Un génie scientifique conquis par la vérité du Christ : Niels Steensen
Le Danois Niels Steensen est très connu dans le monde scientifique pour sa contribution aux progrès de la médecine au XVIIe siècle et pour son rôle fondamental dans le développement de la géologie et de la paléontologie. Il pourrait aussi être célèbre pour la place considérable qu’il tint après sa conversion au catholicisme dans les tentatives de l’Église catholique de ramener les pays du Nord à l’unité de la foi. Alors que tant prétendent inconciliables science et croyance, le parcours de ce savant de génie, qui conclut à l’existence de Dieu en étudiant sa création, prouve la réalité de l’adage : « Un peu de science éloigne de Dieu ; beaucoup y ramène. »
Les raisons d'y croire
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Né à Copenhague en 1638 au sein d’une famille luthérienne, le jeune Niels se prend de passion pour la gemmologie dans l’atelier d’orfèvre de son père. Dans l’étude des pierres précieuses, ce qui le fascine surtout, ce n’est pas la valeur monétaire des diamants, émeraudes, saphirs, rubis et autres, mais la complexité des structures qu’il découvre en les observant. Il en conclut tôt qu’une semblable merveille ne saurait être le fruit du hasard, mais celui d’une intelligence suprême à l’œuvre dans toute la création. Plus il étudiera et approfondira ses recherches, plus il sera persuadé qu’il est impossible pour un homme de science de rejeter Dieu.
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Dans les années 1660, lors d’un séjour en France, Niels Steensen découvre, adulte, la religion catholique. Il prend alors le temps de l’étudier avec une rigueur toute scientifique, avant de conclure qu’elle est la seule vraie. Sa conversion au catholicisme en 1667 n’est pas émotionnelle ni superficielle. Elle naît de l’étude patiente des Pères de l’Église, de son constat de la cohérence de la foi catholique, et de l’exemple de chrétiens qu’il côtoie.
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Devenir catholique signifie pour lui mettre en danger sa carrière et sa situation sociale, et rompre avec le milieu luthérien. Contre l’intérêt personnel, il choisit de suivre ce qu’il a reconnu comme la vérité.
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La condamnation de Galilée a rendu maints scientifiques hostiles à l’enseignement chrétien, mais Niels parvient à voir au-delà. Il sera d’ailleurs lui-même confronté aux difficultés qu’entraînent ses découvertes en géologie et en paléontologie, car elles semblent, de prime abord, inconciliables avec le récit de la Genèse. Mais il parviendra à résoudre ces apparentes incompatibilités dans un esprit de foi.
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D’une intelligence prodigieuse – on peut dans son cas parler de génie –, Steensen, s’il suit des études de médecine, va s’intéresser à bien d’autres questions scientifiques. Pouvant être considéré comme le père de la cristallographie et de la paléontologie, il est aussi l’un des fondateurs de la neurologie avec son Discours sur l’anatomie du cerveau. Il utilisera ses travaux pour réfuter scientifiquement certaines assertions philosophiques de Descartes qui s’opposent à la religion. Il ne craint donc pas de mettre ses connaissances au service de ses convictions, en dépit de l’hostilité qu’il peut susciter : sa recherche de la vérité, c’est-à-dire de Dieu, est essentielle pour lui.
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Ce désir de faire partager sa foi et ses convictions à ses amis et à ses proches – d’abord les autres scientifiques – le conduit à de longs échanges avec Leibniz et Spinoza. S’il ne les rallie pas à ses vues, Steensen n’en reste pas moins un modèle de charité et de tolérance, son but ultime étant de contribuer au salut de ceux qu’il rencontre.
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Après sa conversion, Steensen ne fait plus de sa carrière scientifique une priorité. Il est ordonné prêtre en 1675 et sacré évêque deux ans plus tard. Missionnaire, il choisit de prendre la responsabilité des Missions du Nord, organisme fondé en 1622 pour le retour à la foi catholique des pays scandinaves. Il se rend sur le terrain et y travaille comme un simple prêtre, sans relâche, jusqu’à mourir d’épuisement le 5 décembre 1686. La transformation totale de ce savant ambitieux en un pasteur humble et pénitent ne manifeste pas une stratégie humaine. Rien, sinon le patient travail de la grâce, ne peut expliquer cet itinéraire hors norme.
