Thaddeus McCarthy, l’évêque incognito que Dieu révèle
Né en Irlande vers 1455, Thaddeus McCarthy est nommé évêque très jeune, mais les tensions entre l’autorité pontificale et les pouvoirs claniques locaux l’empêchent d’exercer. Accusé à tort d’usurpation, il part à Rome, où le pape confirme sa légitimité. Envoyé ensuite comme évêque de Cloyne, il découvre à nouveau son diocèse occupé et ne peut exercer sa mission. Sans ressources, il repart en pèlerin en Europe. Il meurt seul et ignoré le 25 octobre 1492, mais Dieu ne laissa pas dans l’ombre ce serviteur fidèle : il se chargea lui-même de révéler la vraie dignité de ce pèlerin méconnu, lui assurant la gloire que son humilité n’aurait jamais revendiquée.
Les raisons d'y croire
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À deux reprises, en 1482 et en 1490, des blocages politiques locaux empêchent injustement Thaddeus d’accéder au siège épiscopal ; il est pourtant dans son plein droit. Nous disposons des registres épiscopaux et des documents historiques de la Curie romaine au sujet de ses nominations et des litiges.
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Thaddeus McCarthy aurait pu revendiquer son titre épiscopal coûte que coûte, défendre sa cause, chercher honneur et justice humaine. Au lieu de cela, il choisit l’humilité, la discrétion et la fidélité silencieuse. Sa démarche ne cherche aucune reconnaissance terrestre, ce qui ne s’explique pas facilement par des logiques purement humaines. Elle témoigne d’un autre ordre, d’une logique surnaturelle qui correspond parfaitement à l’esprit de l’Évangile.
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Ce double rejet aurait aussi pu conduire Thaddeus à la rébellion ou à l’amertume et l’éloigner de l’Église. Il est diffamé, destitué, rejeté à tort. Mais il parvient à garder la paix, et sa fidélité vis-à-vis de l’Église demeure entière. Cette patience face à l’injustice, vécue sans haine, rappelle le Christ lui-même : « Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche » ( Is 53,7 ). Ce comportement dépasse l’instinct de défense naturel et pointe vers une force intérieure qui vient d’ailleurs.
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Selon les récits d’archives transmis localement, au moment de sa mort, à Ivrea (Piémont, Italie), la nuit du 25 octobre 1492, une lumière surnaturelle émane de son corps. Ce phénomène, rapporté par plusieurs sources, est le point de départ d’un changement de regard sur ce pèlerin inconnu. Cette lumière n’est pas un mystère anodin : elle renvoie symboliquement à la lumière divine promise aux justes, une confirmation céleste de la sainteté cachée de cet homme. « Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père » ( Mt 13,43 ).
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Le jour de sa mort, Thaddeus est totalement anonyme : il est bien loin de chez lui, en terre étrangère, dans le plus grand dénuement. Sa mort ne suscite l’attention de personne. Si sa véritable identité est révélée et qu’il ne tombe pas dans un oubli définitif, c’est uniquement grâce à la Providence : c’est bien grâce à la lumière inexpliquée que la population porte intérêt à sa dépouille et découvre les lettres papales et des documents officiels qui permettent d’établir son identité et sa dignité épiscopale.
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La population d’Ivrea lui offre des funérailles solennelles, et sa dépouille est enterrée dans la cathédrale. Sa tombe devient rapidement un lieu de pèlerinage local, notamment en raison des miracles rapportés. En effet, ce sont les grâces attribuées à son intercession qui soutiennent alors sa vénération à travers les siècles.
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Le 22 août 1742, Michael de Villa, évêque d’Ivrea, demande la reconnaissance de ce corps vénéré depuis deux cent cinquante ans. En effet, pour œuvrer à la reconnaissance officielle de la sainteté d’une personne, il est utile de procéder à une vérification des reliques afin d’être en mesure de l’identifier positivement. Non seulement l’ouverture de la tombe de Thaddeus confirme son statut épiscopal, mais sa dépouille est retrouvée anormalement bien conservée : le corps est « entier », bien que « sans peau », et une grande barbe blanche orne le bas de son visage. Cette découverte a renforcé la vénération locale.
