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Une vague de charité unique au monde
Madagascar
Nº 587
Depuis 1989

Akamasoa : « l’expression de la présence de Dieu au milieu de son peuple pauvre » (1989)

Pedro Opeka est né le 29 juin 1948 à San Martin, près de Buenos Aires, de parents d’origine slovène. Il entre chez les Lazaristes en 1965. Il fait un premier séjour à Madagascar entre 1970 et 1972, et y retourne en 1976. Ne pouvant rester impassible devant l’extrême pauvreté de la population, père Pedro Opeka fonde en 1989 l’œuvre humanitaire Akamasoa (« les bons amis », en malgache). En trente-cinq ans, cette association est venue en aide à plus 500 000 personnes en leur offrant logement, travail ou instruction. La vie et l’œuvre du père Pedro Opeka sont un formidable témoignage de la foi et de l’espérance chrétiennes.


Les raisons d'y croire

  • En 1989, devant l’immense décharge d’Andralanitra et la détresse des personnes qui y vivent, Pedro Opeka raconte : «J’ai prié Dieu à genoux de m’aider à faire quelque chose pour eux. L’idée d’Akamasoa est née ce jour-là. » Cet endroit de misère est métamorphosé en l’espace de quelques années : 5 000 maisons ont été construites, ainsi que des routes, des structures médicales et des écoles qui permettent de scolariser 20 800 enfants, de la crèche à l’université.

  • Père Pedro a pourtant commencé sans argent et sans être connu. Mais il avait « l’assurance que Dieu n’abandonne pas ses enfants ». Ce qui a été accompli depuis illustre bien que la foi déplace les montagnes ( Mc 11,22-24 ).

  • Le père Pedro témoigne que « la divine Providence [les] aide chaque semaine, chaque mois, chaque année ». L’ampleur de ce qui a été accompli l’étonne lui-même : c’est bien au-delà de ce qu’il avait imaginé ou de ce qu’il aurait pu accomplir de ses propres forces. « Je ne pensais pas qu’un jour 40 000 personnes dépendraient directement de notre travail. Si j’avais su ça au début, j’aurais quitté Madagascar de frayeur ! »

  • Le père Pedro Opeka qualifie le travail qu’il mène d’« évangélique ». Il explique que « l’Église est le peuple de Dieu uni à Jésus qui avait tant d’amour envers les plus faibles. Être disciple du Christ doit conduire à aimer les pauvres. » Il ajoute : « en Afrique et à Madagascar, l’Église est très présente parmi les nécessiteux. Sans les missionnaires, les prêtres, les pasteurs, les religieuses, le continent serait plus pauvre encore. »

  • Pendant sa visite, le 8 septembre 2019, le pape François a soutenu qu’Akamasoa est « l’expression de la présence de Dieu au milieu de son peuple pauvre ». Les habitants témoignent que la fraternité et l’espérance qui y règnent sont un « signe tangible de l’amour de Dieu »pour eux.

  • La vie du père Opeka, sa charité et sa spiritualité amènent d’innombrables personnes à Jésus. En une cinquantaine d’années à Madagascar, il a célébré des dizaines de milliers de baptêmes. Chaque dimanche, des personnes viennent de tout le pays pour prier avec lui à la messe, qu’il célèbre devant 10 000 personnes.


En savoir plus

Retrouvez l’intégralité de l’interview du père Pedro Opeka dans le magazine 1000 raisons de croire n°7.

Mon père et ma mère ont fui la Slovénie pour l’Argentine. Je suis né dans ce monde nouveau au sein d’une famille très croyante de huit enfants. On vivait sobrement mais dans une grande joie : la foi n’était pas une coutume, c’était notre vie. Très vite, j’ai découvert Jésus, l’ami des pauvres, et j’ai voulu l’imiter. À 17 ans, je suis entré dans la congrégation Saint-Vincent-de-Paul pour devenir missionnaire. C’était trois mois après la fin du concile Vatican II : l’Église devenait la maison de tous, surtout des plus pauvres. Un jour, mon supérieur général m’a proposé une mission à Madagascar et je m’y suis installé définitivement en janvier 1976.