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Si certains pays lui font mauvais accueil, comme la république de Hambourg, qu’il doit quitter car il n’y est pas le bienvenu, son Danemark natal, quant à lui, serait heureux de retrouver sur son sol ce grand savant qui honore sa patrie. Cependant, quelle que soit l’envie qu’il a de revoir sa terre, il n’y retourne pas, malgré les promesses du roi, car le catholicisme y est interdit et les prêtres catholiques susceptibles d’être condamnés à mort. Il refuse de bénéficier de privilèges qui ne sont pas accordés à ses coreligionnaires. Il faut un grand attachement à sa foi pour faire un tel sacrifice.
En savoir plus
Fils d’un orfèvre de Copenhague, où il est né le 11 janvier 1638, Niels (Nicolas) Steensen, doté de dons intellectuelsremarquables, quitte son pays très tôt pour aller étudier la médecine à Leyde, aux Pays-Bas, où, pouvant pratiquer librement la dissection, il se passionne pour l’anatomie. Il découvre ainsi le canal parotidien, qui sécrète la salive et que l’on nomme en son honneur « canal de Stenon », forme latinisée de son patronyme. Il explore aussi les mystères du cerveau, devenant l’un des fondateurs de la neurologie. Mais, quoiqu’il étudie, Niels constate que tout témoigne de l’intervention d’une intelligence dans la création, ce qui, depuis l’adolescence, le conforte dans la foi en l’existence de Dieu, ce que certains scientifiques commencent à réfuter.
En 1664, il fait un séjour en France, ce qui achève de poser sa réputation de scientifique. Il constate aussi que personne ne lui reproche son protestantisme et qu’il y règne une tolérance qu’il n’a pas connue ailleurs, ce qui lui fait regarder le catholicisme d’un œil neuf. C’est en lisant Bossuet qu’il commence à envisager que l’Église catholique détienne seule la vérité. Installé à Florence, où le grand-duc Ferdinand de Médicis lui a offert un poste prestigieux à l’hôpital, il va jusqu’au bout de sa réflexion et abjure le protestantisme en 1667.
Le pape Innocent XI, conscient de la valeur de la recrue que vient de gagner le catholicisme, en fait, moins de dix ans après sa conversion, l’évêque in partibus infidelium (« dans les contrées des infidèles ») de Titiopolis, siège épiscopal disparu de la Grèce sous le joug ottoman. Steensen pourrait dès lors se consacrer paisiblement à ses chères études, comblé d’honneurs tant à Rome qu’à Florence. Il préfère pourtant prendre la responsabilité des Missions du Nord, organisme fondé en 1622 pour le retour à la foi catholique des pays scandinaves. Il travaillera désormais à réconcilier les Scandinaves avec Rome. On peut dire de lui que le salut des âmes l’obsède. Ce n’est pas pour rien qu’il prend pour emblème le Sacré Cœur.
Pour beaucoup de protestants, le faste catholique est un contre-modèle. Steensen donne au contraire l’image d’un prélat dépouillé, se privant de tout et vivant comme un pauvre. Installé à Schwerin, en Allemagne, à partir de 1680, il rend l’âme le 5 décembre 1686, au terme d’une longue et douloureuse maladie. Le grand-duc Ferdinand fait ramener son corps afin de l’ensevelir à San Lorenzo de Florence, la nécropole des Médicis.
Jean-Paul II l’a béatifié en 1983, saluant son souci de l’unité de l’Église et sa capacité à réconcilier sa foi et le monde alors que sa découverte de la superposition des couches, en géologie, aurait pu le détourner de l’Église.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart consacrés à la sainteté.
Au delà
Francis Bacon, dans Méditations sur l'athéisme, explique en ces termes : « Enfin, j’ose affirmer qu’en ce qui concerne la connaissance de la nature, qu’un peu de science et les premières découvertes qu’on y fait disposent l’opinion à l’athéisme. Mais d’un autre côté, plus on en apprend et plus on approfondit ses connaissances, plus on en revient à la religion. Ainsi donc l’athéisme, dans toutes ses manifestations, se lie à la folie et à l’ignorance, étant donné qu'aucun propos ne mérite mieux d'être considéré comme l'adage des fous que ceci : " Il n'y a pas de Dieu." »
Aller plus loin
Hans Kermit : Niels Stensen, the Scientist who was Beatified, Gracewing, 2003. Peut être partiellement consulté en ligne en anglais.
En complément
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Paul Maquet et Troels Kardel : Nicolaus Steno, biography and originals papers of a 17th Century Scientist, Springer, 2018.
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Le Discours du pape Jean XXIII au comité international pour les honneurs à Nicolas Sténon.
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La biographie publiée sur le site Internet de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval.
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L’article : « L’étonnant destin de Nicolas Stenon ».