
Jeanne-Marie de Maillé traverse les humiliations et la misère accompagnée par la Vierge Marie (+1414)
En 1341, Jeanne-Marie de Maillé, fillette d’une dizaine d’années, voit Notre Dame lui apparaître, qui tient l’Enfant Jésus dans ses bras. Dès cette heure, elle n’a plus qu’un désir : se donner à Dieu corps et âme. Mais ses parents, bien qu’elle ait fait vœu de virginité, décident de la marier à Robert de Sillé. C’est un ami d’enfance de Jeanne-Marie, à qui elle sauva la vie par ses prières un jour qu’il allait se noyer. Épouse puis veuve, Jeanne-Marie se consacre à la prière et à des œuvres de charité, restant fidèle jusqu’à sa mort, à Tours, le 28 mars 1414, au vœu qu’elle avait fait devant la Vierge Marie.
Les raisons d'y croire
L’on ne peut mettre en doute l’apparition – la première d’une longue série –, dont la demoiselle de Maillé a bénéficié ce soir de 1341. Outre qu’elle inaugure une suite d’expériences mystiques qui ont été authentifiées par l’Église, elle a trop profondément marqué la jeune fille pour qu’il s’agisse d’une illusion, et c’est afin de rester fidèle à la promesse faite à cette occasion qu’elle endurera par la suite d’innombrables problèmes et difficultés auxquels elle aurait pu mettre un terme en renonçant à son vœu. Elle devait être bien certaine de sa vision et de la réalité de son engagement pour avoir supporté les persécutions, les accusations et les injustices qui seront son lot par la suite.
Jeanne-Marie a une vie de prière ardente et une foi hors du commun. C’est d’ailleurs cette foi qui a permis à Jeanne-Marie d’obtenir toute jeune son premier miracle. Durant l’été 1342, en Touraine, alors qu’un groupe d’enfants – parmi lesquels Jeanne-Marie et Robert – joue au bord de la rivière, le petit garçon tombe à l’eau. Incapable de regagner seul la rive, il est en grand danger de se noyer. Tandis que leurs camarades partent, affolés, chercher le secours des adultes, Jeanne-Marie, consciente de l’urgence de la situation et ne pouvant rien faire elle-même pour sauver son ami, s’agenouille et implore Notre Dame de lui venir en aide. Presque aussitôt, Robert parvient à agripper une branche assez solide pour lui permettre de regagner la rive. Il garde de cet accident la certitude de devoir la vie à la prière de mademoiselle de Maillé, envers laquelle il s’estimera éternellement en dette.
Aussi sauvegardera-t-il le vœu de Jeanne-Marie. Évidemment, chaque jour, cette décision coûte beaucoup aux époux. Leur chaste amour, qu’ils subliment ensemble dans la prière et l’exercice inlassable de la charité, ne cesse de croître au fil de leur vie commune. Seule une protection divine explique comment ils y parviendront, jusqu’à la mort de Robert, tué au combat en 1362.
Tenue pour responsable de l’absence d’héritier pour la baronnie de Sillé et de la ruine familiale, que l’on estime due à ses dispendieuses aumônes, Jeanne-Marie est jetée dehors par sa belle-famille. Elle ne se défend ni ne proteste contre cette criante injustice. Tertiaire franciscaine, elle se souvient que l’une des plus grandes disciples de saint François, Élisabeth de Hongrie, a connu, au siècle précédent, le même malheur sans se plaindre. En choisissant de l’imiter, Jeanne-Marie prouve combien elle vit intimement et parfaitement la spiritualité franciscaine.
Elle devient un temps infirmière à l’hôpital Saint-Martin, à Tours. Ce genre d’activité est alors considéré comme dégradant et indigne d’une femme de la noblesse. Mais, loin de la servir, cette volonté d’abaissement et d’humilité dérange et suscite de la méfiance.
À partir de 1387, Jeanne-Marie bénéficie à nouveau de visions et d’apparitions de Notre Dame, tantôt avec l’Enfant Jésus, tantôt accompagnée de saint François. Lors de la translation de leurs reliques, elle voit aussi les évêques patrons de Tours, Gatien et Martin. Sa vie mystique ne fait qu’empirer sa réputation ; certains font même courir le bruit que la baronne de Sillé est mentalement dérangée. Jeanne-Marie se tait, démontrant qu’elle est détachée ici-bas des choses de la vie parce qu’elle a en vue des réalités autrement essentielles.
