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© Shutterstock/Zvonimir Atletic.
Les martyrs
Verulamium (Angleterre)
Nº 360
22 juin 288

Alban, de la conversion au martyre (+288)

Le 22 juin 288 est une date phare dans l’histoire de la Grande-Bretagne, puisque la mort de son premier martyr, un patricien nommé Albanus – Alban en français –, supplicié ce jour-là, prouve la christianisation de l’île. Si les circonstances de la conversion d’Alban sont déjà remarquables, la façon dont la Tradition a conservé sa mémoire – en l’absence de toutes sources écrites contemporaines, mais grâce à un récit oral largement crédible – l’est bien davantage encore. Premier martyr de Grande-Bretagne, saint Alban en est le patron.


Les raisons d'y croire

  • L’Histoire ecclésiastique des Angles, de Bède le Vénérable, est une source écrite de la vie de saint Alban. Ce texte a été rédigé à la fin du VIIe siècle, bien après son martyre, mais il contient une foule de détails que Bède n’a pu inventer et que les recherches archéologiques ont systématiquement confirmés. Il faut supposer que les contemporains de la vie et du martyre d’Alban, s’ils n’en ont pas laissé de trace écrite, en ont construit une version parlée, transmise oralement, au mot près, pendant des siècles – mode de transmission connu et vérifié parfois sur des durées beaucoup plus longues, qui est une des particularités remarquables de la culture celtique.

  • On pourrait croire que la Grande-Bretagne avait été épargnée par les violences antichrétiennes lors de la persécution de Dioclétien, parce qu’elle était gouvernée par Constance Chlore, l’un des futurs successeurs de Dioclétien et père de Constantin, qui ne cachait pas sa sympathie pour les chrétiens. Mais, en 288, Maximien, le co-empereur de Dioclétien, installé en Gaule afin d’y rétablir la paix romaine après des décennies d’insurrection, profite de la répression du mouvement indépendantiste pour tenter d’en finir avec les chrétiens, qu’il déteste et qu’il soupçonne de complicité avec les insurgés. Redoutant une contagion des bagaudes à l’île de Bretagne, il ordonne aux autorités outre-Manche de prendre des mesures répressives contre les petites chrétientés locales.

  • C’est dans ce contexte qu’à Verulamium, un patricien nommé Albanus, probable sympathisant de la cause indépendantiste, cache un missionnaire chrétien recherché par la police. Même si l’hospitalité offerte par Alban a des raisons patriotiques et s’inscrit dans une résistance à l’occupant, elle va attirer sur lui les grâces surnaturelles nécessaires à sa conversion. D’abord réticent à l’enseignement du prêtre, Alban, païen qui admet ne rien comprendre à la foi de son hôte, finit par y adhérer et demande le baptême.

  • À la mi-juin 288, lors d’une descente de police à son domicile, Alban change de vêtements avec le prêtre et se laisse arrêter à sa place. Conformément à la législation en vigueur, puisqu’Alban refuse de renier le Christ, il est condamné à mort et décapité, après avoir été flagellé à la sortie de la ville, le 22 juin. La réalité et la profondeur de sa conversion ne peuvent être mises en doute.

  • Les questions du juge pendant l’interrogatoire et les réponses du prévenu sont conformes à la procédure juridique et au discours apologétique des chrétiens de cette époque. De même, la flagellation d’Alban, relatée par la Tradition, correspond au procédé qui privait les chrétiens d’origine noble et libre des avantages de leur statut et permettait de leur faire endurer les mêmes supplices qu’aux esclaves.

  • Les fouilles archéologiques réalisées sur le site de la ville antique de Verulamium, l’actuelle St Albans, alors important site administratif romain, ont démontré dans le moindre détail l’exactitude topographique du récit, permettant de resituer aussi bien le tribunal du préfet que le pont sur lequel la foule venue assister au supplice d’Alban s’était massée, l’empêchant de l’emprunter, de sorte que la légende affirme que la rivière s’ouvrit pour le laisser traverser.

  • Témoin du jaillissement miraculeux d’une source sur le lieu de la prière du martyr, l’un des soldats de l’escorte, sur le point de l’exécuter, se convertit ; il est, lui aussi, supplicié. L’église qui est construite à l’emplacement du martyre d’Alban, près de la source, est très ancienne, tout comme le pèlerinage instauré sur son tombeau dès la paix, preuve que le martyr a été très tôt vénéré.


En savoir plus

Les historiens estiment que le christianisme a dû arriver en Bretagne (l’actuelle Grande-Bretagne) au milieu du Ier siècle, lors de la campagne militaire organisée par l’empereur Claude, puis s’est enraciné au IIe siècle, grâce à une évangélisation empirique réalisée par des soldats chrétiens en garnison sur l’île et par des commerçants orientaux de passage. Les communautés spontanées nées de leurs prédications étaient trop réduites pour attirer l’attention, ce qui leur a permis d’échapper dans un premier temps aux persécutions.

Ce n’est que dans les dernières décennies du IIIe siècle que l’Église, pour éviter l’implantation de courants hérétiques, envoie systématiquement des prêtres missionnaires porter l’Évangile et prendre la direction des communautés existantes. C’est alors que l’Église bretonne apparaît au grand jour et devient la cible des autorités. Le prêtre hébergé par Alban est l’un de ces missionnaires. Les chroniques le nomment à tort Amphibolos, ce qui veut dire « manteau » et renvoie à un épisode ultérieur du récit, scrupuleusement retenu et récité mais mal compris, preuve de son ancienneté.

En 288, l’Auguste d’Occident, Maximien, est en Gaule afin d’en finir avec les bagaudes, insurrections qui secouent le pays depuis plus de trente ans. Or, nombre de chrétiens gaulois se sont ralliés aux insurgés pour échapper aux persécutions. Ce front commun permet à Maximien, au nom de la sécurité de l’empire, de massacrer ces fidèles du Christ, qu’il déteste. Le mouvement insurrectionnel indépendantiste menaçant de gagner la Bretagne, Maximien impose que des mesures soient prises outre-Manche pour en finir avec d’éventuels révoltés et leurs complices chrétiens.

Dès lors, le récit de la mort d’Alban, aristocrate breton romanisé descendant de chefs de clan, donc soupçonnable de déloyauté envers Rome, devient tout à fait plausible. Si Alban est un nostalgique de l’ancienne liberté de sa patrie, cela explique pourquoi, en cachant un prêtre chrétien recherché, il passe outre aux ordres du gouverneur romain. Enfermé chez son bienfaiteur, le prêtre missionnaire a tout loisir de parler du Christ à ce païen de bonne volonté. Il le convertit et le baptise.

Lorsque l’on vient arrêter le prêtre, victime d’une délation, Alban revêt de son manteau l’ecclésiastique, trop identifiable, et se laisse arrêter à sa place, lui permettant de fuir. Face au refus d’Alban de renier sa foi, il est mis à mort : aussitôt devenu chrétien, le voilà martyr.

Alban est le premier martyr de l’Angleterre et Verulamium porte aujourd’hui le nom de St Albans in Hertfordshire.

Spécialiste de l’histoire de l’Église, postulateur d’une cause de béatification, journaliste pour de nombreux médias catholiques, Anne Bernet est l’auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages pour la plupart consacrés à la sainteté.


Aller plus loin

Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique des Angles. Nombreuses éditions disponibles.


En complément

  • Anne Bernet, Les Chrétiens dans l’Empire romain, Perrin 2003, Tallandier texto 2013.

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