
Saint Ildefonse de Tolède, défenseur de la Vierge Marie (+667)
Issu d’une famille wisigothe, Ildefonse s’impose comme un pasteur exceptionnel à tous les niveaux. Camarade de saint Isidore de Séville, il devient archevêque de Tolède, siège sur lequel il s’efforce de pratiquer la justice et une charité sans pareille. Grâce à une vaste érudition et à un amour étendu de l’art sacré, il unifie la liturgie en Espagne. Il est l’auteur de nombreux écrits théologiques, spirituels, pastoraux, juridiques… Il est un grand défenseur de la virginité perpétuelle de la Vierge Marie. Dieu l’honore de divers dons extraordinaires. Ses visions mariales sont restées célèbres. Aujourd’hui encore, la fête de l’imposition de la chasuble de saint Ildefonse reste un moment important pour les fidèles de Tolède et de la région.
Les raisons d'y croire
Ildefonse défend la virginité perpétuelle de Marie (avant comme après la naissance du Christ). Il en trouve les fondements scripturaires dans la tradition biblique. Dans son livre de douze chapitres, Libellum de Virginitate Sanctae Mariae contra tres infideles, Ildefonse réfute rationnellement et avec efficacité les arguments opposés à la pureté virginale de la mère de Dieu et démontre que Marie est bien la vierge annoncée dès l’Ancien Testament. Le jour de la naissance d’Ildefonse, un 8 décembre, a été depuis consacré à l’Immaculée Conception de Marie.
La nuit du 18 décembre 665, dans la cathédrale de Tolède, la Vierge Marie vient elle-même remercier Ildefonse pour sa piété et cette prise de position. Elle lui apparaît et lui dit : « Les yeux fermes dans la foi, tu es toujours resté à mon service et, pour ma louange […], tu m’as dépeinte avec tant de douceur dans le cœur des fidèles. Il faut que tu sois déjà orné des vêtements de gloire dans cette vie. » Puis, elle le revêt d’une chasuble d’un blanc immaculé. À ce moment-là, l’évêque Ildefonse est accompagné de plusieurs prêtres. Cette apparition est rapportée dans la Vie de saint Ildefonse, rédigée par Cixila († 783).
Cet événement a rapidement donné lieu à un jour de fête dans l’Église espagnole afin de perpétuer sa mémoire, car nous en avons les traces dans la liturgie wisigothe pratiquée durant le haut Moyen Âge. Cet épisode a aussi été représenté maintes fois sur des tableaux , à plusieurs époques.
Sainte Léocadie, martyre de Tolède du IVe siècle, apparaît à Ildefonse un 9 décembre, jour de la fête de cette chrétienne. Elle lui indique avec une précision confondante l’emplacement de ses restes mortels qui avaient été enterrés sauvagement, ce qui permet la vénération de ces reliques, qui ont été conservées jusqu’à nos jours (à la cathédrale de Tolède et dans l’église orthodoxe Sainte-Marie-Madeleine de Madrid).
Les visions mystiques d’Ildefonse sont d’une grande richesse et d’une portée spirituelle évidente. Très loin de rêveries ou d’illusions, ces visions authentifient des points doctrinaux importants : virginité de Marie, communion des saints, intercession de la Vierge dans l’économie du salut…
Par leur volume, leur érudition et leur intelligence, les ouvrages d’Ildefonse figurent parmi les plus importants des premiers siècles du Moyen Âge. En plus de treize siècles, nul n’y a jamais trouvé la moindre erreur ou approximation théologique.
À l’image du Christ, la charité d’Ildefonse est inépuisable. Les biens familiaux dont il hérite servent aussitôt à fonder un couvent de religieuses. Il secourt et prête assistance à toutes les détresses dont il entend parler.
Ildefonse est élu évêque de Tolède à l’unanimité, ce qui montre l’attachement et la confiance que la sincérité de son engagement évangélique inspire. Après sa mort, le 23 janvier 667, il est l’un des saints les plus populaires d’Espagne.
En savoir plus
Ildefonse de Tolède a pour parents Étienne et Lucie, aristocrates cultivés et pieux. L’enfant, brillant, passionné par les arts libéraux, fait l’admiration des siens. Choyé, il fait montre d’une douceur extraordinaire envers tous.
Son premier maître n’est autre qu’Eugène, évêque de Tolède, à qui il succédera en 657. Frappé par ses heureuses dispositions, le prélat l’envoie étudier à Séville (Andalousie, Espagne) auprès de saint Isidore, dont la vaste érudition est alors en honneur. Il reste douze ans à ses côtés. Ce sont des années fructueuses, qui offrent au jeune homme un bagage culturel et religieux de premier plan.