Sans moyen, sans argent, perdus au fond de la brousse, sans téléphone ni Internet, nous avons réussi à bâtir une communauté magnifique. On était pauvre, mais il y avait une joie immense difficile à dépeindre. Comme disait Maurice Zundel : « Je ne crois pas en Dieu, je le vis. » Quand les habitants voyaient la fraternité, le respect, la proximité, alors, bien sûr, ils demandaient le baptême. En 50 ans à Madagascar, j’ai baptisé des dizaines de milliers de personnes.

En 1989, je suis tombé très malade. J’avais dans l’idée de prendre une année sabbatique et de quitter définitivement l’île. Mais Dieu avait un autre plan. Ma communauté m’a demandé de devenir formateur de jeunes prêtres malgaches. Je me suis soigné et j’ai quitté le sud-est pour la capitale Antananarivo. Une semaine plus tard, je suis passé devant une décharge, à 8 kilomètres de la capitale et j’ai vu des centaines d’enfants et d’animaux se battre pour des ordures. Ça m’a fait un électrochoc. Le soir, impossible de dormir : à minuit, je me suis mis à genoux sur mon lit, j’ai levé la main et j’ai dit : « Seigneur, aide-moi à faire quelque chose pour ces enfants. » Je n’avais pas d’argent, je n’étais pas connu mais, le lendemain, je suis allé voir les gens de la décharge. Nous avons commencé à établir un plan et c’est comme ça qu’est né le mouvement Akamasoa (« les bons amis » en malgache).

Aujourd’hui, ce sont plus de 900 jeunes malgaches (assistantes sociales, infirmières, éducateurs, etc.) qui animent ce mouvement.Je ne pensais pas qu’un jour 40 000 personnes dépendraient directement de notre travail. Si j’avais su ça au début, j’aurais quitté Madagascar de frayeur ! Nous avons accueilli tous les exclus pour faire briller en eux cette étincelle divine qui existe dans chaque être humain. Ce sont désormais des personnes dignes. Nous avons 20 843 enfants et jeunes scolarisés, 12 000 d’entre eux mangent chaque jour à la cantine. La première école était sous un arbre ; aujourd’hui, nous avons des bâtiments et accueillons les jeunes de la crèche à l’université ! En 35 ans, jamais nous n’avons refusé l’accueil à une maman car, si Dieu existe, il y a toujours une place pour un pauvre.

La divine Providence nous aide chaque semaine, chaque mois, chaque année : je remercie Dieu et la Vierge Marie qui nous ont toujours protégés et guidés. Il ne faut jamais désespérer. J’ai commencé sans argent, sans notoriété, avec la seule assurance que Dieu n’abandonne pas ses enfants. Mais Dieu n’a pas de bras, pas de jambes : c’est à nous d’agir. J’habite dans une décharge que nous avons transformée. Je ne possède rien d’autre que la liberté, l’amour, la foi et l’espérance. Tout ce que j’ai m’a été donné pour les pauvres. Rien ne m’appartient, sauf mes vêtements. Mais quand on vit dans cet esprit de pauvreté et de partage, je vous certifie que la vie est beaucoup plus belle et joyeuse.

Il y a six ans, le pape François est venu nous visiter : on s’est embrassé comme deux frères. En une seconde, il a compris que les pauvres ici étaient debout, que les enfants de la rue étaient pleins de joie, que le peuple avait retrouvé sa dignité et sa liberté. Le Pape a encouragé notre travail évangélique et nous a dit : « Que la lumière que j’ai vue ici puisse se propager dans tout Madagascar et au-delà de ses frontières. » La foi et l’amour n’ont pas de frontières.

Marie-Ève Bourgois, d’après l’interview de Pedro Opeka pour le magazine 1000 raisons de croire.


Au delà

Père Pedro Opeka a été nominé à six reprises pour recevoir le prix Nobel de la Paix.


Aller plus loin

Plus d’informations disponibles sur le site Internet : www.perepedro-akamasoa.net .


En complément

  • Pedro Opeka est l’auteur de plusieurs livres, notamment : Combattant d’Espérance (JC Lattès, 2005), Le Cri des pauvres (Balland, 2015), Insurgez-vous ! (Rocher, 2017).

  • Le magazine 1 000 raisons de croire no 7 contient l’interview d’où est tiré cet article.

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