
Bernadette Soubirous, bergère qui vit la Vierge (1858)
Le 16 avril 1879 entre au Ciel sœur Marie-Bernard, plus connue sous le nom de Bernadette Soubirous, cette petite bergère qui vit la Vierge à dix-huit reprises en 1858 à la grotte de Massabielle. Née dans une famille lourdaise d’une grande précarité, elle fut pourtant à l’origine de l’édification d’un des plus grands lieux de pèlerinage du monde. Des guérisons inexpliquées et d’autres miracles s’y produisent encore régulièrement de nos jours. Après les apparitions, la « petite Bernadette » est entrée chez les Sœurs de la Charité, à Nevers, où elle vécut l’Évangile sur un mode héroïque.
Les raisons d'y croire
En quelques mois, Bernadette doit répondre à une trentaine d’interrogatoires (police, clergé, évêque…) au sujet des apparitions : c’est énorme pour une adolescente qui n’a jamais connu une telle situation ; sa fermeté est un signe tangible de ce qu’elle rapporte. En 1879, le docteur Balencie, l’un des trois médecins ayant examiné Bernadette, dès la fin mars 1858, écrit : « J’ai été très frappé de la continuité des visions de Bernadette. Il y avait là une chose bien étonnante. Il était difficile d’admettre cette persistance d’illusions. »
Au regard de son absence d’instruction – y compris en matière religieuse –, on conçoit très mal de quelle façon Bernadette serait parvenue à inventer de tels récits et à duper le curé de Lourdes (au départ hostile aux apparitions), l’évêque de Tarbes et les policiers, sans jamais se contredire ou déformer sa narration.
En réalité, Bernadette n’avait aucune raison d’inventer quoi que ce soit : au contraire ! À l’époque, son père a eu affaire aux services de police (27 mars 1857). Dans ce contexte, prétendre voir la Mère de Dieu risque de vous marginaliser encore davantage.
Elle n’agit pas pour l’appât du gain puisqu’elle n’a jamais accepté le moindre argent ni le plus petit cadeau de quiconque, malgré la misère dans laquelle vivent les siens.
À l’issue de la première apparition (11 février 1858), les réactions sont toutes négatives : personne n’y croit. Les deux camarades de Bernadette reçoivent des coups de bâton et les Soubirous interdisent à leur fille de retourner à la grotte. Maintenir son mensonge et même le continuer n’a aucun sens dans ces conditions.
Après les apparitions, Bernadette poursuit sa route, en devenant sœur de la Charité à Nevers, où elle prie et soigne les malades. La vie religieuse cloîtrée qu’elle y mène pendant treize ans ne montre aucun symptôme psychiatrique. Au contraire, on y apprécie sa personnalité équilibrée, son humilité et son abnégation.
Le 25 octobre 1866, Mgr Forcade, évêque de Nevers, administre les derniers sacrements à Bernadette, tombée malade à l’infirmerie de la communauté de Nevers. Elle guérit quelques heures après, de manière totalement incompréhensible. Bernadette Soubirous rend son âme à Dieu bien des années plus tard le 16 avril 1879 avec ces mots : « Mon Jésus, oh que je l’aime !... Priez pour moi, pauvre pécheresse. »
Bernadette Soubirous a été béatifiée le 14 juin 1925 par le pape Pie XI, puis canonisée le 8 décembre 1933 par ce même souverain pontife. C’est évidemment une marque de confiance et de reconnaissance absolue de la part des plus hautes autorités de l’Église.
Les multiples guérisons (soixante-dix cas reconnus miraculeux par l’Église, auxquels on peut ajouter plus de sept mille signalements fondés) confirment la vérité des dires de Bernadette.
En savoir plus
Bernadette (née en fait Marie-Bernarde, Bernadette étant un diminutif) vient au monde à Lourdes le 7 janvier 1844 dans une famille pauvre. Son père est meunier et elle est l’aînée des huit enfants, dont quatre seulement vont atteindre l’âge adulte.
Elle passe les deux premières années de sa vie chez une nourrice, non loin de Lourdes, puis revient chez ses parents. Souffrante dès l’enfance, elle est entourée de beaucoup d’affection.
À la maison, il n’est guère question d’école. Bernadette a la responsabilité d’une grande partie des tâches ménagères et doit s’occuper des frères et sœurs plus petits.
En 1854, la famille est contrainte de quitter son moulin pour s’installer à Lourdes dans le fameux « cachot », rue des Petits Fossés, l’ancienne prison municipale, surnommé ainsi tant l’endroit est misérable. C’est le début d’un cycle infernal de la misère.
Bernadette loge alors une partie de l’hiver chez une tante possédant un café, qu’elle aide également, y compris à servir les clients. En septembre 1857, elle est engagée comme bergère par son ancienne nourrice, qui lui promet d’aller au catéchisme pour préparer sa première communion car, à cette date, la sainte ne connaît que son chapelet.