Revenu à Tolède, Eugène le nomme archidiacre de son diocèse. Aux yeux de sa famille, c’est le début d’une rapide ascension et d’une carrière unique. Mais Ildefonse ne perd pas de vue ce qu’il considère comme l’essentiel de sa vie, ce qui lui donne du sens : le Dieu de Jésus-Christ. Aussi frappe-t-il à la porte des bénédictins du monastère Saint-Côme-et-Saint-Damien d’Agali, où il prend l’habit et où il va être élu abbé. Héritier des biens de sa famille, il utilise cet argent pour faire construire un monastère féminin.
Dès cette époque, les milieux ecclésiastiques et les fidèles de Tolède connaissent les qualités rares du futur saint. On apprécie sa prudence évangélique, on vante sa gentillesse, on expose ses expériences spirituelles, on commence à parler de sa sainteté…
Eugène III de Tolède mort, Ildefonse le remplace sur le siège épiscopal de la ville, élu à l’unanimité. Il se révèle un pasteur exceptionnel, à la fois dans le domaine de la charité que dans celui de la formation chrétienne des prêtres et des laïcs. Lui-même montre l’exemple chaque jour, distribuant nourriture et argent aux nécessiteux, visitant malades et prisonniers, faisant des homélies percutantes et vraies, et en construisant un monastère de moniales, à Deilfa. Il trouve le temps de participer et de présider le IVe concile de Tolède, au cours duquel il entreprend l’unification de la liturgie espagnole, qu’il mène à son terme avant la fin de sa vie.
Parallèlement à son travail pastoral énorme, il écrit plusieurs ouvrages théologiques et spirituels qui témoignentd’une vaste érudition. Il croise le fer en particulier avec les thèses d’Helvidius (vers 340 – vers 390), théologien latin qui avait mis en cause la virginité de Marie après la naissance de Jésus, dont les proches auraient donc été les enfants de Marie et de Joseph. C’est l’objet de son chef-d’œuvre, Libellum de Virginitate Sanctae Mariae.
Pour Ildefonse, la virginité de Marie, avant comme après la naissance du Christ, trouve ses fondements scripturaires dans la tradition biblique ; par conséquent, soutenir la thèse contraire est une hérésie. Le saint réfute l’argument des juifs selon lequel Marie aurait perdu sa virginité en concevant ; il démontre ensuite que la Mère de Dieu est restée vierge dans son sanctae enfantement ; puis, contre les alliés d’Helvidius, qu’elle est restée vierge après avoir mis le Christ au monde. Maîtrisant à la perfection l’histoire de cette controverse, il synthétise en un tableau incomparable la théologie mariale catholique pour plusieurs siècles.
Prière et travail… telles sont les deux axes de la vie des moines bénédictins : elles sont également celles d’Ildefonse qui, évêque diocésain, reste fondamentalement un contemplatif et dont l’oraison est levain dans la pâte humaine. De surcroît, il est gratifié d’expériences mystiques dans les dernières années de son existence. Il a des visions d’une intensité rare, de la Vierge Marie qui conforte le bien-fondé de ses positions doctrinales, et de sainte Léocadie, martyre de Tolède.
Il achève son pèlerinage terrestre le 23 janvier 667, après un épiscopat de neuf ans et deux mois. Il est enseveli dans la basilique Sainte-Léocadie. Durant l’occupation musulmane, son corps est transféré dans la ville de Zamora, dans l’église Saint-Pierre.
Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.
Au delà
Saint Ildefonse de Tolède fut un évêque novateur. Ses perspectives pastorales ont une coloration étonnamment contemporaine, comme la place qu’il accorde aux laïcs pour la gestion diocésaine ou les activités paroissiales, le refus des conversions forcées, le respect avec lequel il combat ses adversaires théologiques…
Aller plus loin
La documentation disponible dans l’Encyclopédie Mariale : « Saint Ildefonse de Tolède (607 – 667) », « Invocation à la Vierge de l’Annonciation », « L’incarnation miséricordieuse et la dignité de Marie », « Marie et les Juifs », « Prière à la Vierge, au Seigneur et à l’Esprit Saint ».
En complément
Dom Prosper Guéranger, L’Année liturgique, t. 1, Paris, H. Oudin, 1900.
Athanasius Braegelmann, The Life and Writings of Saint Ildefonsus of Toledo, Washington, Universidad Catolica, 1942.
J. Madoz, « San Ildefonso de Toledo », Estudios Eclesiasticos, 1952, p. 467-505.
Juan Francisco Rivera Recio, San Ildefonso de Toledo. Biografia, epoca y posteridad, Madrid, BAC, 1985.
Juan Maria Cascante Davila, « Influjo de la doctrina de san Ildefonso en los autores eclesiasticos posteriores », Estudios Marianos, LV, 1990, p. 191-250.
Adeline Rucquoi, « Ildefonse de Tolède et son traité sur la virginité de Marie », dans La Virginité de Marie, Médiaspaul, 1998, p. 105-125.