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Les martyrs
Buta (sud du Burundi)
Nº 627
30 avril 1997

« Frères à la vie, frères à la mort » (+1997)

Situé au sud du Burundi, le séminaire Saint-Paul de Buta sert de refuge aux victimes de la guerre, puis du génocide qui ensanglanta le Rwanda, pays limitrophe, en 1994. Les membres des deux groupes opposés, Hutus et Tutsis, y sont accueillis dans la charité du Christ. Mais, à l’aube du 30 avril 1997, des rebelles hutus pénètrent dans le dortoir de l’établissement et hurlent : « Les Hutus d’un côté, les Tutsis de l’autre ! » Personne n’obéit : « Nous sommes tous Burundais, nous sommes tous enfants de Dieu. » Quarante jeunes sont abattus. Depuis, un sanctuaire a été érigé en mémoire des victimes et maints pèlerins viennent prier sur leurs tombes. L’évêque du diocèse de Bururi a consacré une église, dédiée à la mémoire des jeunes martyrs, et qui porte le vocable de « Marie, Reine de la Paix ».


Les raisons d'y croire

  • Depuis 1993, dans un contexte politico-militaire très anxiogène, le séminaire de Buta maintient un climat de paix extraordinaire, inconcevable humainement. Séminaristes et enseignants y travaillent ensemble et vivent dans un esprit de fraternité magnifique. Même la menace d’être tué n’a pas rompu cette unité surnaturelle.

  • De manière providentielle, juste avant leur massacre, les séminaristes viennent de finir une session de discernement spirituel avec les membres du foyer de charité de Giheta. À la fin de la retraite, selon leur propre témoignage, ils se sentent animés d’un « esprit nouveau, qui semblait être une préparation pour une mort sainte ».

  • Les jours précédant la tuerie, on entendait les séminaristes dire publiquement : « Dieu est bon, et nous l’avons rencontré. »

  • Le père Zacharie Bukuru, l’ex-directeur du séminaire de Buta, a témoigné ainsi : « Le Seigneur nous y avait préparés. Il nous avait donné beaucoup de signes et nous avait parlé à travers la prière. C’est inconcevable qu’un tel fait puisse être vécu dans la joie. Ce qui s’est produit dépasse l’entendement humain. »

  • Le petit séminaire de Buta est devenu un lieu hautement emblématique, qui manifeste une fraternité retrouvée dans cette partie de l’Afrique. Mais, bien au-delà du symbole, cet endroit a été touché par la grâce : c’est un lieu chrétien unique où l’amour du Christ a vaincu la haine, permettant aux victimes de rester unies les unes avec les autres jusque dans la mort.

  • L’un des seuls rescapés de Buta a rapporté les propos de l’une des victimes, qui manifestent parfaitement la profondeur de la foi et l’esprit de pardon de ces jeunes victimes : « Seigneur, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » En pardonnant à voix haute à leurs bourreaux, le sang des martyrs de Buta a tracé dans les cœurs des hommes un signe indélébile d’espérance.

  • Les martyrs, âgés de quinze à vingt ans, ont fait preuve d’une joie et d’une sérénité invraisemblables à l’approche de la mort : certains chantaient des psaumes de louange, d’autres parlaient « en langue », et certains, refusant la violence, tentaient de secourir leurs camarades. Tous sont morts « sans cris ni angoisse ».

  • En 2001, sur un message reçu du Christ, le prêtre Zacharie Bukuru a quitté l’abbaye française de la Pierre-qui-Vire, où il avait trouvé refuge, pour retourner à Buta, où il a fondé, sans argent ni réseaux d’aucune sorte, le premier monastère masculin du Burundi, à trois cents mètres du sanctuaire de Buta. Une hôtellerie a vu le jour pour accueillir les milliers de pèlerins. Aujourd’hui, le monastère de Sainte-Marie-de-la-Paix, à Buta, compte quatorze moines.


En savoir plus

L’après-midi du 29 avril 1997, des hommes inconnus armés passent aux alentours du séminaire Saint-Paul de Buta, puis se dirigent vers Bururi, douze kilomètres plus loin. Inquiets, les responsables du séminaire demandent aux pouvoirs publics de renforcer la sécurité de l’établissement. On leur promet que des soldats arriveront incessamment. Mais ceux-là ne sont jamais venus.

Le lendemain matin, 30 avril, les séminaristes se réveillent comme d’habitude à 5 h 20. Peu après, l’assaut est donné par des hommes qui avaient été surpris la veille à rôder autour du séminaire. Des tirs d’arme automatique sont entendus. Les séminaristes et leurs enseignants prient avec ferveur.

