
Thomas Plumtree meurt ici-bas pour ne pas mourir à la vie divine (+1570)
Né dans le comté de Lincolnshire en 1520, Thomas Plumtree est un prêtre anglais qui a voulu rester catholique pendant les persécutions menées par la reine d’Angleterre Élisabeth Ire. Arrêté pour avoir célébré la messe catholique alors que la célébration en était prohibée, on lui offre la vie sauve à condition de se conformer à l’anglicanisme, ce qu’il refuse. Il meurt martyr par pendaison le 4 janvier 1570. Le pape Léon XIII le béatifie le 29 décembre 1886.
Les raisons d'y croire
En 1559, la reine Élisabeth demande à tout membre du clergé et du service public la soumission à sa personne en tant que chef et garant de la nouvelle religion anglicane. Face à cette situation, Thomas Plumtree renonce à sa position de recteur et devient simple maître d’école à Lincoln (Angleterre). S’il renonce ainsi à une carrière enviée, c’est pour un bien qu’il estime grandement supérieur : il veut rester catholique, c’est-à-dire fidèle à la foi romaine reçue de Jésus-Christ, héritée des apôtres et transmise par l’Église catholique.
En effet, l’Église a été fondée par le Christ dans le but de poursuivre sur terre son rôle , après son retour auprès de son Père, le jour de l’Ascension. La fidélité au Christ implique donc la fidélité à l’Église : fidélité à sa foi, à ses sacrements, et au pape légitime, qui est le successeur de saint Pierre, auquel Jésus-Christ a remis le gouvernement de l’Église.
La répression du « soulèvement du nord » que subit Thomas Plumtree est clairement dirigée contre la foi catholique. Un rapport rédigé en octobre 1573 par le comte de Huntingdon, alors président du Conseil du Nord, indique que le nombre de rebelles effectivement exécutés s’élève à « sept cents et quelques... entièrement constitués de personnes les plus modestes, à l’exception des échevins de Durham, de Plumtree, leur prédicateur, des constables et de cinquante hommes de service... » Il est possible d’échapper à la sanction de leurs « délits » en se soumettant à la religion anglicane et en versant une rançon. Sinon, ils sont fusillés ou pendus en raison de leurs convictions religieuses.
Arrêté comme rebelle à la reine Élisabeth, Thomas Plumtree est condamné à mort. Au dire du docteur Nicholas Sander, qui rapporte le fait un an et demi après qu’il s’est produit (les contemporains ont encore les événements en mémoire et pourraient le contredire s’il faisait erreur ou déguisait les faits), comme on offre la vie sauve à Thomas Plumtree pourvu qu’il apostasie la foi catholique, il répond que la vie d’ici-bas ne vaut pas la peine d’être goûtée si c’est au prix de mourir à la vie divine (cf. De visibili monarchia ecclesiae, 1580, p. 708).
Un des compagnons du bienheureux Plumtree, le prêtre William Holmes, écrit les lignes suivantes à un des conjurés gardé prisonnier en Angleterre : « J’ai prié pour votre réconfort spirituel et je suis heureux d’entendre parler de votre courage dans la cause de Dieu. Vous pouvez vous réjouir d’être jugé digne de souffrir pour l’amour de Dieu. Marcher sur la mer a mis à l’épreuve l’amour de Pierre, mais il n’a pas souffert de se noyer. Buvez de bon cœur la coupe de la persécution, bien qu’elle ait un goût amer, et votre récompense sera la vie éternelle. » C’est certainement la conviction de Thomas Plumtree au cours de sa vie, et particulièrement le jour de son martyre.
Un mémoire de William Cecil, alors secrétaire d’État, indique : « Afin d’inspirer une certaine terreur... des exemples particuliers doivent être faits à Durham, où les bibles et les prières communes ont été utilisées à mauvais escient... Un exemple notable doit être fait des prêtres qui ont participé à cette rébellion. » Le corps du bienheureux, comme celui de ses compagnons, est donc découpé en morceaux et les quartiers sont laissés suspendus à la potence dans le but de frapper les esprits.
En savoir plus
Quand Henri VIII fait publier en 1536 les « Dix articles », d’orientation assez protestante, afin de s’allier aux princes luthériens allemands, Thomas Plumtree a seize ans. Il en a trente-deux quand, après plusieurs modifications ultérieures, l’archevêque de Cantorbéry Thomas Cranmer rédige en 1552 les « Quarante-deux articles », donnant ainsi à la foi de l’Église d’Angleterre un caractère fortement calviniste. On voit que la lutte pour conserver la foi authentique de l’Église romaine fut probablement une préoccupation précoce chez le jeune Thomas.
Après la mort de la reine catholique d’Angleterre Marie Ire, en 1558, sa demi-sœur protestante Élisabeth lui succède, qui renoue avec les persécutions entamées contre les catholiques par leur père Henri VIII et leur demi-frère Édouard VI. La souveraine rétablit aussitôt l’autorité de l’Église protestante et décrète la doctrine réformée comme religion d’État, aux dépens du catholicisme restauré par Marie Tudor. Élisabeth s’érige elle-même, comme déjà leur père en 1534 par l’Acte de suprématie, chef suprême de l’Église anglicane, et devient en 1559, par le nouvel Act of Supremacy, « Supreme Governor of the Church of England » : l’Église d’Angleterre est déclarée absolument indépendante de Rome. À l’allégeance au souverain s’ajoute désormais le serment de répudier l’autorité spirituelle ou ecclésiastique de tout prince ou prélat étranger : obligation à laquelle tout membre du clergé ou du service public est tenu.
