
Camille Costa de Beauregard, un père pour les orphelins de Chambéry (+1910)
Le 17 mai 2025, la cathédrale de Chambéry accueillera un événement exceptionnel : la béatification de Camille Costa de Beauregard, seule béatification d’un français cette année. La vie de ce prêtre savoyard, né dans une famille aristocratique, est marquée par un engagement indéfectible en faveur des plus pauvres et des orphelins. En mars 1868, il fonde l’orphelinat du Bocage, qui permettra d’héberger, d’éduquer et d’instruire jusqu’à cent vingt-cinq pensionnaires. Fin pédagogue, Camille apporte à chaque jeune qu’il a recueilli l’attention d’un père.
Les raisons d'y croire
La vie d’abnégation et l’œuvre de Camille Costa de Beauregard sont admirées par tous. « Il a passé en faisant le bien » : c’est ce qui est dit lorsqu’en Savoie, le 25 mars 1910, on apprend la mort du chanoine Costa de Beauregard. La presse locale rapporte que « c’était un deuil public, et, de l’avis des plus âgés, on n’avait jamais vu à Chambéry d’aussi belles et émouvantes funérailles. C’est que monsieur le Chanoine Costa était une de ces figures si nobles et si hautes que toutes les divisions s’effaçaient devant elle et faisaient place à l’unanime respect. »
Le Samedi saint, lendemain de sa mort, des phénomènes inexplicables sont relatés par son neveu Ernest. Lorsque le corps est déposé dans le cercueil, les personnes présentes perçoivent de merveilleux parfums : certains évoquent l’encens ou l’ambre, d’autres le papier d’Arménie ou des mélanges de fleurs... Or, la sœur garde-malade n’a rien brûlé et n’a mis aucune fleur dans la chambre. Ces témoignages sont jugés suffisamment fiables pour être retenus par le postulateur de la cause de Camille Costa.
Le corps de Camille Costa est ramené au Bocage, « chez lui », à la demande de l’orphelinat. Lors de la cérémonie de translation, en avril 1911, plus d’un millier de personnes se pressent au cimetière pour la levée du corps. Beaucoup sont d’anciens orphelins qui s’emparent des timons du char funèbre pour conduire eux-mêmes leur « père » dans sa maison. Dans la cour de l’orphelinat, plus de deux mille personnes assistent à une messe chantée. La réputation de sainteté dont jouit Camille Costa s’explique par la quantité de grâces en tous genres obtenues en le priant. Tous les Chambériens sont convaincus qu’il n’est pas un mort ordinaire.
Le 14 octobre 1965, les docteurs Viard et Vionnet attestent l’intégrité du corps de Camille Costa, mort cinquante-cinq ans plus tôt. Sa sépulture est ouverte à nouveau en 2024. La dépouille est retrouvée comme momifiée. Plus de cent cinquante ans après sa mort, le corps ne présente aucune trace de décomposition organique, alors qu’aucun soin d’embaumement n’a été dispensé en 1910 ni en 1965.
Fin septembre 1910, René Jacquemond, un jeune orphelin chambérien du Bocage, subit une sérieuse blessure à l’œil droit en jouant avec ses camarades. Il est traité par le docteur Dénarié, mais la cornée ne cicatrise pas et l’enfant risque de perdre la vue. Face à la gravité de la blessure et à l’absence d’amélioration, la communauté prie une neuvaine à Camille Costa et l’on fait à l’enfant un pansement à partir d’un linge ayant appartenu au fondateur du Bocage. Le dernier jour de la neuvaine, l’œil est guéri. « Je n’hésite pas à déclarer que la guérison s’est produite en dehors des lois naturelles, et d’une façon extraordinaire », affirme Amédée Dénarié, l’ophtalmologiste qui avait examiné l’enfant, le 5 novembre 1910.
Cette guérison, jugée scientifiquement inexplicable, a été étudiée par les instances ecclésiastiques. Après une enquête approfondie et l’aval des experts médicaux et théologiques, l’Église reconnaît officiellement ce miracle en mars 2024, ouvrant ainsi la voie à la béatification du prêtre savoyard.
En savoir plus
Une vie au service des autres
Né en 1841 à Chambéry, Camille Costa de Beauregard grandit au château de La Motte-Servolex. De santé fragile, il reçoit une éducation à domicile et s’éloigne peu à peu de l’Église. Mais, un jour, il se sent poussé à entrer dans la cathédrale de Chambéry. Camille date de ce jour de 1861 son retour à la foi. Il se sent appelé à répondre à une vocation sacerdotale et rejoint le séminaire français de Rome à l’âge de vingt-deux ans, en 1863. Ordonné prêtre, Camille aurait pu, par ses relations, demeurer à Rome et y exercer de hautes fonctions dans l’administration du Vatican. Mais c’est en Savoie qu’il veut servir l’Église, dans l’humilité, qui est devenue son choix de vie. À Chambéry, il renonce à un appartement de fonction et se contente de quelques pièces dans un immeuble de la rue Saint-Réal. C’est aux pauvres qu’il va consacrer son apostolat.
