
Apparition, prophétie et guérisons de la Vierge Marie dans le Nord de la France (600)
Vers 640, Ermengarde et son mari, Salvaert, prince dijonnais, se rendent ensemble en Angleterre. Alors qu’ils sontvictimes de brigands dans le bois de Sans-Merci, Salvaert est tué et sa femme, enceinte, est faite prisonnière. Elle parvient à se libérer et trouve refuge près de la « Fontaine du Saulx », où la Vierge Marie lui apparaît, la rassure et prophétise un bel avenir pour son enfant à naître. Depuis lors, l’Église catholique honore sans discontinuité Notre Dame de la Treille. À travers le temps nous sont parvenues des collections de récits de miracles, dans lesquels diverses pathologies et guérisons sont parfaitement décrites (cécité, peste, paralysie des membres, etc.), car chaque cas est détaillé et authentifié par des chanoines responsables du sanctuaire.
Les raisons d'y croire
La prophétie de l’apparition s’est réalisée : Lydéric, fils d’Ermangarde, est devenu forestier de Flandre sur ordre du roi Clotaire II, et fondateur de la ville de Lille.
Le comte de Flandre, Baudouin V (1012 – 1067), est le témoin direct de la guérison miraculeuse de son père, Baudouin IV, par l’intercession de Notre Dame de la Treille, dont il est un grand dévot. Il ordonne d’installer sa statue dans l’édifice qu’il fait bâtir à partir d’août 1066, la collégiale Saint-Pierre, le plus vaste édifice religieux de Lille jusqu’à la Révolution.
À partir du XIIe siècle,le sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Treille devient un lieu de pèlerinage national et même européen, comme en témoignent les innombrables ex-voto et offrandes diverses des miraculés en ce lieu.
Au XIIIe siècle, les miracles se poursuivent, notamment le 14 juin 1254 : plusieurs dizaines de malades recouvrent soudainement la santé tandis qu’ils prient au pied de la statue mariale (Henri Delassus, Origine de l’archiconfrérie de Notre-Dame-de-la-Treille, patronne de Lille, Paris, Desclée de Brouwer, 1891). L’évêque de Tournai, après une enquête rigoureuse, reconnaît cinquante-trois de ces miracles.
En 1269, la comtesse Marguerite de Flandre instaure une procession annuelle en l’honneur de Notre Dame de la Treille. L’année suivante, des fêtes sont organisées avec le concours des autorités civiles lilloises et de tout le clergé pour célébrer les miracles obtenus par son intercession. La mise en place de ces différents événements soutient la réalité des miracles rapportés.
Entre 1519 et 1527, vingt-neuf personnes possédées par le diable sont libérées par la Vierge de Lille. On note également pendant cette période de nombreuses guérisons de cas de cécité, de hernies, de paralysies des membres et de cas de peste. On peut citer l’exemple de Marie de Lescurie, lilloise, paroissienne de Saint-Étienne, qui était possédée. Sa délivrance est authentifiée après une enquête à laquelle prennent part les prévôts, les doyens et trésoriers de la collégiale de Lille, l’archidiacre de Tournai, plusieurs curés lillois, un médecin et les parents de la possédée. Cette libération est publiquement reconnue par l’Église le 28 avril 1639.
En 1634, après de nouveaux miracles spectaculaires, Jean Le Vasseur, bourgmestre de Lille, consacre la ville à Notre Dame de la Treille. Lille devient « Insula Civitas Virginis »(« Lille cité de la Vierge »). Les autorités municipales déposent les clés de la ville sur l’autel, à l’offertoire de la messe de consécration, le 28 octobre 1634.
La même année, l’empereur d’Autriche Ferdinand II devient membre de la confrérie de Notre-Dame-de-la-Treille. Il remporte peu après une importante bataille contre les Suédois à Nördlingen, dont il attribue l’issue à l’intercession de Marie.
Les miracles de Notre-Dame-de-la-Treille sont connus, répertoriés, constatés et critiqués, au moins depuis l’époque moderne. L’abbé Walerand Crudenaire, chanoine de la collégiale Saint-Pierre, a rassemblé tous les témoignages existants depuis le Moyen Âge, et ces multiples prodiges ont été reconnus en 1617 par l’évêque de Tournai, Mgr Jacob Maximilien Villain de Gand.