L’autorité spirituelle du pape sur la chrétienté est donc clairement niée ; elle est en outre considérée comme une ingérence étrangère dans la politique du pays. Ceux qui refusent de renoncer à reconnaître les droits spirituels du successeur de saint Pierre sur l’épiscopat anglais et irlandais sont regardés comme des traîtres à leur souverain et des ennemis cachés de l’Angleterre. Tous sont tenus, à la suite de l’Acte d’uniformité mis en pratique en 1559, de se soumettre aux pratiques cultuelles définies par le Book of Common Prayer, dont la première version de 1549, due déjà à l’archevêque Thomas Cranmer, présente une doctrine sacramentelle et liturgique très nettement protestante lors de sa révision en 1552. La présence eucharistique n’est plus considérée comme substantielle (Jésus-Christ est présent en personne dans l’eucharistie), mais seulement spirituelle, moyennant la foi des personnes qui assistent à la messe. Dans le domaine liturgique, la langue anglaise remplace le latin, le culte des saints est volontairement effacé et les images saintes sont retirées des églises. Cranmer attaque l’ascèse traditionnelle et par conséquent la vie monastique. Le salut, comme pour Luther, s’obtient selon lui par la foi seule. Aussi, le mariage des prêtres devient-il autorisé par la loi.
En 1563, l’Église d’Angleterre acquiert par la promulgation des « Trente-neuf articles », par le nouvel archevêque de Cantorbéry Matthew Parker, une doctrine réformée propre.
En 1569, le comte de Northumberland, Thomas Percy, et le comte de Westmoreland, Charles Neville, conduisent avec la noblesse catholique du nord de l’Angleterre le « soulèvement du nord » (« Rising of the North »). Leur dessein est de remplacer Élisabeth par la reine d’Écosse, Marie Stuart. La légitimité d’Élisabeth en tant que souverain d’Angleterre est en effet contestée, parce que le mariage de ses parents, le roi Henri VIII et Anne Boleyn, n’est pas considéré par tous comme valide. Marie Stuart, petite-fille de la sœur d’Henri VIII et de Marguerite Tudor, est le champion préféré des opposants à Élisabeth. Marie Stuart elle-même soutient ses prétentions au trône d’Angleterre. De nombreux catholiques anglais, particulièrement dans le nord de l’Angleterre, où nombre de hauts seigneurs sont restés fidèles au pape, se rallient aux revendications de Marie : ils voient en elle un moyen de remédier à la persécution religieuse menée par Élisabeth à leur égard. En novembre 1569, l’armée des insurgés occupe la ville de Durham et leurs chefs veulent entendre la messe catholique dans la cathédrale, interdite par Élisabeth. Thomas Plumtree, qui a rejoint l’opposition à Élisabeth et assiste l’armée catholique comme aumônier et prédicateur, la célèbre le 4 décembre de la même année. L’armée des conjurés descend vers le sud, mais la révolte s’avère être un échec : les chefs dispersent leurs forces le 16 décembre, puis fuient en Écosse avant de rejoindre le continent. Thomas Plumtree est pris au cours de sa fuite avec trois cents autres personnes et conduit à Carlisle, puis au château de Durham, où il est emprisonné. On lui propose d’abjurer la foi catholique et de se soumettre à la religion anglicane. Il refuse et il est pendu sur la place du marché de la ville. On l’enterre au cimetière de l’église Saint-Nicolas. Une dépêche de l’ambassadeur français Fénelon, du 21 janvier 1570, le décrit comme « estimé home fort sçavant et de bonne vie ».
Thomas Plumtree fait partie du groupe des cinquante-quatre martyrs anglais, gallois et écossais dont le pape Grégoire XIII (pape de 1572 à 1585) autorise le culte public. Dans l’église du Collège anglais, à Rome, divers tableaux, peints dans ce but, représentent leur martyre. Une série de gravures, « avec le privilège du pontife Grégoire XIII », les reproduit en 1584. L’exemple des martyrs anglais a de toute évidence frappé particulièrement leurs contemporains. Trois siècles plus tard, le 29 décembre 1886, Léon XIII, par béatification équipollente, les élève au rang des bienheureux.
Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre.
Au delà
Après trente années de troubles, au cours desquelles on recense de nombreux martyrs, dont saint John Fisher en 1534, le Parlement anglais rend obligatoire l’adhésion aux « Trente-neuf articles » en 1571 ; on voit par cette conclusion que la lutte religieuse était sans merci. Cependant, à regarder les faits historiques du point de vue de l’éternité et non selon les avantages humains d’ici-bas, le courage surnaturel animé par la foi et la charité de l’aumônier catholique a vaincu les efforts de ceux qui voulaient l’arracher au Christ.
Aller plus loin
Lives of the English Martyrs Declared Blessed by Pope Leo XIII in 1886 and 1895, écrit par des pères de l’Oratoire, du clergé séculier et de la Compagnie de Jésus, complété et édité par dom Bede Camm, O.S.B. Volume II : Martyrs under Queen Elisabeth, 1914. Ce que l’on connaît de la vie du bienheureux Thomas Plumtree est rapporté aux pages 152 à 159. Peut être consulté en ligne .
En complément
Nicolas Sander, De visibili monarchia ecclesiae, Paris, 1580. La première édition fut publiée à Louvain en 1571, soit un an après le martyre de Thomas Plumtree. Peut-être consulté en ligne .
« Les martyrs anglais bénédictins au XVIe siècle », dans la Revue bénédictine, 1895, vol. 12, p. 489-498.
L’article du National Catholic Reporter, du 4 janvier 2011 : « On this day: Bl. Thomas Plumtree ».