Fin 1867, une épidémie de choléra ravage Chambéry. Des dizaines d’enfants se retrouvent orphelins, en proie à la faim et à tous les dangers. Camille recueille ces premiers enfants et fonde l’orphelinat du Bocage, un établissement destiné à les accueillir et les éduquer. Camille veut fonder un orphelinat qui, en plus d’être une démarche caritative et évangélique, intègre aussi une remarquable pédagogie de la douceur. Il veut vivre comme un père avec ses enfants, dialoguer avec eux au quotidien, recevoir chacun à son tour individuellement, pour s’enquérir de son vécu, de son histoire et l’aider dans sa construction humaine, spirituelle et professionnelle. Travail manuel, enseignement religieux et valeurs chrétiennes forgent ces jeunes âmes à un avenir plus digne, faisant de lui une figure emblématique de la charité chrétienne en Savoie.
Le jour de la mise en terre, un long cortège accompagne la dépouille de Camille Costa de Beauregard, dans lequel sont présentes toutes les confréries – la Providence, l’Orphelinat des Marches et celui du Bocage –, les chefs de toutes les administrations, les autorités civiles et militaires, le Cercle Choral, la Société de Saint-François de Sales, environ deux cents prêtres venus de tous les coins de la Savoie, le maire, l’adjoint, une délégation du conseil municipal de la ville, un général de brigade, les colonels et la plupart des officiers de la garnison, ainsi que les habitants de Chambéry et des environs. Tous les magasins étaient fermés.
Une béatification attendue
Le processus de béatification de Camille Costa de Beauregard débute il y a un siècle. Le 17 octobre 1925, une enquête diocésaine est lancée, et Camille est appelé « serviteur de Dieu ». Cette première étape marque le début d’un long chemin vers la reconnaissance de ses vertus et de son intercession auprès de Dieu pour ceux qui se recommandent à sa prière. En 1991, le pape saint Jean-Paul II le proclame « vénérable ».
Un dossier de témoignages recueillis en 1910 est retrouvé en 2011 et relance la cause en béatification du fondateur du Bocage. Le dossier relate la guérison de René Jacquemond. En octobre 2021, sous la présidence de Mgr Ballot, archevêque de Chambéry, le tribunal diocésain, réuni au sanctuaire de Myans, clôture l’enquête sur le miracle présumé : une guérison inexplicable attribuée à l’intercession de Camille. Le 30 mars 2023, à Rome, les experts médecins confirment à l’unanimité le caractère scientifiquement inexplicable de cette guérison, ouvrant la voie à la béatification. Le 19 octobre 2023, le collège de théologiens évalue positivement la guérison attribuée à l’intercession de Camille. En février 2024, les cardinaux et évêques du Dicastère pour la cause des saints se prononcent à l’unanimitéen faveur du miracle et, le 14 mars 2024, le pape François signe le décret reconnaissant ce miracle. Ainsi, Camille Costa de Beauregard est reconnu « bienheureux ». Les rites de béatification auront lieu 17 mai 2025 à Chambéry.
À travers cette béatification, c’est toute la région savoyarde qui célèbre l’un de ses fils les plus dévoués, dont la vie demeure une source d’inspiration pour les générations futures. Son héritage perdure aujourd’hui à travers l’œuvre sociale et éducative qu’il a initiée, la fondation du Bocage, reconnue d’utilité publique, qui perpétue son engagement en faveur de l’éducation et de l’accompagnement des jeunes en difficulté.
Association des Amis de Camille Costa de Beauregard.
Au delà
La pédagogie mise en place par Camille Costa au Bocage s’oppose aux systèmes éducatifs de l’époque : elle repose sur l’éducation préventive, basée sur la confiance et l’affection, un profond esprit de famille et la valorisation de l’effort. Cet accompagnement intégral lui vaut le surnom de « Père des Orphelins ».
Il y a une véritable « communion des saints » dans l’art éducatif et spirituel de Camille, qui nourrit son inspiration dans l’histoire de l’Église, œuvre de l’Esprit Saint : saint Vincent de Paul , saint François de Sales , saint François d’Assise (et « Dame pauvreté »), saint Benoît Labre (le pèlerin mendiant) et Don Bosco , qu’il rencontrera à Turin en 1879.
Aller plus loin
Françoise Bouchard, Camille Costa de Beauregard, la noblesse du cœur, Éditions Salvator, 2011.
En complément
La vidéo YouTube des Diocèses de Savoie : « Un Coeur de Père pour les Orphelins : Camille Costa de Beauregard ».
Sur le site VaticanInfo, l’article « Causes des saints : un miracle attribué à l’intercession du P. Costa de Beauregard ».
La bande dessinée « Bienheureux Camille Costa de Beauregard » , Éditions du Triomphe (sortie prévue en avril2025).
Père Paul Ripaud, Prier 15 jours avec Camille Costa de Beauregard, Éditions Nouvelle Cité, 2025.
La série narrative des diocèses de Savoie sur l’histoire de Camille Costa de Beauregard .
La messe de béatification se déroulera samedi 17 mai à 15h à la cathédrale de Chambéry, retransmise en direct au Bocage sur grand écran. Pour tous ceux qui habitent loin, la messe pourra être suivie sur ktoTV ou sur RCF Savoie. Toutes les informations sur : beatification-camillecostadebeauregard.fr .