Elle quitte Tours pour vivre en ermite dans la forêt de Champchevrier. Sa notoriété attire cependant les foules qui ne tardent pas à la créditer de nombreux charismes de guérison, de lecture dans les âmes et de conseil. Au bout de deux ans, elle regagne Tours afin d’échapper à cette renommée malvenue. Mais personne ne mettra plus en doute une réputation de sainteté qui s’appuie désormais sur d’authentiques miracles.
En savoir plus
Née en Touraine vers 1330 au sein d’une famille de la noblesse chevaleresque, Jeanne-Marie de Maillé est une fillette très pieuse qui connaît tôt ses premières expériences mystiques quand, le soir de Noël 1342, elle voit la Vierge Marie et l’Enfant Jésus et s’engage devant eux par un vœu de virginité perpétuelle. L’été suivant, elle découvre aussi le pouvoir de la prière lorsque la sienne sauve la vie de son petit voisin, Robert de Sillé, sur le point de se noyer. Une complicité affectueuse et indéfectible naît entre les deux enfants, si profonde que leurs familles décident de les marier.
Si d’autres saintes, ses contemporaines, telles Brigitte de Suède ou Françoise Romaine, par exemple, pareillement mises par leurs parents dans l’obligation d’accepter un mari alors qu’elles aspiraient au cloître, ont fini par s’y résoudre – quitte à voir le Ciel leur permettre ensuite d’embrasser la vie religieuse –, Jeanne-Marie va tenter de concilier sa promesse à Dieu et l’obéissance due à ses parents. Robert, afin de sauvegarder le vœu de son amie, s’engage à ne jamais consommer leur union. Pendant près de vingt ans, le baron et la baronne de Sillé vont vivre une union, blanche certes, mais parfaitement heureuse, car le couple partage le même goût de la prière, un identique engagement dans le tiers ordre franciscain et le même amour des pauvres, donnant sans compter aux œuvres de charité, bien que, en cette guerre de Cent Ans, ils aient subi en représailles l’incendie de leur château de Sillé, en 1356, et la perte de leurs biens lors d’un raid anglais sur la Touraine. C’est d’ailleurs lors d’un combat contre les Anglais que Robert est tué en 1362.
Dès lors, la vie de Jeanne-Marie, chassée par sa belle-famille, puis par ses parents pour avoir refusé leurs projets de remariage, sera une longue errance de couvent en couvent, sans être reçue définitivement nulle part, en fonction des humbles services domestiques qu’elle peut rendre. La jeune veuve accepte tout, heureuse de pouvoir aider encore les pauvres et prier tranquillement, renouant avec les expériences mystiques de sa prime jeunesse. Un temps retirée dans un ermitage au fond de la forêt de Champchevrier, elle acquiert bientôt une réputation de sainteté qui l’oblige à regagner Tours. Ses dernières années seront plus sereines, les doutes sur son équilibre mental s’étant dissipés et beaucoup ayant recours à ses conseils, si avisés qu’ils en paraissent inspirés d’en haut. Elle meurt à Tours le 28 mars 1414, à quatre-vingt-deux ou quatre-vingt-trois ans, en odeur de sainteté.
Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.
Au delà
L’Église a officialisé la dévotion qui est rendue à Jeanne-Marie Maillé à la fin du XIXe siècle en l’élevant au rang de bienheureuse. Elle est la patronne des tertiaires franciscains.
Aller plus loin
Abbé Jean Lemarchand, Jeanne-Marie de Maillé, Dame de Sillé, 2008.
En complément
Guido Fuga, La Bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, baronne de Sillé, modèle de la jeune fille, de l’épouse et de la veuve chrétienne, 1888.
Léopold de Cherancé, La Bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, 1905. Peut être consulté en ligne .
Ernest Audard, La Bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, Cattier, 1914.
Jean Barbier, Jeanne-Marie de Maillé, Éditions Le Château-d’Olonne, 1993.
L’article écrit par l’archiviste diocésain de Tours au sujet de la bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé .
Un vitrail datant de 1883 dans la collégiale Notre-Dame-de-l’Assomption, à Sillé-le-Guillaume, retrace la vie de Jeanne-Marie de Maillé.
L’article de Thérèse Griguer : « La vie et le procès de canonisation de Jeanne-Marie de Maillé », dans La Sainteté en Touraine au XVe siècle, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1984, pages 27 à 37. Peut être consulté en ligne .
La vidéo d’Arnaud Dumouch : « La vie de la bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé, veuve chassée par sa famille : le renoncement ».