Les personnalités venues en pèlerinage à Lille ne se comptent plus : l’empereur Charles Quint et son fils Philippe II, roi d’Espagne, le duc Philippe Le Bon (ce dernier plaça l’ordre de la Toison d’or espagnole, lors de sa création, sous le patronage de Notre Dame de la Treille), Louis XIV en 1667 (le Roi-Soleil fait le serment, devant la statue, de préserver les libertés des Lillois), etc. Depuis la fin du Moyen Âge, Notre Dame de la Treille a une « sainte escorte » en la personne de quatre immenses saints catholiques, tous les quatre pèlerins des lieux : saint Bernard de Clairvaux († 1153), saint Thomas Beckett († 1170), Saint Louis, roi de France (pèlerin en 1255) et saint Vincent Ferrier († 1419).
En 1874, le pape Pie IX fait couronner la statue de Notre Dame de la Treille, conférant ainsi au sanctuaire une reconnaissance officielle.
Les six stalles entourant le chœur de la cathédrale figurent des miracles de Notre Dame de la Treille, et le vitrail central de la « Sainte-Chapelle », où l’on conserve sa statue, évoque Marie sous ce vocable. L’importance du sanctuaire se mesure aussi dans la beauté de la décoration de la cathédrale.
Malgré les ravages de la Révolution française (la collégiale Saint-Pierre est totalement détruite), le culte rendu à Notre Dame de la Treille n’a jamais cessé depuis bientôt quatorze siècles.
En savoir plus
Vers 640, Ermengarde (ou Hermengarde), épouse de Salvaert, prince de Dijon (France, Côte-d’Or), se rend en Angleterre en compagnie de son mari. Ils voyagent sans escorte. Parvenu au bois de Sans-Merci, non loin du château de Buc, où s’élève aujourd’hui la cathédrale de Lille dédiée à Notre Dame de la Treille, le couple est attaqué par des brigands sans foi ni loi, à la solde d’un seigneur local nommé Phinaert. Salvaert est tué et Ermangarde, quoiqu’enceinte, est faite prisonnière sans ménagement. La jeune femme réussit à s’échapper peu après. Après une course effrénée, elle parvient dans une clairière, où elle découvre une fontaine ombragée par des saules (« Fontaine del Saulx »). Elle s’assied. Soudainement, la Vierge Marie lui apparaît. Vêtue comme une reine, elle porte l’Enfant Jésus dans ses bras. Son regard est d’une grande douceur. Elle dit au bout d’un moment : « Ne perdez pas courage, bientôt vous serez mère d’un fils qui sera le sauveur du pays et vous mettra vous-même en liberté. » Ermangarde voudrait la remercier de sa présence, mais l’émotion est si vive qu’elle ne peut s’exprimer. L’apparition la regarde une dernière fois puis disparaît.
La prophétie de la Vierge a été pleinement réalisée, puisque Lydéric provoqua en duel l’assassin de son père et devint « forestier » de Flandre sur ordre du roi Clotaire II, puis fut le fondateur de la ville de Lille. Le récit d’Ermangarde est rapidement cru par le clergé de l’époque. Une telle femme ne pourrait mentir et la mort tragique de son mari prouve la réalité de l’attaque dont elle a été la victime. Son salut et celui de son futur enfant montrent qu’elle a été mystérieusement protégée. Peu à peu, la Fontaine del Saulx devient un lieu de pèlerinage, d’abord local puis régional. Des guérisons et des conversions sont alléguées en nombre. Après l’an mil, une première chapelle votive y est édifiée.
Dans le premier tiers du XIe siècle, le comte de Flandre, Baudouin IV († 1035), est miraculeusement guéri par l’intercession de Notre Dame de la Treille. Son fils, Baudouin V, lui-même fervent dévot de Marie, est témoin du prodige. Il fait installer une statue de Notre Dame de la Treille à l’intérieur du plus vaste monument religieux de Lille jusqu’à la Révolution, la collégiale Saint-Pierre, dont le chantier est ouvert sur son ordre en août 1066. Dès lors, l’endroit est massivement fréquenté par des pèlerins venus des quatre coins de la région, et de bien au-delà. Le clergé organise progressivement le pèlerinage.
