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Les saints
Russie
Nº 515
1829 – 1908

La vie en Jésus Christ de Jean de Cronstadt (+1908)

Jean de Cronstadt (1829 – 1909) est l’une des plus grandes figures spirituelles russes. Prédicateur remarquable, thaumaturge célébré dans tout le pays, ce prêtre mène de front une vie de prière profonde et des engagements caritatifs extraordinaires. Il attire chaque matin des milliers de fidèles à la cathédrale de Cronstadt, ville portuaire, et accomplit de nombreux miracles et guérisons. Canonisé en 1990 par le patriarcat de Moscou, le saint s’est engagé en faveur de la communion fréquente et s’est voulu le serviteur de tous les exclus.


Les raisons d'y croire

  • La vie et les miracles de Jean de Cronstadt sont parfaitement connus. On dispose de beaucoup de témoignages d’époque qui correspondent d’ailleurs avec ce qui est rapporté dans le journal que le saint tenait quotidiennement après son ordination.

  • Dans la vie de Jean brillent merveilleusement les deux dimensions qui sont présentes chez tout serviteur authentique de l’Évangile : la dimension contemplative (c’est un religieux en tout point exemplaire) et la dimension de charité (unanimement admirée, même par les plus incrédules). Tout ceci a le Christ pour unique fondement. C’est dans la prière et dans l’union à Dieu qu’il puise son inspiration et son énergie incroyables.

  • C’est également dans l’oraison qu’il manifeste aux yeux de tous le don d’intercession et de thaumaturge que Dieu lui a confié.

  • En effet, Jean est un thaumaturge reconnu et admiré à travers tout l’Empire russe. Sa popularité est si grande que des milliers de personnes débarquent chaque jour à Cronstadt pour le voir et lui parler. Le saint met son don d’intercession au service de quiconque lui demande : toutes les couches sociales sont concernées et il guérit non seulement des orthodoxes, mais aussi des catholiques, des musulmans, des juifs, des agnostiques. Il reçoit aussi quotidiennement des milliers de lettres et de télégrammes, au point que la poste de Cronstadt ouvre un service spécial pour cette correspondance.

  • Il accomplit son premier miracle à Cronstadt : « À l’improviste arrive chez moi une vieille femme que je connaissais depuis longtemps [...]. Elle me demanda que je prie pour la guérison du malade. Je me souviens alors d’avoir été effrayé par cette idée : "Comment puis-je avoir, moi, une telle audace ?", pensais-je. La vieille femme croyait cependant fermement en ma prière et demeurait sur ses positions. Alors j’ai confessé à Dieu ma nullité et mon état de péché, et […] je me mis à prier pour la guérison du malade. Le Seigneur lui envoya sa grâce, le malade guérit », a-t-il expliqué.

  • Un autre miracle a beaucoup marqué les esprits : pour le piéger, trois jeunes font croire au père Jean que l’un d’eux est mourant. Le prêtre se rend au chevet du faux malade, prie, puis prend congé. Il vient de quitter les lieux lorsque le faux mourant devient rigide, comme paralysé. Les deux autres plaisantins se rendent à nouveau voir le saint, le supplient d’intercéder. Le père leur fait comprendre la gravité de leur faute et les invite à prier avec lui. De retour chez eux, sur l’île de Vassiliev, ils découvrent leur camarade guéri. C’est au moment même où, à Cronstadt, le père priait avec les deux jeunes que leur ami a réussi à faire ses premiers mouvements.

  • Un autre miracle se produit sous les yeux de tous les habitants du village de Konchanskoïe (Souvorovski, Russie) : une femme, possédée par le démon depuis des années, est complètement libérée par Jean en quelques instants. Cet événement a été rapporté par la commission des professeurs de l’académie militaire en 1901, qui se trouvait là à cette époque.

  • Dieu donne aussi à Jean de Cronstadt un don d’éloquence oratoire hors norme. Ses homélies (mille huit cents pages au total) provoquent conversions et guérisons intérieures. Il parle avec simplicité et avec force, peut traiter n’importe quel sujet avec une clarté rarissime. Or, personne ne l’a jamais vu préparer un sermon : l’Esprit Saint parle par sa bouche.

  • Beaucoup d’argent est donné au saint : ces sommes énormes sont immédiatement redistribuées aux indigents. Il nourrit ainsi à lui seul quotidiennement plus d’un millier de pauvres. Il fait également construire une « maison du labeur », qui comporte une école, une église, des ateliers et un asile. Il fonde également deux monastères et construit une église.

