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Les saints
Tours (Gaule)
Nº 513
IIIe siècle

Gatien, apôtre de la Touraine (IIIe s)

Lorsque saint Martin devient archevêque de Tours, en 371, l’un de ses premiers soucis est de donner une sépulture convenable au premier évangélisateur de la cité, saint Gatien. Si la chrétienté locale a conservé le souvenir de l’emplacement présumé de la tombe du prélat missionnaire, la date et les circonstances réelles de sa mort sont sujettes à discussion. Mais il en faudrait plus pour décourager Martin.


Les raisons d'y croire

  • Dans son Histoire des Francs, saint Grégoire de Tours fait état de sept évêques missionnaires envoyés en Gaule par le pape Fabien vers 240 afin de prendre en charge les nouvelles chrétientés gauloises apparues après le martyre des fidèles lyonnais, en 177 . En effet, le courage de Blandine et de ses compagnons a beaucoup frappé les esprits et le message de l’Évangile a été propagé dans plusieurs régions de Gaule. C’est pour éviter que ces jeunes églises locales sombrent dans l’hérésie faute d’évangélisateurs compétents que Fabien a pris cette décision. Gatien, l’un des sept, s’aventure le plus au nord-ouest du pays.

  • Lorsque Martin arrive à Tours, en 371, tout le monde se souvient que Gatien est le fondateur de l’Église locale et personne ne le conteste. On sait très bien où il est enterré, dans le cimetière à l’extérieur de la ville. Or, Martin est soucieux de donner une digne sépulture à son prédécesseur. Il fait procéder à son exhumation puis, après avoir prié un long moment devant ce qui reste de son prédécesseur, il s’écrie, selon Grégoire : « Gatien, serviteur de Dieu, bénis-moi ! » En réponse, une voix solennelle monte de la tombe et dit : « Toi aussi, Martin, serviteur du Seigneur, bénis-moi. » Les restes de Gatien iront reposer dans le sanctuaire qui porte encore son nom.

  • La parole et la vie de Gatien avaient suscité bon nombre de conversions. Mais l’on sait aussi qu’après sa mort, l’Église de Tours fut abandonnée à elle-même, sans évêque ni prêtre, et le resta jusque vers 340 et l’arrivée de saint Lidoire, mort en 371. Il est tout à fait extraordinaire qu’au travers de ce long abandon, la communauté chrétienne ait survécu plus de soixante-dix ans, privée de sacrements et dans des conditions hostiles.

  • La force d’intercession du saint est visible pendant la guerre de Cent Ans, lorsque la seconde chevauchée du prince de Galles, dit le « Prince Noir », est stoppée devant Tours – chevauchée des troupes anglaises de Bordeaux jusqu’à la bataille de Poitiers, en 1356. Le chroniqueur anglais Geoffrey le Baker indique que le Prince Noir commande à mille hommes et cinq cents arbalétriers de s’emparer de la ville, de la piller et de l’occuper. Mais cette entreprise échoue en raison d’un véritable cataclysme météorologique : l’armée est empêchée par une « si merveilleuse tempête de vent, de tonnerre et de pluie que oncques n’en avait vu de semblable » et qui dure trois jours. Les Tourangeaux voient dans cet événement la réponse aux prières qu’ils ont adressées à saint Gatien et à saint Martin, protecteurs de la cité. Le Prince Noir en est personnellement si convaincu qu’il ordonne de ne plus rien entreprendre contre cette ville.


En savoir plus

Gatien – nom d’origine latine laissant supposer que son porteur appartient au presbyterium du pape Fabien – est envoyé en Gaule par celui-ci vers 240, en même temps que les saints Trophime, Paul, Austremoine, Martial, Saturnin et Denis afin d’y consolider les jeunes chrétientés locales. Il est le seul du groupe à s’aventurer vers l’ouest, où la romanisation reste la plus superficielle, car ces régions sont aussi celles où la Bagaude, un vaste mouvement insurrectionnel, est la plus active. Ce sera d’ailleurs sans doute la chance de Gatien car, pour beaucoup de Gaulois en lutte contre le pouvoir impérial, les chrétiens persécutés par les autorités d’occupation sont sympathiques et ils auront tendance à les protéger, voyant en eux des alliés naturels.

Personne ne remet en doute ni l’existence de Gatien ni son rôle de fondateur de l’évêché de Tours, ce que saint Martin, son second successeur, ne songe nullement à contester – preuve que la Tradition est bien établie dans la région. Hélas, l’on ne sait plus quel fut précisément son sort ni à quelle date il mourut. Certains affirment que ce fut en 269, d’autres disent beaucoup plus tard, après presque cinquante ans d’épiscopat. Les uns affirment qu’il fut martyrisé, d’autres qu’il est mort paisiblement de vieillesse… thèse qui tend à s’imposer aujourd’hui.

Pourtant, pendant longtemps, personne n’a remis en cause le martyre de Gatien, qui, tout comme saint Denis et saint Saturnin, ses compagnons évangélisateurs, serait mort pour le Christ. Même si nous ne possédons aucun document à ce sujet, l’ancienne croyance selon laquelle Gatien serait mort martyr en 369 semble plus probable que l’hypothèse moderne le laissant mourir de vieillesse sans avoir prévu sa succession, sans se préoccuper du sort de son Église, livrée à elle-même pendant soixante-dix ans. De plus, il serait étonnant que Gatien ait échappé aux persécutions qui ont déjà violemment repris en Gaule, épargnant peu de communautés chrétiennes. Le soin de saint Martin à rendre à Gatien les honneurs funéraires va aussi dans le sens du martyre, car nous sommes encore à une époque où le chemin vers la sainteté le plus reconnu est le martyre, et les seuls saints vénérés sont les témoins morts pour le Christ.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

  • Saint Grégoire de Tours, Histoire des Francs, disponible en ligne .


En complément

  • Saint Grégoire de Tours, De miraculis sancti Martini episcopi, disponible en ligne (en latin).

  • Saint Grégoire de Tours, De gloria beatorum confessorum, disponible en ligne (en latin).

  • Sur le site Internet Les Portes du Temps, voir l’ itinéraire de la chevauchée du Prince Noir de 1356 . Les sources historiques sur le siège de Tours y sont présentées et détaillées.

  • Les articles 1 000 raisons de croire parus sur saint Martin .

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