Plus de trente assaillants sont entrés par la force dans le dortoir. Certains jeunes tentent de fuir et de se cacher sous les lits. « Inutile », hurle une femme assaillante, qui n’est autre que la chef du commando. Ordre est donné à tous les élèves de sortir de leur cachette et de venir se rassembler devant elle. C’est à cet instant que les assaillants leur intiment l’ordre de se séparer : « Les Hutus de ce côté, les Tutsis de l’autre côté. »

À la grande surprise des assaillants, aucun des séminaristes ne bouge ! Tous restent unis et ils vont le rester jusqu’à leur dernier souffle. Folle de rage, la chef du commando lance une grenade en direction des jeunes séminaristes. Vingt d’entre eux meurent sur le coup.

Alors que les survivants essayent de porter secours aux blessés, les assaillants usent alors de leur arme à feu pour les achever. Un séminariste hutu qui transportait un camarade tutsi vers l’infirmerie est abattu à l’extérieur du dortoir. Trois jeunes sont tués par balle en tentant de prendre la fuite.

Épargnant quelques séminaristes, qui les aident à transporter des objets volés – ils les tueront plus tard –, les assaillants quittent les lieux après le carnage. Mais ils reviennent néanmoins à trois reprises pour vérifier qu’il n’y ait pas un seul survivant. Ils brûlent les matelas et volent tout ce qui les intéresse.

Quarante jeunes et un enseignant ont été froidement exécutés.

Rapidement, le séminaire de Buta devient un lieu hautement symbolique au Burundi et bien au-delà. Mieux encore : un endroit touché par la grâce. En effet, les jeunes massacrés sont vite comparés à des martyrs. D’autant que des témoignages extraordinaires montrent la joie et la sérénité incroyables dont ils ont fait preuve à l’approche de la mort. Tous ont refusé d’obéir à l’ordre qui leur était intimé de se répartir selon leurs origines ethniques : « Frères à la vie, frères à la mort ! »

L’histoire de ces quarante jeunes est un merveilleux témoignage de foi. Dans une région du monde déchirée pendant des décennies par des guerres fratricides, les séminaristes de Buta sont restés unis devant leurs bourreaux pour témoigner de l’amour du Christ sur la terre. Ce message d’unité et de fraternité a eu un retentissement à travers toute la planète. Le pape Jean-Paul II, marqué personnellement par ce drame, a financé une partie de la construction de l’église dédiée à Marie, Reine de la Paix, inaugurée dès 1998 et qui jouxte le sanctuaire de Buta. Les autorités ecclésiastiques du Burundi ont rapidement soutenu toutes les initiatives visant à faire de ces lieux un signe de paix et de réconciliation. Le diocèse de Bururi a ouvert la prière des quarante jours. Chaque année, une foule de pèlerins rejoint le petit séminaire pour commémorer l’événement et prier ensemble sur la tombe des martyrs.

L’évêque de Bururi a comparé ces jeunes au grain de blé qui « tombe en terre, meurt et donne beaucoup de fruits » ( Jn 12,24 ). En effet, au fil des ans, des fruits spirituels superbes ont été enregistrés, à commencer par l’œuvre du père Zacharie Bukuru, ancien responsable du séminaire et rescapé de la tuerie, qui a ouvert le premier monastère masculin du Burundi. Le 2 mai 1998, Mgr Niciteretse a célébré la levée de deuil définitive des séminaristes tués l’année précédente à Buta, puis consacré une église dédiée à la mémoire des jeunes martyrs et qui porte le vocable de « Marie, Reine de la Paix ». Étaient présents à cette fête le président de la République du Burundi, le nonce apostolique et trois évêques diocésains. Le pape Jean-Paul II a tenu personnellement à financer une partie des travaux du sanctuaire de Buta. Il a fait envoyer les fonds nécessaires pour réaliser ce chantier. Le 10 août 2001, à Buta, au Burundi, plus de trois mille personnes ont participé à l’ordination de trois nouveaux prêtres.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au delà

Le 21 juin 2021, l’Église du Burundi a ouvert officiellement la phase diocésaine du procès de béatification des martyrs de Buta.


Aller plus loin

Zacharie Bukuru, Les Quarante jeunes martyrs de Buta (Burundi 1997). Frères à la vie, à la mort, Paris, Kerala, 2004.


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