Le 2 juin 1254 se produit un événement exceptionnel : plusieurs dizaines de malades recouvrent subitement la santé tandis qu’ils prient au pied de la statue mariale. Après une enquête très rigoureuse, l’évêque de Tournai reconnaît le miracle pour cinquante-trois d’entre eux. Les chanoines décident de protéger la statue miraculeuse par une grille en fer forgé, qui deviendra au fil du temps le support des offrandes des pèlerins. En 1264, le pape Alexandre IV, informé de ces prodiges, fonde une confrérie en l’honneur de Notre Dame de la Treille, avec des indulgences pour les pèlerins du sanctuaire. Celle-ci deviendra une grande archiconfrérie qui regroupera une partie de l’élite du royaume. En 1269, Marguerite de Constantinople, comtesse de Flandre, met sur pied une procession annuelle à Lille, en l’honneur de la Vierge, le dimanche après la fête de la Sainte-Trinité, lorsque les chanoines de Saint-Pierre célèbrent une messe en l’honneur de Notre Dame de la Treille. Cette procession dure jusqu’en 1792. L’année suivante est marquée par la célébration de plusieurs fêtes en souvenir des miracles de Marie accomplis depuis 1254.
De 1519 à 1527, une trentaine de personnes possédées du démon sont libérées devant la statue. Chaque cas est décrit et authentifié par des chanoines responsables du sanctuaire. C’est pour cette raison que nous sont parvenues des collections de récits de miracles. Diverses pathologies y sont parfaitement décrites : cécité, peste, paralysie des membres, etc.
À partir du début du XVIe siècle, le nombre de pèlerins croît sans cesse. Parmi eux, nous trouvons nombre de noms illustres : l’empereur Charles-Quint, son fils Philippe II d’Espagne, Louis XIV en 1667… En 1634, Jean Le Vasseur, bourgmestre de Lille, consacre la ville à Notre Dame de la Treille. Lille devient « cité de Marie ».
Après la période révolutionnaire, qui voit l’arrêt complet des cérémonies et de la procession annuelle, ainsi que la destruction de la collégiale Saint-Pierre, le sanctuaire retrouve progressivement sa popularité sous la Restauration. La chapelle votive médiévale est remplacée à partir de 1854 par une église néogothique, aux dimensions beaucoup plus vastes, transformée en cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille le 25 octobre 1913, lors de la création du diocèse de Lille, puis désignée enfin comme siège de l’archevêché de Lille en 2008.
La papauté a continué d’honorer le lieu, comme elle l’a fait depuis le XIIIe siècle : en 1874, le pape Pie IX fait couronner la statue de Notre Dame de la Treille, conférant ainsi au sanctuaire une reconnaissance officielle. À sa suite, le pape saint Pie X érige l’édifice au rang de basilique mineure en 1904, puis il crée le chapitre cathédrale de Notre-Dame-de-la-Treille, dont les statuts (1924) prévoient un dignitaire ecclésiastique nommé par le pape et quinze chanoines titulaires.
Voici 1 384 ans que la Vierge protectrice de la « Fontaine del Saulx » veille sur Lille et ses habitants.
Patrick Sbalchiero
Au delà
Des auteurs affirment que l’histoire de Notre-Dame-de-la-Treille serait une pieuse légende. Cette hypothèse ne résiste pas à l’analyse : le sanctuaire existe depuis près de quatorze siècles et n’a jamais périclité et tous les actes mentionnant des faits miraculeux sur ces lieux sont conservés. L’attention et l’intérêt portés par l’Église sont amplement manifestes.
Aller plus loin
Notre-Dame de la Treille. Lille, cité de la Vierge, Abbeville, slnd., 34 pages.
En complément
Édouard Hautecoeur, Histoire de l’église collégiale et du chapitre de Saint-Pierre de Lille, Lille, L. Quarré, 1899, 3 t.
Pierre Pierrard, Histoire des diocèses de France. Les diocèses de Cambrai et Lille (t. 8.), Paris, Beauchesne, 1978.
Anne Bernet, Notre-Dame en France, 52 pèlerinages, Paris, Éditions de Paris, 2010.
Xavier Boniface (dir.), Olivier Liardet (dir.) et Frédéric Vienne (dir.), Lille, la grâce d’une cathédrale : La Treille, lumière du Nord, La Nuée Bleue, 2014.