  • L’Église orthodoxe russe canonise Jean en 1964, ce que confirme le patriarcat de Moscou en 1990. À cette date, le clergé enregistre un nombre toujours croissant de miracles accomplis par l’intercession du saint depuis sa disparition, le 20 décembre 1908.


En savoir plus

Saint Jean de Cronstadt naît le 19 octobre 1829, dans le village de Soura, situé dans la province d’Arkhangelsk, au nord de la Russie. Son père, Élie Serguiev, est un humble sacristain, et sa mère, Théodora, est femme au foyer. Le couple lui donne au baptême le prénom de Jean, en l’honneur de saint Jean de Rylsk, dont on fêtait la mémoire ce jour-là. L’enfant reçoit une éducation chrétienne et les siens l’entourent de leur affection. Le petit Jean aime prier en leur compagnie, à la maison ou à l’église du village.

Mais la famille vit très pauvrement. Jean est très tôt confronté aux difficultés matérielles diverses, à la misère, à la souffrance. Cette réalité forge en lui un amour profond pour tous les démunis, quel que soit leur parcours. De plus, le futur saint ne goûte guère les jeux de son âge, préférant contempler le spectacle de la nature.

Son père l’inscrit bientôt à l’école paroissiale, à Arkhangelsk, où l’enfant se sent mal à l’aise, rejeté par ses camarades et ses maîtres. Il éprouve beaucoup de difficulté à apprendre ses leçons. Mais, soudain, un soir, tandis que tout le monde dort chez lui, il est envahi par une « tristesse immense ». « Je tombais à genoux et je me mis à prier ardemment. Je ne me souviens plus du temps que je passais dans cet état, quand je ressentis tout à coup comme un ébranlement de tout mon être. Il me semblait qu’un voile se détachait de mes yeux, mon esprit s’ouvrait dans ma tête, et je me suis représenté exactement le professeur de ce jour, son cours ; je me rappelais même ce dont il avait parlé. Je ressentis un immense soulagement, une grande joie. Je n’ai jamais dormi aussi paisiblement que cette nuit-là. Le jour s’était à peine levé que je sautais en bas du lit. Je saisis mes livres et, oh quelle joie ! Je lisais maintenant bien plus facilement, je comprenais tout, et non seulement je comprenais ce que je venais de lire, mais je me sentais capable de le raconter tout de suite », expliquera-t-il plus tard. Il devient un excellent élève en un éclair. Il termine sa scolarité parmi les premiers et sort premier du séminaire d’Arkhangelsk, avant d’être admis en tant que boursier à l’académie de théologie de Saint-Pétersbourg.

Son père meurt alors qu’il est encore au séminaire. Pour assurer à sa mère, à présent âgée, des moyens d’existence, il projette de quitter le séminaire pour devenir diacre ou lecteur. Mais sa mère l’arrête dans cette entreprise et, au contraire, insiste pour qu’il reçoive le sacerdoce. À l’académie, il obtient un emploi de secrétaire, dont le maigre salaire est intégralement envoyé à sa mère.

Jean envisage de devenir missionnaire. Mais un jour, il s’endort au retour d’une promenade et fait le rêve suivant : habillé en prêtre, il se voit célébrer la messe dans la cathédrale Saint-André de Cronstadt, qu’en réalité il n’a encore jamais vue. Tous les détails de son songe se révèlent parfaitement exacts.

En 1855, au terme de son cursus à l’académie, il reçoit une proposition de mariage avec la fille de l’archiprêtre de la cathédrale de Cronstadt, Élisabeth Nevitsky, et de devenir prêtre de ladite cathédrale. Jean accepte avec joie, considérant avoir reçu dans son rêve l’expression de la volonté de Dieu. Les deux époux vivront comme frère et sœur.

En tant que prêtre, le saint se lance dans des entreprises de charité qui lui valent vite une réputation d’ami de Dieu. Il n’ignore personne, des membres de la noblesse russe aux ouvriers employés sur le port de Crondstadt, des moines aux mendiants de la ville. Il visite chaque jour, jusque tard dans la nuit, parfois au péril de sa vie, familles, communautés, asiles… Il lui arrive de rentrer chez lui entièrement déshabillé, sans chaussures, car il donne tout aux pauvres.

Mais de tels succès lui attirent jalousies et rancunes. On se moque de lui, on lui fait des reproches, on le critique, on l’invective, on propage des rumeurs malveillantes… La presse le traite de « faible d’esprit ». Les autorités diocésaines refusent un temps de lui verser son traitement en mains propres, car il le distribue aussitôt aux mendiants ! Il supporte toutes ces contrariétés sans jamais prononcer le moindre reproche à ses adversaires. Et le temps fait son effet : peu à peu, les moqueurs et autres calomniateurs se rendent à l’évidence ; cet homme est un saint. Les vertus spirituelles et les qualités humaines de Jean sont absolument incontestables : humilité, obéissance, pauvreté, désintéressement, intelligence, volonté, patience, bienveillance, charité...