C’est en allant chercher du bois le long des rives du Gave, avec deux camarades, que tout commence, le 11 février 1858. Après avoir entendu à deux reprises un grand bruit, comme un « coup de vent », son regard se tourne vers la grotte en face d’elle. Là, au creux du rocher, elle perçoit une belle lumière de laquelle surgit la forme d’une « dame » vêtue de blanc, avec une ceinture bleue, une rose jaune sur chaque pied et un chapelet autour du bras. Surprise, elle veut faire un signe de croix, mais son bras ne répond pas ; l’apparition fait elle-même un signe de croix, mais ne dit rien.
Dix-sept autres apparitions vont se succéder au même endroit jusqu’au 16 juillet suivant. La Vierge assure à Bernadette, qui tombe en extase, qu’elle ne peut lui promettre le bonheur dans cette vie, mais dans l’autre. Le jeudi 25 février 1858, en présence de trois cent cinquante personnes, une source d’eau est découverte : c’est le commencement d’une pratique, ininterrompue depuis cette époque, accomplie par des dizaines de millions de personnes, selon l’invitation de Marie ce jour-là : « Allez boire à la fontaine et vous y laver. »
Puis, le 2 mars, la voyante reçoit trois secrets et l’ordre d’aller dire aux prêtres de venir en procession à la grotte et de faire construire une chapelle. Le 25 mars 1858, l’apparition décline son identité : « Je suis l’Immaculée Conception. »
Déjà, les premiers miracles de guérison sont attestés. Des foules se précipitent à chaque apparition. Les pouvoirs publics ferment un moment l’accès à la grotte de Massabielle. On interroge et on ausculte Bernadette. Rien d’anormal n’est relevé. La science ne peut expliquer la cohérence parfaite des récits de la petite sainte.
Le 18 janvier 1862, Mgr Laurence, évêque de Tarbes, rend son jugement : « Cette apparition revêt tous les caractères de la vérité […]. Les fidèles sont fondés à la croire certaine. »
En 1866, Bernadette quitte Lourdes pour le couvent des Sœurs de la Charité de Nevers, où elle va passer le reste de ses jours. Contrairement à ce que l’on a pu prétendre, la sainte n’a pas été retenue prisonnière à Nevers, et sa vocation religieuse a été longuement mûrie : après les apparitions, elle reste encore huit ans à Lourdes. Admise le 16 juillet 1860 comme pensionnaire à l’hospice de la ville, tenu par les sœurs de Nevers, elle donne sa réponse positive le 4 avril 1864, mais ne fait son entrée au couvent de Nevers que le 7 juillet 1866.
Elle y exerce la charge d’aide-infirmière, mais gère en réalité toute l’infirmerie.
Elle prononce ses vœux perpétuels en septembre 1878. Mais elle tombe gravement malade. Elle offre à Dieu ses souffrances dans un esprit d’humilité invraisemblable.
Le 11 décembre 1878, elle est contrainte de s’aliter dans l’infirmerie qu’elle a tenue jusqu’ici. Le 16 avril suivant, elle rend son dernier soupir.
La petite voyante, souffreteuse dès l’enfance, inculte et obstinée à défendre la vérité de ses récits, est béatifiée en 1925 par le pape Pie XI. L’Église proclame sa sainteté le 8 décembre 1933. Son corps, resté intact, est vénéré dans une châsse, dans la chapelle du couvent de Nevers.
Patrick Sbalchiero
Au delà
Bernadette Soubirous est un modèle d’humilité, de courage et de renoncement : ses vertus n’ont jamais été prises en défaut de 1858 à sa mort, alors qu’elle subissait une pression incalculable de la part de ses contemporains, de ceux qui refusaient de croire aux apparitions comme de ceux qui y croyaient, ce second groupe voyant en elle une « sainte » avant la lettre, une élue de Dieu qu’il aurait fallu exalter, combler de richesses, isoler du monde.
La « petite Bernadette » a vécu sa vocation et les rapports humains sur le mode de l’effacement d’elle-même, qui est l’autre nom de la grandeur chrétienne.
Aller plus loin
Dom Bernard Billet, « Bernadette Soubirous (sainte, 1844 – 1879) », dans Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, Paris, Fayard, 2002, p. 98-100.
En complément
René Laurentin, Sens de Lourdes, Paris, Lethielleux, 1955.
Id., Lourdes. Récits authentiques des apparitions, Paris-Lourdes, 1966.
Id., Petite vie de Bernadette, Paris, Desclée de Brouwer, 1978.
Id., « Lourdes », dans René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des apparitions de la Vierge Marie, Paris, Fayard, 2007, p. 560-568.
Patrick Sbalchiero, Apparitions à Lourdes. Bernadette Soubirous et les miracles de la Grotte, Paris, Presses du Châtelet, 2008.