En savoir plus
Né vers 1455 en Irlande, Thaddeus McCarthy reçoit une formation théologique à l’université de Paris, qu’il poursuit à la Curie romaine, où il se forme au droit canon et à la diplomatie ecclésiastique. Sa piété et son intelligence sont vite remarquées. En 1482, le pape Sixte IV le nomme évêque de Ross, au nord de l’Irlande. Mais, à son retour, il découvre que le siège est occupé par Hugh O’Driscoll, soutenu par de puissants clans locaux. Soupçonné d’usurpation, Thaddeus est chassé. Il repart à Rome, où une enquête canonique lui donne raison. Malgré cette confirmation, la réalité du terrain – résistance des clans, absence de soutien militaire ou politique – rend impossible son ministère effectif.
Quelques années plus tard, en 1490, Rome lui confie un nouveau diocèse : Cork et Cloyne (province de Dublin). Le même scénario se répète. Thaddeus se heurte à un autre évêque imposé localement, Gerald FitzGerald, membre d’une dynastie anglo-normande influente. Les autorités locales ne reconnaissent pas sa nomination, et il est marginalisé et empêché d’agir comme évêque. Face à l’hostilité énorme qu’il rencontre, il choisit la voie de l’humilité, refusant un conflit ouvert qui ferait plus de mal que de bien à l’Église et à la population irlandaise. De nouveau, il repart vers Rome, à pied.
Le 18 juillet 1492, il rencontre le pape Innocent VIII, qui lui remet des lettres confirmant sa légitimité comme évêque. Thaddeus entame un nouveau pèlerinage de retour vers l’Irlande. Mais le voyage, entrepris dans la pauvreté et la solitude, l’épuise. Le 25 octobre 1492, il meurt à Ivrea, en Piémont, dans une modeste auberge, inconnu de tous, vêtu comme un simple pèlerin.
Ce n’est qu’après sa mort que son identité est révélée. Des lettres scellées trouvées sur lui portent la signature du pape. Stupéfaits, les habitants découvrent qu’ils ont hébergé un évêque errant, porteur d’une mission confiée par Rome.
La nouvelle se répand dans la région, suscitant l’admiration et l’émotion générale : cet homme, à qui l’on avait confié une grande mission, a marché jusqu’ici dans l’ombre, portant avec dignité le poids de l’injustice, sans rien laisser paraître… Ceux qui l’avaient croisé sans le remarquer comprennent qu’ils sont passés près d’un homme de Dieu, un témoin humble et discret du Christ.
Le témoignage de Thaddeus n’est pas resté sans effet : sa mémoire a été honorée localement et sa réputation de sainteté s’est répandue. Enterré dans la cathédrale d’Ivrea, il est perçu comme un « saint caché », dont la sainteté fut vécue dans l’effacement. Son culte immémorial est finalement reconnu par le pape Léon XIII, qui le béatifie en 1895.
Solveig Parent
Aller plus loin
L’article de Patrick Hurley : « Blessed Thaddeus McCarthy, Bishop of Cork and Cloyne », paru dans Journal of the Cork Historical and Archaeological Society, 1896-1897. Disponible en ligne .
En complément
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L’article du site Internet CodexDei : « La clarté surnaturelle du bienheureux Thaddeus McCarthy ».
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Patricia Curtin‑Kelly, Searching for Thaddeus: Images of a Forgotten Irishman in Ireland and Italy. Livre qui explore les monuments, vitraux et reliques qui lui sont associés.
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L’article du National Catholic Register : « Blessed Thaddeus McCarthy – A Bishop Who Never Met His Flock ».