Dieu lui a offert un don d’intercession pour les malades. Des guérisons inexplicables – par dizaines – se multiplient autour de lui. Pauvres ou riches, savants ou incultes, orthodoxes ou agnostiques, et même juifs et musulmans, tout le monde peut espérer guérir au contact du père Jean.

Un grand artiste russe, Zhivotovsky, a aussi décrit la pluie miraculeuse survenue après une prière du saint dans une région souffrant d’une terrible sécheresse et menacée par des incendies de forêt.

Des flots de personnes viennent bientôt à Cronstadt pour le voir, le toucher, lui parler. La cathédrale, qui peut accueillir cinq mille personnes, est presque toujours pleine. Chaque jour, elles déferlent sur la ville par milliers. La quantité de lettres et de télégrammes qu’il reçoit est considérable : la poste de Cronstadt est contrainte d’ouvrir un service spécial pour ouvrir et trier cette correspondance. Les sommes considérables d’argent qu’il reçoit sont automatiquement distribuées ou orientées vers un projet précis, comme « la maison du labeur », vaste ensemble comprenant une école, une église, des ateliers et un asile. Il fonde également un monastère dans son village natal et un autre à Saint-Pétersbourg, où on l’enterre après sa mort. Chaque jour, il fait vivre mille nécessiteux.

Parallèlement, il enseigne la théologie et la spiritualité à Cronstadt. C’est un professeur aimé de tous et un pédagogue hors pair. Mais c’est sans doute en tant que prêtre qu’il jouit d’une renommée sans pareille. Ses homélies régalent les fidèles et suscitent nombre de guérisons intérieures et de conversions définitives.

Son ascétisme, qu’il conservera jusqu’à sa mort, est exceptionnel : levé tous les jours à trois heures, il gagne la cathédrale vers quatre heures pour l’office des matines. Avant l’eucharistie, des dizaines ou des centaines de personnes veulent être reçues par lui en confession. Au total, la liturgie quotidienne ne s’achève pas avant midi. Les gens sont si nombreux qu’il faut prévoir plusieurs grands calices. Plusieurs prêtres distribuent la communion, qui dure souvent plus de deux heures. L’après-midi est consacrée aux enseignements, aux visites des pauvres et des malades, aux personnes âgées… Le père rentre rarement chez lui avant minuit.

Malgré ses occupations multiples, il a le temps de tenir une sorte de journal intime, où sont consignées quotidiennement ses pensées, généralement à partir de ses lectures liturgiques. Ma Vie en Jésus-Christ comprend plus d’un millier de pages dans l’édition de 1893. Quant à ses prêches, ils couvrent à eux seuls quelque mille huit cents pages.

Les dernières années de sa vie sont marquées par la maladie, qu’il supporte avec une douceur extraordinaire. Il refuse pendant ce temps de rompre son jeûne. Le 10 décembre 1908, il célèbre la sainte liturgie pour la dernière fois dans la cathédrale Saint-André de Cronstadt. À 7 heures 40, le matin du 20 décembre 1908, il rejoint Dieu. Il avait prophétisé l’instant précis de sa mort quelques semaines auparavant.

Patrick Sbalchiero, membre de l’Observatoire international des apparitions et des phénomènes mystiques.


Au delà

La réputation du saint dépasse de très loin la Russie et le monde orthodoxe. Le dimanche 8 septembre 2019, à Washington (États-Unis), une fête est organisée pour le soixante-dixième anniversaire de la paroisse orthodoxe russe Saint-Jean-Baptiste. Dans le cadre des célébrations de cette journée, un monument en bronze de trois mètres de hauteur représentant saint Jean de Cronstadt est inauguré et placé devant l’église.


Aller plus loin

Alla Selawry, Jean de Cronstadt : médiateur entre Dieu et les hommes, Paris, Le Cerf, 2001.


En complément

  • Jean de Cronstadt, Ma vie en Jésus-Christ, Paris, Lethielleux, (son journal spirituel).

  • Jean de Cronstadt, Dans la lumière du Christ, Icône de Marie, 1999.

  • Jean de Cronstadt, Season of Repentance: Lenten Homilies of Saint John of Kronstadt, traduit par Sergio Tancredo Sette Camara E Silva, Holy Trinity Publications, 2015.

  • La vidéo d’Arnaud Dumouch : «  La vie et l’œuvre théologique de saint Jean de Cronstadt, prêtre orthodoxe russe (1829 – 1908) ».

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