ses lecteurs, dans ses Lettres du Japon, que les échanges avec les autorités locales sont courtois et bienveillants : les autorisations obtenues permettent d’édifier des missions. On comprend pourquoi il entreprend de rencontrer l’empereur. Mais le Japon est déchiré par la guerre civile et Kyoto, la capitale d’alors, est en ruine. L’empereur n’est plus qu’une figure symbolique dénuée de puissance et ne reçoit pas le nonce apostolique, mais François obtient cependant du prince la permission de prêcher la foi chrétienne. Toutefois une révolution éclate et François doit partir.

Il atteint en septembre 1552 l’île de Sancian (actuelle Shangchuan), à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Macao. Il est accueilli avec joie par les Portugais présents et commence aussitôt à visiter les malades, à catéchiser les enfants, à prêcher et à confesser. Il cherche un passeur qui accepte de le conduire en Chine – l’accès des rivages chinois est défendu aux étrangers sous peine de mort –, mais on le trompe : par deux fois, l’argent à peine reçu, l’homme disparaît.

Le 21 novembre, au terme de sa messe, le père Xavier se sent défaillir. Il est conduit sur un bateau portugais pour être saigné par le médecin de bord, mais il ne peut supporter le roulis et se voit contraint de regagner Sancian. Privé de remèdes, à demi inconscient, il prie sur sa couche en attendant de rejoindre celui pour qui il a donné sa vie, pour qui il a tant lutté et a supporté tant de souffrances. À l’aube du 3 décembre 1552, il rend le dernier soupir en prononçant le nom de Jésus.

Son corps est rapporté à Goa, où une foule nombreuse vient toujours le vénérer. Béatifié par le pape Paul V le 25 octobre 1619, il est élevé au rang des saints en même temps qu’Ignace de Loyola le 12 mars 1622 par le pape Grégoire XV. En 1927, le pape Pie XV le déclare, avec sainte Thérèse de Lisieux, co-patron céleste des missions catholiques.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.


Aller plus loin

James Brodrick S.J., Saint François Xavier (1506 – 1552), Paris, Éditions Spes, 1954, 531 pages. L’original a été publié en anglais, à New York, The Wicklow Press, 1952, 552 pages.


En complément

Précédent
Voir tout